_Premier chapitre_
Automne 1978, les surplus
américains se vendaient plutôt mal sur les marchés
du Périgord près de Bergerac, faire le caniche derrière
les placiers et les arroser pour mendier une place merdique
commençait à me raser au plus haut point.
Ces deux facteurs, ainsi que
l'hiver pointant le bout de son nez gelé me font prêter
une oreille attentive aux propos de mon copain Doudou
qui avait ramé tout l’été pour vendre ses « véritables
» souvenirs africains.
Il repart bientôt au Sénégal
par la route, en passant par la Mauritanie dans une
404 Peugeot d'une dizaine d'années ; Achetée 1000
francs français=150€, il la revendra, une fois arrivé,
entre 600.000 et 700.000.francs C.F.A*, soit 12.000
à 14.000 francs français = 2134€ après
7 à 10 jours de voyage.
Dans ma tête le calcul est
vite fait, je me dis que ça rapporterait plus que les
marchés, avec l'avantage de voir du pays, d'être au
chaud et de ne plus supporter les gueules d'empeignes
citées plus haut.
Aussi sec, je vais acheter
une carte de l'Afrique du nord-ouest ; l'ayant dépliée,
je lui demande de me situer la route par où passer,
problème, il ne sait pas lire une carte.
Cette lacune palliée par
une excellente mémoire, je me fais expliquer le chemin,
les noms des villes traversées, où passer la Méditerranée,
enfin, tous les renseignements que je peux lui soutirer,
j'apprends ainsi que les voitures les plus cotées sont
des Peugeot 404 plateau ou familiales à carburateurs,
ces modèles rustiques et solides permettant de faire
des taxis-brousse (premier mot africain appris en ce
frileux matin d'automne).
Dans le quart d’heure suivant,
c'est décidé, nous convenons qu'une fois mon matériel
de marché vendu, je me pointerai le voir à Saint-Louis
du Sénégal avec un véhicule automobile sorti des
chaînes de la maison Peugeot, lui, se chargeant de
me le vendre moyennant une commission.
Sur ce marché, un type sympa
vendait un peu de tout, je lui propose d'acheter mon
stock, il passe l'après-midi même le voir et me fait
une proposition d’autant plus honnête qu’il paie
tout en liquide!
Je demande à une amie dont
le frère est garagiste s’il peut me trouver une 404
entre 1000 et 2000 francs = 153 € / 307 €
en très bon état car la traversée de la Mauritanie
comporte une bonne partie de désert.
Le lendemain, elle me dit
que j'ai de la chance, il est disposé à me vendre
sa propre 404 familiale 3000 ff = 457€, c'est cher,
mais le type me certifie qu'il s'en sert tous les jours
et qu'elle fonctionne parfaitement, je la lui achète,
même si c'est le double de ce que je comptais mettre.
Préparer les quelques outils
dont je disposais, glaner cinq fûts vides de trente
litres chacun ; embarquer des affaires dans la voiture,
celles que je laisse hors de portée des visites nocturnes,
(car j'habite une petite maison isolée), ne me prit
qu’une journée.
Salut aux amis, dont l’un
me demande d’aller saluer son frère à Abidjan, je
prends l'adresse pour lui faire plaisir tout en me disant
que j'en serais éloigné au bas mot de 2000 kilomètres,
puis, par un bel après-midi, je fais monter mon chien
Athos (gros bâtard de griffon au poil noir et dru de
35 kilos tout sec) dans la voiture, direction le Sénégal.
Aux environs de St-Jean-de-Luz,
dans un virage, le voyant d'huile s'allume, pourtant
je suis sûr d'en avoir fait le niveau avant de partir
! Après m'être arrêté, je tire la jauge, il manque
pratiquement un litre d'huile après seulement 200 bornes,
cet enfoiré de garagiste m'a refilé une belle voiture
avec le moteur lavé! Que je sois l'ami de sa sœur
et l'aie achetée pour partir en Afrique sans en marchander
le prix ne l’a pas gêné, quel chien !!!
De toutes façons, c'est parti,
je continue en me disant que le budget huile qui n'était
pas prévu au programme ne va pas faciliter l'entreprise.
Dans un supermarché j'achète
5 litres d'huile la plus épaisse possible, quelques
boîtes de pâté, du saucisson ; pour casser la croûte
sur le pouce, la charcutaille c'est ce qu'il y a de
mieux, et, dans les pays musulmans, je pense avoir du
mal à trouver l'équivalent.
En bas de l’Espagne, traversée
de la Méditerranée par Algesiras-Ceuta ; cette dernière
ville étant une enclave espagnole en territoire marocain,
l'essence et l'alcool y sont détaxés, je fais le plein
de mes bidons d'essence, d'huile moteur et achète une
bouteille de whisky.
A la sortie de la ville, passage
de la frontière espagnole fluide, celle du Maroc par
contre est encombrée de voitures surchargées, notamment
de gros électroménager, je vais à pied chercher une
fiche sur laquelle on doit noter les noms, numéro
de passeport, de voiture etc.....
Je retourne à mon auto, remplis
le formulaire tout en avançant petit à petit ; arrivé
devant le poste, j’apporte la fiche et mes papiers,
le policier appose un
tampon figurant une voiture
sur une page prise au hasard de mon passeport, ce mépris
de la chronologie est courant dans beaucoup de pays
africains, avec une prédilection pour les dernières
pages dans les pays arabes. Le tampon avec la petite
voiture m'obligera à sortir du territoire avec mon
véhicule.
Les douaniers ne fouillent
pas l’auto, me demandent ce que j'ai dans mes bidons,
que je passe avec 150 litres d'essence sur la galerie
ne pose pas de problème, me voilà au Maroc!
Aussitôt, je prends la route
direction le Sénégal ; Rabat, Casablanca, il y a des
barrages de police régulièrement espacés avec herses
commack...!!!
Le long de la côte, les
pêcheurs lèvent à bout de bras
de magnifiques poissons pour les vendre, apparemment,
ce sont des dorades et bars.
Les
chèvres montent dans les arbres,
jusqu’au bout des plus petites branches pour se nourrir des feuilles, souvent
rares.
Après Agadir, la route devient
moins large, un camion à ridelles, bourré de types
en goguette, et roulant à tombeau ouvert, déboule
au milieu de la route dans un haut de côte, je suis
obligé de me balancer sur le bas-côté pour ne pas
le prendre en pleine tronche!
Des gens font du stop, je
finis par prendre un jeune garçon en pleine pampa,
nous faisons une cinquantaine de bornes, il me dit habiter
une petite oasis, me demande de le déposer chez
lui et m'invite à manger, la journée finissant,
je me dis que ce n'est pas une mauvaise idée.
L'oasis en question n'est
pas exactement à côté de la route, le chemin qui
y conduit n'est pas des meilleurs, mais pour la voiture
c'est une petite mise en train.
Après 2 où 3 kilomètres
d’une voie poussiéreuse, nous arrivons dans un paradis
de verdure et de palmiers parfaitement irrigué par
de petits canaux entrecroisés, le gamin me présente
ses trois grands frères et cousins qui, après avoir
un peu tourné autour du pot, me demandent si j’ai
de l'alcool, je sors ma bouteille de whisky et nous
prenons l'apéro sous les dattiers, puis ils veulent
absolument m'amener voir un vieux berger qui a de vieux
bijoux à vendre, j'ai beau leur dire que je n'en ai
pas besoin, devant leur insistance, je les accompagne
en râlant un peu.
Nous marchons un ou deux kilomètres
dans la campagne aride et arrivons à une petite cabane
très basse, sise dans un enclos fait de branches d’épineux
où se trouve un troupeau de chèvres et moutons, sans
franchir la barrière, mes guides tapent dans leurs
mains pour appeler le maître de céans.
Apparaît un vieux bonhomme
en burnous, canne à la main, il nous invite à entrer
dans sa cahute, puis à nous asseoir sur des tapis,
sur un petit poêle à charbon de bois en terre cuite, il
nous prépare un excellent thé à la menthe très sucré
tout en posant des tas de questions par le truchement
des copains.
Lorsqu'il demande combien
j'ai mis de temps pour venir de France, je lui réponds
deux jours, il dit quelques mots comme se parlant à
lui-même, je demande la traduction, il m'est répondu
qu'il pensait que la France était beaucoup plus loin,
l'interprète me disant au passage que le "vieux"
calcule en jours de marche à chameau, je ne dis rien,
tout en pensant que l'un des deux me prend pour un gland.
Le soir tombe tandis que nous
discutons en buvant le thé, mes hôtes commencent à
s'impatienter, ils disent quelques mots au bonhomme,
celui-ci sort d’un petit sac quelques bracelets, colliers,
bagues, apparemment anciens ; bien que pas très chaud,
j'entame la discussion pour lui faire plaisir tout en
disant que nous ne pourrons que troquer car la route
est encore longue et que j'ai besoin de tout mon argent
liquide, cela lui convient, je choisis quelques pièces
que je trouve sympas et qui s'avèreront plus tard être
anciennes et d'argent massif.
Nous repartons vers l'oasis,
arrivés à la voiture, nouvelles palabres, il choisit
parmi mes vêtements ce qui lui va et lui plaît : une
paire de chaussures, un ou deux tricots, une veste,
deux où trois chemises et le vieux berger est content,
je pense que tout s'est bien passé, il n'a pas été
gourmand, moi pas chien ; Nous nous serrons la main
pour sceller le marché, je donne une ou deux
chemise de leur choix à chacun de mes
hôtes car ils en ont visiblement envie, puis nous allons
tous dans une grande salle au sol couvert d’épais
tapis, sur lesquels nous nous asseyons, on nous amène
un grand plat d'un très bon couscous sur une table
basse.
L'ayant goûté, je demande
quelle est la viande succulente qui l’accompagne,
c'est du jeune chameau.
Après ces agapes, le pasteur
retourne à son enclos après m'avoir longuement souhaité
un bon voyage ; vraiment gentil le petit père !
Dès qu’il est parti, la
bouteille de whisky refait surface, nous nous remettons
à la faire souffrir ; après lui avoir fait un définitif
mauvais sort, les amis m’invitent à dormir, ils sortent
des couvertures en poils de chameaux, raides et rugueuses,
mais très chaudes.
Tout le monde se couche sur
des bas-flancs-sièges faisant le tour de la pièce,
deux minutes après, je dors comme un loir.
Le lendemain matin, réveil
à l'aube, j'ai la tronche un peu enfarinée et la lumière
est dure à supporter, mais, une fois la porte ouverte,
la fraîcheur matinale, le chuchotement de l’eau circulant
dans les petits canaux d'irrigation ainsi que les piaillements
de milliers d'oiseaux ont tôt fait de me dépoisser
la menteuse.
Nous nous promenons un peu
dans l’oasis, puis on m'invite à partager le petit
déjeuner.
Nous retournons à la salle
commune, plions les couvertures que nous remisons dans
les sièges / coffres ; pendant ce temps, une jeune fille
charge la table basse de notre petit déjeuner, c'est
du sérieux ! Thé, dattes, miel, pain trempé dans
une huile d'olive très forte et très verte (tous ces
produits cultivés et transformés sur place), les amis
se font un vrai festin, pour ma part, ça a du mal à
passer, alternant l’huile d’olive et le miel avec
le thé, j'arrive tout de même à me sustenter suffisamment
pour pouvoir envisager de poursuivre mon voyage.
Au moment de partir, la voiture
se fait tirer l'oreille pour démarrer, les bougies
doivent commencer à être encrassées ; l’un de mes
hôtes me dit de ne pas insister, me demande un tournevis,
défait la durit d'air du carburateur, me demande
d'actionner le démarreur tout en bouchant l'arrivée
d'air avec sa main, après quelques tours, il l'enlève
d'un seul coup, le moteur démarre comme un grand !
Je remercie et salue tout le monde.
La route est de moins en moins
empruntée, je reste souvent sans croiser une voiture
durant des dizaines de kilomètres, je m'arrête dans
les petits villages pour manger des plats sentant bon
la coriandre, essentiellement des ragoûts de mouton
aux lentilles ou haricots ; Le matin, du café au lait
avec des petits pains ressemblant à nos pains au lait
pris
dans des estaminets et
la route continue à défiler.
Voulant faire de l’essence,
impossible d'ouvrir les fûts, le carburant a apparemment
soudé les robinets de plastique rapportés sur le métal
du bidon ; armé d'un fort couteau et d'une godasse,
je pratique une ouverture dans le haut d'un tonneau
en faisant une prière pour qu'il n'y ait pas d'étincelle
; l'opération se passe bien, en siphonnant, je régale
mon réservoir.
Les barrages se font de plus
en plus fréquents, toujours avec des herses repliables
armées de longs pics acérés en travers de la route.
Goulimine, la ville est
en pleine effervescence : automitrailleuses, chars,
camions bourrés de soldats visiblement sur le pied
de guerre, des véhicules militaires explosés, rapatriés
sur le côté de la route.
Je ne m'attarde pas, à la
sortie de la ville, re-barrage, mais là, gros problème,
les bidasses ne veulent pas me laisser passer, les africains
se rendant dans leur pays le peuvent à condition d'être
en convois et encadrés de véhicules blindés
; en France, j'avais bien entendu parler de divergences
de point de vue avec le front Polisario, sur le terrain
c'est autre chose !
Je demande quand part le prochain
convoi, il m'est répondu que de toutes façons les
européens n'ont pas le droit de passer ; cela me paraissant
extravagant, je demande à parler au chef de poste qui
me confirme l’information ; j'ai beau insister, je
me rends compte que les ordres viennent de beaucoup
plus haut, les types obéissent aux consignes et vu
le contexte de tension dans le coin, une dérogation
ne peut pas venir du chef de poste.
Je reviens en ville, vais
au quartier général, demande à parler au big chef,
il est occupé, mais son secrétariat me confirme que
les ordres viennent directement de Rabat et que l'autorisation
ne peut être obtenue que là ; j'insiste, faisant comprendre
que c'est un aller-retour de 1500 kilomètres, le type
est désolé, mais visiblement, ce sauf-conduit ne peut
être délivré qu'à la capitale ; le moral à zéro,
je reprends la route dans l'autre sens.
Rabat, je commence les démarches
pour me procurer le précieux document dans des bureaux
qui me renvoient de l'un à l'autre.
Ne pouvant obtenir aucun renseignement
de la part des bureaucrates marocains, je me pointe
au consulat de France pour être éclairé de ce qu'il
en est exactement de la situation.
Si vous n'aviez besoin de rien,
il fallait aller directement au consulat de France
vous étiez vite servis (je ne pense pas que cela ait
changé) ; pas la peine d'y aller, vous dérangiez ces
messieurs-dames qui ne connaissent rien de ce
cas de figure et n'ont absolument pas l'intention de
s'en inquiéter.
Toutes ces démarches me prennent
plus d’une semaine, je dors dans la voiture près
d’une plage qui, dès 17 heures est complètement
déserte ; je me fais des copains, des jeunes Marocains,
puis un Français d'une cinquantaine d'années qui vient
le matin s'y entraîner au lancer de boomerang, la solitude
se fait moins sentir ; chaque jour à la fraîche, (car
au fil du temps, l'air se fait de plus en plus froid
le soir et le matin) il m’initie à son hobby.
Ma réserve de papier-cul est finie, dans les cafés, les
chiottes sont souvent très sales, comportant une vasque à la turque ; à portée
de main lorsqu’on est accroupi, se trouve un robinet prolongé d’un
tuyau dont l’usage est évident.
Je me dis que les
gens du coin pratiquent de cette manière depuis des temps immémoriaux et n’ont
pas l’air de s’en porter plus mal, il faut s’y mettre !
Comme dit l’autre,
c’est le premier pas qui compte, c’est un peu
dur, mais quand c’est fini, je trouve que ce système
est bien plus efficace qu'avec le pécul.
Le midi, les bureaux étant
fermés, je me promène sur les bords de mer, voyant
des pêcheurs sur une jetée, je sors mon matériel
de pêche et essaie sans résultat de prendre quelque
bestiole dotée de nageoires ; cet exercice me permet
de me faire un autre copain, un vieux Français, pêcheur
acharné, il est là tous les jours, mais lui, il sort
régulièrement d'assez belles pièces.
Appâtant avec ce qu'il appelle
des « patates » ; je ne sais si cette chose à peu
près ronde et abominablement puante quand on l'ouvre,
est d'origine animale ou végétale, en tout cas morte,
grosse comme un poing d'homme, échouée sur la plage
et faisandant depuis longtemps au soleil ; quand nous
les ouvrons, il en sort un peu de matière solide au
milieu d'un jus nauséabond ; accroché à l'hameçon,
cela constitue le secret d’un appât de premier ordre
qui lui permet de faire ses pêches admirables.
Tous les jours, nous nous
retrouvons sur la jetée, peu de temps après, il m'invite
à manger chez lui, il est marié à une Marocaine d'une
quarantaine d'années (lui, la soixante dizaines), très
gentille, nous mangeons un excellent ragoût de mouton
accompagné de vin rouge Marocain le « Chaud Soleil
» que j'avais acheté dans une épicerie à côté
de chez eux.
Le vin, bien que vendu avec
autorisation, n’est délivré par le marchand qu'avec
réticence, entouré d’un sac de papier.
Sûrement après en avoir
délibéré avec sa femme, il m’invite à dormir,
j’accepte.
Les jours passant, il devient
évident que je n'aurai jamais l'autorisation de passer
par la Mauritanie ; avisant ma carte, je trouve deux
routes possibles pour le Sénégal, l’une passe par
l’Algérie et le Sahara, il faut traverser le Tanezrouft
« Pays de la soif », puis Gao, au Mali ; l’autre,
beaucoup plus longue, passe par Tamanrasset, puis le
Niger, j’opte pour Gao, après, on verra…….
J'écris à ma mère pour
lui taper 1500 francs = 230 €, quelques
jours plus tard, je reçois son mandat ; le seul problème
est que l'on me le paie en dirhams, pour voyager en
Algérie, on ne peut pas dire que ce soit ce qu'il y
ait de mieux !
Mon copain au boomerang se
propose de demander autour de lui afin de les changer,
mais, parlant de mon affaire à mes potes marocains,
ils me disent que dans le souk il y a des marchands
qui sont payés en francs français dont ils voudraient
bien se débarrasser ; nous nous y rendons illico, dix
minutes plus tard, je me retrouve avec la somme équivalente
à celle envoyée par ma mère, « tête-à-tête »
comme ils disent, c'est à dire dix dirhams pour dix
francs, zéro % de perte au change, c’est raisonnable.
(aujourd'hui, avec l'expérience acquise, je me demande
si ce n'était pas de faux billets).
Je repasse au consulat de
France pour demander les vaccins obligatoires pour entrer
en Algérie, une espèce de grosse vache me répond
avec un accent pied-noir à couper au couteau « j'en
sais rien moi ! Je ne suis pas le gouvernement algérien
», après lui avoir dit ma façon de penser (grossièrement,
je le crains) je m'en vais en claquant la porte.
Le lendemain matin, je vais
à la plage dire au revoir à mon ami au boomerang.
Puis je retourne chez mon
copain pêcheur charger mes bagages, les jeunes marocains
sont là pour me dire au revoir.
Il me revient que lorsque
je dormais encore dans la voiture, un soir, l'un d'eux,
bien que de famille très modeste m'avait
apporté un bol de bonne soupe de légumes bien chaude,
il habitait à côté de la plage où je garais ma voiture
pour dormir, mais il lui fallut bien faire cinq cents
mètres à pied pour venir jusqu'à moi.
Je promets d’écrire pour
leur donner de mes nouvelles, mon hôte et sa femme
sont inquiets de me voir partir pour l’Algérie.
En les voyant disparaître
dans le rétroviseur, j'en ai gros sur la patate!
Pas de problème particulier
sur la route ni à la sortie du territoire marocain,
par contre, la douane algérienne, pardon ! Ambiance
super sèche !!
Déclaration de devises, fouille
en règle du véhicule, à côté de la bonhommie de
la douane marocaine, rien à voir !
Après les contrôles, je
me retrouve muni d'un carnet de devises énumérant
non seulement les espèces, mais tout ce qui peut se
vendre ou s'échanger, atmosphère de suspicion déprimante.
Enfin passé, je taille la
route par Tlemcen, il y fait un froid de canard ; les
gens sont sympas, dans de petits restaurants au long
du trajet, on me demande régulièrement si j'ai quelque
chose à vendre.
Apparemment il leur manque
de tout et je commence à comprendre l’intérêt du
carnet de devises, je regrette un peu ma bouteille de
whisky, pas d’alcool ni de vin dans les épiceries,
la bouteille d'anisette ou de whisky s'achète minimum
300 dinars au black, le litre d'essence est à 0,65
dinars, ce qui fait qu'une bouteille de whisky achetée
12 francs (moins de 2 €) en zone
dédouanée et 65 francs en France ( 10 €), permet,
après une vente rapide et facile, d'acheter près de
500 litres d'essence pour une mise initiale
de 2 €...!!!!
Après Tlemcen, El Aricha,
Aïn-Sefra, Beni-Ounif, Béchar, Taghit, à contrario
du Maroc, aucun barrage ni flics sur les routes... Beni-Abbès,
le paysage est de plus en plus désertique.
À Kerzaz, je discute avec le fils
du patron d'un petit restaurant, il veut tout acheter
et tout vendre ; n’ayant plus de bidons (j’ai dû
tous les éventrer pour en sortir l’essence), je lui
dis devoir traverser le Sahara et qu'il me faut un gros
baril pour quintupler mon autonomie de carburant, il
a çà en stock. M'étant restauré, il m'emmène dans
une remise où se trouve l'objet, c'est exactement ce
qu'il me faut car il contient 225 litres,
nous faisons affaire, avec le plein du réservoir avant
de partir, ça devrait suffire pour traverser le Sahara!
Depuis Beni-Abbès, entre
les villes, plus de maisons, la route est par moment
encadrée de dunes dont certaines très hautes, menaçant
de submerger la route, des bandes
de sable traversent
la chaussée ; heureusement que je ne roule pas trop
vite quand je passe sur la première de ces avancées,
car une langue de sable sur le goudron est presque aussi
dure que ce dernier.
La réverbération du soleil
très cru dans le ciel sans nuages, la chaleur, les routes
tirées au cordeau
sur des dizaines de kilomètres portent à faire la
sieste en conduisant ; j’ai tendance à avoir des
pertes d’attention de plus en plus longues et répétées
; je trouve une combine qui me sauvera plusieurs fois
la mise aussi bien en Afrique qu'en France : Ayant remarqué
que quand on somnole le bras se relâche, la main tenant
le volant descend et l’entraîne de côté, carton
immédiat ! Mais si l'on tient le volant d’une main
par le bas, cela permet de relâcher son attention plusieurs
secondes, la voiture continue tout droit ; les chaussées
rectilignes étant plus courantes que les virages, ça
fait la différence.
Cela dit, quand j'aurai fait
plusieurs fois la route, dès que je me sentirai l’œil
vague, je m'arrêterai, les kilomètres que l'on gagne
en souffrant à rester en éveil peuvent être faits
plus tard, décontracté, après une bonne sieste,
sans perdre de temps pour autant.
Siestes que je pris l'habitude,
dès le début, de faire près de la route, portières
verrouillées, vitres entrouvertes, la première engagée,
sans frein à main, starter tiré, clé sur le contact,
ce qui permet un démarrage foudroyant d'un simple coup
de démarreur en cas de problème (précaution qui,
heureusement, ne me servit jamais).
Roupillant à moitié, je
crois avoir cassé la voiture : un fossé coupe le goudron
à angle droit! Heureusement, je roulais assez vite,
je pense que sinon le train avant y restait!
Adrar, dernier
poste de ravitaillement,
je parcours les rues sablonneuses, les maisons ne comportent
qu'un étage avec terrasse, peu de fenêtres, des arcades protégent les entrées
des maisons ou magasins du soleil, il faut dire qu'à
Adrar celui-ci cogne dur !
Les phares des voitures sont
enduits de graisse, cette protection est obligatoire,
sans quoi, ils deviendraient opaques et inefficaces,
dépolis par les vents de sable qui enlèvent la peinture
des bas de caisse dont le métal
est souvent à nu.
Dans une rue, je vois un type
s’arrêter, se mettre à genoux, s’asseoir sur les
talons, genoux écartés, même de dos, vu la manipulation
à laquelle il se livre, visiblement, il se met à pisser
; je reverrais souvent la pratique se répéter
dans l'extrême sud, une fois l’affaire terminée,
en général, ils prennent une poignée de sable et
se sèchent vigoureusement le pommeau avec....
Je cherche de la bouffe qui
puisse être transportée, tous les magasins
sont de petites échoppes, des panneaux précisant
la spécialité de la boutique ; écrits en arabe, ils
ne me renseignent pas beaucoup !
Un passant m'indique une boutique
vendant un peu de tout, mais question ravitaillement,
à part les boîtes de sardines et légumes, il n'y
a pas grand-chose, j'en prends quelques-unes, puis cherche
où casser la croûte et me renseigner sur les autres
possibilités d’approvisionnement.
Je trouve un restaurant où
je mange l'habituelle soupe épicée et un ragoût de
mouton ; les clients partis, je m’informe auprès
du patron devant un café ; petit homme maigre, intelligent
et sympathique, il se nomme Ramdann, me confirme qu’à
part les achats déjà effectués, je ne trouverai pratiquement
rien d’autre à embarquer pour me sustenter durant ma traversée du Sahara, ce,
jusqu'à Gao (Mali).
Le lendemain matin, je croise
un groupe de cinq Belges dans trois 404, ils font le
voyage moitié pour le plaisir, moitié pour le business,
l’un d’eux, Philippe, en ayant déjà vendu deux
au Mali, en a récemment fait son métier.
Il me propose de faire la
descente avec eux, ils ont assez de provisions pour
une bouche supplémentaire ; ça les arrange, car il
faut former un convoi pour avoir l'autorisation de traverser
le Sahara et quatre voitures est le minimum ; je
ne me fais pas prier, tout le monde y gagne, car
on peut attendre plusieurs jours le nombre de voitures ou camions
requis.
Je leur dis que j'ai déjà
une provision de boîtes de légumes et sardines à
partager, ils tordent le nez ; Philippe me demande d'acheter
des tomates séchées, (à cuire avec les nouilles,
elles reviennent très bien pour faire des sauces),
des légumes frais et du pain.
Je me rends au marché pour
acheter de quoi améliorer la croque.
Le soir, chez Ramdann,
Philippe m'explique les grandes lignes de la traversée,
le repas terminé, nous nous écartons du centre et
dormons dans nos voitures.
Le lendemain matin, nous nous
retrouvons au petit déjeuner chez mon restaurateur
préféré où nous nous approvisionnons en eau ; après
lui avoir dit au revoir, nous allons faire les pleins
d'essence.
Arrivé à la station, je
choisis la pompe à gros débit, c'est un pistolet à
essence trois fois plus gros que d'ordinaire, le pompiste
me dit en rigolant de bien tenir l'appareil ; faisant
attention, j'appuie sur la gâchette, heureusement qu'il
m'avait prévenu ! Un énorme jet sort brusquement de
l'instrument, provoquant un important recul, c'est impressionnant
de voir l'essence sortir à une telle vitesse ; en deux
coups de cuillère à pot, mon fut est plein, je m'aperçois
alors que ça coule gaillardement dans la voiture :
aux nervures du baril, j'ai une grosse et une petite
fuite, qui plus est, opposées l’une à l’autre!
Je vais en vitesse régler
le gars de la station et pars presto aveugler les entailles
; en frottant avec du savon j'arrive à colmater la
petite, pour la grosse, c'est un autre problème : Je
tourne le tonneau fuite vers le haut, puis, insérant
en force de petits bouts de bois biseautés, j'obstrue
du mieux que je peux la grosse fente, le bois gonflant
en s'imbibant d’essence, il y a du mieux, après avoir
arasé la réparation, je termine le boulot au savon.
Je replace mon fût, le gros
bouchon en haut, sans le serrer, pour ne pas provoquer
de pression ; la fuite se réduit à un goutte à goutte,
l'essence algérienne ayant une odeur agréable (d’où
le nom peut-être ?), le Sahara étant un espace dans
lequel on ne roule pas les fenêtres fermées, ça ira
très bien ainsi.
Je retourne faire mon complément
d'essence et nous partons.
Après avoir vérifié que
nous avons encore tout ce qui a été déclaré à l’entrée
du territoire, la douane nous reprend les carnets de
devises et nous gratifie d’un passavant valable pour
faire Adrar/Bordj-Moktar, sortie du territoire.
Route goudronnée jusqu'à
Reggane, refouille, plus pour tromper l'ennui, qu'autre
chose, puis on nous lâche.
Aussitôt, c'est la piste,
un panneau a, depuis, été installé,
puis c'est le sable
mou, le cul
des voitures chargées d'essence frotte, il faut faire
attention aux cailloux noyés dans le sable qui pointent
le nez, chaque impact marque le dessous de la voiture,
abîme les carters moteur, arrache les échappements,
casse les ponts arrières, crève les réservoirs, (toutes
ces calamités font les choux gras des petits garagistes
de Gao et Niamey).
Après plusieurs dizaines
de kilomètres, la piste, avec pour repères tous les
cinq où six kilomètres, des fûts de 200 litres (éventrés
afin qu’ils ne soient pas volés), devient un peu
plus
consistante,
le sol plus ferme, forme des plaques d’ondulations
successives plus ou moins régulières appelées «
tôle
ondulée »
(comme les vaches), dans ces passages, tant que la voiture
n’a pas acquis une vitesse suffisante pour ne toucher
que les crêtes des ondes, vibre épouvantablement.
Les carcasses de bestiaux desséchées
que nous verrons tout au long de la piste commencent
à apparaître.
Philippe m’indique un truc
auquel je n’avais pas pensé, quand l’aiguille de
température d’eau entre dans la zone rouge, il faut
mettre le chauffage à fond pour dissiper des calories
et ainsi, aider le radiateur, bonjour le sauna !!!!!!!
Paysage de sable plat à l'infini
; le soir, nous nous arrêtons, dînons en regardant
le soleil
se coucher,
il plonge derrière l'horizon à une vitesse étonnante,
le froid descend aussitôt.
Après avoir discuté de la
journée à venir, nous nous couchons.
Le lendemain matin, casse-croûte,
niveaux d'huile et d’eau, départ.
À 600 bornes d’Adrar, Bordj-Moktar,
sortie du territoire algérien, un panneau peint à
la main figurant une vieille chambre photographique
barrée d’une croix est assez explicite, paperasserie
tranquille.
La route est bonne pendant
une soixantaine de kilomètres, je vois même de petits
brins d'herbe jaunâtre qui poussent quand le terrain
est un peu creux, puis on commence à rouler dans la
caillasse, plus nous gagnons en altitude, plus ça s'aggrave!
La piste est maintenant taillée
dans un
paysage lunaire de roche dentelée gris foncé pointant de biais vers le
ciel, nous serpentons le long d'un chemin qui évite
les pics, les suspensions sont très malmenées car
nous roulons sur un tapis de pierres qui vont de la
taille d'un poing à celle d'un ballon de football.
Enfin nous arrivons à Tessalit,
frontière du Mali, cuvette de rocaille noirâtre dans
les hauts
de laquelle se trouve une forteresse.
La douane est à mi-pente
à droite, à gauche, il y a une jolie petite construction, c'est le
bureau
du chef de police,
en bas, à gauche, une construction rectangulaire plus
grande, dans laquelle il y a un petit restaurant, une
salle nue à disposition des voyageurs et la poste.
Les formalités sont bon enfant,
nous sommes obligés de prendre une assurance automobile
d'un prix raisonnable, après, nous allons nous désaltérer
à la petite auberge, y cassons une croûte frugale
et repartons dans la caillasse, puis c'est le sable
; cent bornes plus loin, nous arrivons à Aguelhok,
arrêt police sympa, rapide ; encore cent bornes, la
Markouba* : zone de sable mou d’une
dizaine de kilomètres barrant la piste sans contournement
possible, le seul passage régulier est ravagé de profondes
ornières creusées par les camions qui passent bille
en tête, misant tout sur l’incroyable couple moteur
des Berliet.
Cette voie est infranchissable
pour les voitures, la seule solution est de longer la
piste par la droite après avoir dégonflé les pneus.
Avant d’entamer ce morceau, il ne faut pas hésiter
à prendre de l’élan et rouler vite car les portions
de sable très mou sont longues, il faut éviter les
touffes d’herbes sèches aussi dures que des pierres,
ce qui n’est pas toujours possible, les amortisseurs
dégustent salement !!!!
Cent quatre-vingt kilomètres
après, Anéfis ; encore deux cent trente bornes et
nous arrivons à Gao, ville presque totalement
construite en banko*.
Il faut aller au commissariat
avant de nous jeter une bière pourtant bien méritée
après 1300 kilomètres de désert pliés en trois jours!
Nous sommes dirigés vers une salle assez grande où
un agent nous accueille. Après nous avoir invités
à nous asseoir à des bureaux d’écoliers, donné
une feuille blanche et prêté un stylo à bille, il
nous dicte très professoral les questions classiques
demandées aux touristes lors de leur entrée dans un
pays, cet agent s'appelle Mamby et deviendra plus tard
un ami et concurrent très sérieux à la pêche dans
le Niger.
Les formalités accomplies,
nous sortons, une ribambelle de gentils gamins nous
entourent, l’un d’eux, Boubakar, se propose comme
guide.
Nous allons à un « hôtel-restaurant
», bâtisse de banko très sombre à l’intérieur,
le patron de cet antre se nomme Yarga. Il s'occupe de
vendre les automobiles et encaisse le prix de ses chambres
(rares, chères) ou des places sur la terrasse (1000
francs maliens =10 francs français =1,50 €
la nuit), une tripotée de margouillats (gros
lézards de 50 à 60 centimètres de long) se promènent tranquillement
à la verticale des murs, les mâles ont de superbes
couleurs, jaune, rouge, vert et/ou bleu flamboyants,
les femelles sont plus petites et ternes.
L’épouse du maître de
céans s'occupe de préparer tous les jours un plat
différent, souvent un ragoût à base de riz, c'est
là que je sentirai pour la première fois le goût
des charançons, ils sont aussi présents dans la farine,
les pâtes...... on peut dire que chaque plat en est
"parfumé", au début je sors du pain ces
petits insectes un peu plus gros qu'une puce, puis mange
sans faire de chichis, content que Yarga ne me compte
pas un supplément viande.
Les chiottes sont un trou
dans la terre avec 10 centimètres d’asticots surnageant
et grouillant les uns sur les autres, le puits est à
côté, trouvez l'erreur ...... On m'a raconté qu'un
touriste teuton embompoinisé, se pointant en ces lieux, s'est
retrouvé dans la fosse aux rejetons de mouches, les
troncs de palmiers fendus en 4 sur leurs longueurs,
constituant le sol, ayant cédé sous son poids.
Quelques jours passent, des
clients viennent régulièrement voir les voitures,
en principe, on n'a pas le droit de les vendre, mais
en passant par un "intermédiaire" soi-disant
patenté, c’est possible, le problème est de savoir
qui l'est.
Si une vente se fait, vous
donnez une commission à l'intermédiaire, c'est quand
les « affaires économiques » vous tombent dessus
que vous vous apercevez que le type n'était pas autorisé
à vendre, ou n’a pas assez « fait manger » les
fonctionnaires ; de toutes façons, personne n'a de
papiers, de registre de commerce ou autre statut, le
mieux est de traiter, puis de riper les galoches au
plus vite !!!!!!
Philippe vend rapidement son
auto 900.000 francs maliens (9000 ff = 1370€), il
faut dire qu’elle est en parfait état ; pour voir
si le moteur de la voiture est bon, les africains ont
une technique imparable : Ils donnent trois grands coups
d’accélérateur et vont vite regarder les gaz d’échappement,
si la fumée est bleue, l’auto consomme de l’huile
; blanc, le joint de culasse est flingué ; noir, le
mélange air-essence est trop riche, (ce qui est le
moindre mal).
Chez le père Yarga, je fais
connaissance avec deux coopérants français instituteurs
en Côte-d’Ivoire qui me demandent si je peux les
redescendre, ils étaient venus passer quelques jours
à Gao, mais les congés se finissant, ils doivent retourner
à Bouaké, je leur réponds que je ne sais pas encore
si je persiste à aller au Sénégal où si je continue
vers le sud.
A tout hasard ils me donnent
leur adresse pour que je passe les voir si je m'égare
dans leur coin.
En face de l’hôtel Atlantide*,
sous des arcades, il y a des marchands d’objets africains
très intéressants : pointes de flèches et haches
préhistoriques ; des pipes, poignards, takoubas*, cadenas et de splendides clés
anciennes
souvent cassées, tout cela de provenance Tamashek ;
bien que je n’en aie pas les moyens, je craque.
Renseignements pris, il apparaît
que pour aller au Sénégal, il faut obligatoirement
faire une grande partie de la route en mettant voiture
et passager sur un train, très cher, très lent et
abominablement inconfortable, ça fait trop, surtout
que mes fonds ont bien baissé depuis une petite semaine
que je suis là !
Je décide de continuer vers
le sud, les Belges restent à Gao pour vendre les deux
autres voitures, on se dit au revoir.
Je m'entends avec un Français
à la recherche de sa nana qui s'est tirée en Côte-d’Ivoire
avec un mec, je lui prends le prix du taxi-brousse jusqu'à
Niamey (capitale du Niger) en gros 450 kilomètres,
c'est mieux que rien !
Gao-Labbezanga, passage de
frontière, pas de problème particulier, nous nous
arrêtons pour casser une croûte dans un petit boui-boui
en planches, je vois sur l’ardoise du menu : «
Poulet Maka », je demande à goûter cette spécialité
locale, le cuistot m’amène un poulet avec des nouilles,
je lui dis qu’il y a erreur, il me répond que non,
« Maka » est l’abréviation africaine de macaronis.
Arrivée à Niamey, commissariat
de police, avec ce coup-ci des imprimés à compléter,
puis nous nous dirigeons vers la maison des jeunes où
l'on peut dormir pas cher dans une grande salle
commune sur des lits en ferraille type armée; lorsque
je veux prendre une douche, cauchemar ! Des murs en
parpaings noirs et gluants de crasse, des blocs de ciment
épars pour rester au-dessus de l'eau stagnante, dur-dur!
Le porte monnaie sonnant creux
et ne trébuchant plus, je décide de ne pas m’attarder
et d’aller en Côte d’y-voir s'il y a des amateurs
de 404 familiale ; les coopérants m'ayant dit que je
trouverais sûrement preneur à Bouaké où ils sont
résidants, je vais aller tâter le terrain dans le
coin, en passant par Ouagadougou.
Traversée de la Haute-Volta,
les pistes sont en latérite*, ce matériau a le défaut
de former de longues bandes de "tôle ondulée",
sur l’une d’elles, j’amorce un large virage, la
voiture bringuebale de partout, manque d'adhérence,
l'arrière fait la valise, je contre-braque et accélère,
peau de balle, heureusement, la courbe se termine, j'en
sors complètement en travers, chauds les marrons !!!!!
La piste, traversant une forêt
clairsemée, je vois une douzaine de phacochères courir en file indienne droit
devant eux en diagonale de la route, il est évident
que s'ils ne changent pas de cap et ne ralentissent
pas, ils croiseront ma trajectoire ; ils passent ignorant
la voiture, je dois freiner, pour éviter le carton.
Ouagadougou, des vautours d’un bon mètre de haut
se promènent dans les rues, qu’ils nettoient, tranquilles,
tels d’énormes pigeons.
Bobo-Dioulasso, puis, passage
tranquille de la frontière de Côte-d’Ivoire ; je
suis étonné de constater que la base de la bouffe
africaine est le riz, les panneaux affichant les menus
ont une orthographe délirante.
Roulant de nuit le long d'une
plantation, je crois être victime d'une illusion d'optique,
je m'arrête et dirige les phares sur les cultures,
les bananes poussent cul vers le haut !!!
Vanné, je rentre dans un
petit hôtel histoire de roupiller et prendre une douche.
Éclairages aux néons peints en bleu, jaune, rouge,
vert ; raffut dantesque, radio pourrave à fond la caisse,
gueulantes des putes ivres qui montent des clients toute
la nuit, moustiques affamés malgré les serpentins
d’herbes à brûler venant d’Asie, le matin,
je ne suis pas beau à voir!
Ferkessédougou, retour sur
le goudron, je démarre d'un stop, coup de sifflet,
je tourne la tête et vois deux motards en uniforme,
allongés à l’ombre d'un arbre sur leurs motos B.M.W,
ils me font signe de m'approcher, je m’exécute, descends
avec les papiers car ils n'ont pas l'air de vouloir
changer de position ; je leur fais remarquer
que j'ai marqué le stop, je ne vois pas pourquoi ils
m'arrêtent, l'un d'eux, se redressant à califourchon
me dit tranquillement que je n'avais pas mis la ceinture
de sécurité, qu'il va falloir payer 7000 francs C.F.A
d'amende ; je réponds que je ne peux pas payer une
somme pareil car j'arrive de France et que je n'ai presque
plus d'argent, je dois rejoindre des amis à Bouaké
et il me reste juste de quoi payer l’essence, le type
me regarde un long moment d'une drôle de façon, un
peu au-dessus ou à travers moi et me dit, grand
seigneur avec un signe de la main : "allez-y,
c'est mon cadeau de Noël"; peut-être, le fait
que j’arrive de si loin par la «route» a-t-il joué
en ma faveur...
J'arrive à Bouaké sans plus
d’incident, les coopérants me reçoivent en tirant
un peu la tronche car ils m’y ont précédé de peu,
ayant fait la route en taxi-brousse. Il faut dire que
ce genre de transport n'est pas un pullman : 404 plateau
avec une galerie hyper renforcée, sur celle-ci, mobylettes,
chèvres, tous les bagages des passagers, régimes de
bananes entiers, boîtes de cinq kilos de sauce tomate
etc... 16 passagers à l'arrière, 2 places un peu plus
chères à l'avant et le chauffeur.
Alain (le mieux loti des deux,
car dépêché de France ; Sylvain a trouvé le job
sur place) m’invite à poser mes pénates dans une
chambre libre de sa maison et propose de me prêter
de l'argent que je lui rendrai quand j'aurai vendu la
voiture.
Renfloué, je leur propose
d'aller boire l'apéro dans un boui-boui car on est
en fin d'après-midi et qu'il commence à faire soif
; Nous nous dirigeons vers un petit bar, quelques autres
Français coopérants ne tardent pas à nous rejoindre.
Le soir tombant, les lucioles apparaissent, les moustiques
nous bouffent les miches à travers les fauteuils tressés
de gros fils en plastique et la toile de nos jeans,
nous allons manger dans un petit restau, puis dodo.
Le lendemain, je vais acheter
des pièces afin de retaper le moteur. Les Libanais
vendent à peu près tout ce dont on peut avoir besoin
pour entretenir et réparer les Peugeot ; je ressors
de la boutique avec les segments, pochette de joints,
coussinets de bielles, chaîne de distribution, indispensables
pour redonner une nouvelle jeunesse à mon moteur, le
tout à un prix raisonnable.
Je vais ensuite discuter avec
le patron d'une station-service pour lui louer un bout
de terrain et les outils qui me manquent, demande s'il
ne connaît pas deux gaillards qui voudraient se faire
un peu d'argent en me donnant un coup de main, car rien
que pour sortir le moteur il faut de l'huile de coude.
Il me trouve deux costauds,
je conviens avec eux de leur rémunération et nous
nous donnons rendez-vous pour le lendemain matin.
La réfection du moteur demande
deux petits jours de boulot tranquille, je paie la bouffe
du midi et quelques rafraîchissements consistant en
ananas bien mûrs épluchés devant vous a la machette
et dont les feuilles élaguées servent de poignée,
délicieux! A la fin de l'après-midi du deuxième jour,
je suis obligé de les engueuler car j'ai eu le tort
d'acheter de la bière (bouteilles de 75 centilitres)
plus une bouteille d’alcool de palme avant la remontée
du moteur et ils ne veulent rien savoir pour continuer,
ils pensent sûrement me faire raquer une journée de
plus si l'on ne termine pas ce soir ; je leur dis que
la journée n'est pas finie et que s'ils me laissent
tomber maintenant, je ne les paierais pas.
De toutes façons j'ai déjà
refermé le moteur, il ne reste plus qu'à le mettre
en place, ce qui est vite fait, j’engage les boulons
tenant le moteur sur la boîte à vitesses et les paie,
on se serre la main, moi un peu froidos, car je pense
avoir été plus que correct et qu'ils ont un peu trop
tiré sur la ficelle.
Je finis de remettre boulons
et durits, règle le propriétaire du garage, à 20
heures, je suis de retour chez les copains pour prendre
une bonne douche et retourner boire un coup.
Ils me disent que ma voiture
intéresse deux ou trois gros marchands, c'est bon signe
!
Les acheteurs ne pointant
pas le museau de la journée, je décide d'aller le
lendemain matin à Abidjan en taxi-brousse pour dire
bonjour aux parents du copain de Dordogne.
Je suis très bien accueilli,
invité à manger à midi ; au cours du repas, nous
discutons de la vente de ma voiture ; je dis compter
la vendre 700.000 Francs C.F.A, mon hôte me prévient
que la spécialité libanaise du moment pour escroquer
quelqu’un, est de lui faire un chèque (en bois bien
sûr) car en Afrique il n'y a aucun recours, puis ajoute
que si je n'ai pas vendu ma voiture il est preneur à
600.000 Francs C.F.A.
De retour à Bouaké, Alain
me dit avoir appris par la bande que Sylvain a raconté
à tous les acheteurs potentiels que je n'ai pas un
rond et que je serai obligé d'accepter le prix que
l'on me donnera pour rembourser mon emprunt, c'est le
meilleur moyen de me scier les pattes, il n'y gagne
rien, il avait l'air sympa, je ne comprends pas le procédé
ni l'intérêt qu'il y trouve...
Je vais tout de même voir
les quelques clients potentiels. Que des tordus ! Les
africains, "je te donne 200.000 Francs CFA maintenant,
le reste un peu plus tard ", tu parles Charles!
Les Libanais eux me proposent 100.000 Francs CFA en
liquide le reste en chèque……. heureusement que
les gens d'Abidjan m'avaient prévenu, car à Bouaké,
le coup n'est pas connu.
Après avoir perdu ma journée
à commencer d'apprendre les grosses ficelles africaines,
je téléphone à Abidjan pour dire que je marche à
600.000 Francs C.F.A, le monsieur me demande d'amener
la voiture pour la faire examiner.
J'invite à manger Alain au
restaurant et lui déballe la situation car je laissais
chez lui l'auto (sans qu'il me l’ait demandé) pour
le rassurer sur le prêt qu'il m'avait consenti. Il
assure me faire confiance et qu'il n'y a aucun problème
pour que j'aille à Abidjan réaliser la vente.
Après le déjeuner, je retéléphone
à la capitale, mon acheteur me dit de venir le lendemain
matin, de ne pas me casser la tête pour l'hôtel, ils
ont une chambre d'ami où me loger le temps de régler
la transaction.
Le lendemain, j’embarque
chien et bagages dans la voiture.
Aussitôt arrivé, visite
du véhicule, le monsieur me dit qu'il lui convient
; puisque nous sommes d’accord, je lui demande tout
de suite une partie de l'argent afin de régler mes
dettes, il n'est pas surpris car je n'avais pas fait
mystère que le copain de Bouaké m'avait dépanné
en ce sens.
C’est la saison des pluies,
à quatre heures pile de l’après-midi, il pleut à
seaux. Dès que la nuit commence à tomber, les moustiques
attaquent tel des stukas, j’entends zzz…. toc, ils
ne finassent pas en tournant autour de la cible, ils
arrivent en ligne droite direct sur l’objectif et
tapent plus qu’ils ne piquent, tellement la charge
est brutale.
Le gardien de la maison a
les dents taillées en pointe, çà fait un effet bœuf
!!! Il est armé d’un arc, de flèches et de deux
machettes.
Après une nuit de repos,
je repars dans le Nord en taxi-brousse.
Bamboula à Bouaké (je devrais
pouvoir vendre ce titre à une série de romans d'aventures
célèbre), règlement de mes dettes, pas rancunier
je rince aussi le connard qui m'avait chié dans les
bottes ; cuite, dormir chez le copain, petit déjeuner,
adieux.
Retour à Abidjan avec la
gueule de bois et une forte fièvre, dans le taxi-brousse
404 familiale (pareille à celle que j'ai laissé à
Abidjan, mais avec 5 années de pistes africaines dans
les rotules), 9 personnes serrées comme des sardines,
je suis assis à côté d'une adolescente qui prend
un malin plaisir à frotter ses nénés sur mon bras,
avec la chaleur moite et cette saloperie de fièvre
qui me donne la chair de poule, des frissons dans le
dos et des suées au front, je suis dans un état lamentable,
la petite pétasse doit penser qu'elle me fait un effet
terrible !
Arrivé chez mes acheteurs,
je suis en vrac ; mon acquéreur me dit que c’est
le paludisme, si une telle crise ne guérit pas avec
l'énorme cachet que je suis allé chercher à la pharmacie,
il ne reste plus que les piquouses ; heureusement, la
fièvre et la gueule de bois passent dans la foulée.
Il paraît que la Nivaquine prise régulièrement prévient
le palu.
Au cours d’un repas, mes
hôtes me racontent le déboire arrivé à une voisine
française : La brave femme avant de partir au boulot,
demande au boy de ne pas oublier de faire la soupe au
chien ; le soir, elle s’étonne d’avoir du consommé,
le domestique répond « c’est la soupe au chien que
tu m’avais demandée patronne !! ».
Entretemps, mon acheteur a
fait examiner la voiture par son garagiste ; verdict
: il faut refaire le moteur ; je ne sais pas si c'est
une entourloupe pour me gruger, si le mécano veut se
mettre les pièces neuves dans la fouille, si c’est
un incapable, ou quoi, pas moyen de lui faire entendre
raison ; hébergé gratos, je n'insiste pas.
Finalement mon hôte me rabat
100.000 francs C.F.A et je ferme ma tronche ; avec ce
que m'auront coûté la descente et le retour, il ne
va pas me rester lourd ! Enfin, je rentre en partie
dans mes fonds et ai acquis une expérience non négligeable,
vu le prix des billets d’avion sur la France et mon
chien payant plein pot, je décide de rentrer par la
piste.
Adieu à mes hôtes, on promet
de se revoir en Dordogne lors de leurs prochaines vacances.
Je me pointe à la station des
taxis-brousse, le prochain en partance pour Ouagadougou
est un Saviem SG.2
tôlé, dont les côtés ont été
découpés, le problème est qu'il est vide et que les
transports ne partent qu’une fois fait le plein de
passagers ; je me dis que si l'on monte à 19 dans une
404 plateau, dans un engin pareil on doit tenir à 35.
J'attends toute la matinée,
deux autres clients sont sur les rangs, à ce train
là il va falloir une semaine pour remplir la camionnette
!
Je me renseigne à droite
et à gauche pour savoir s'il n'y a pas un autre moyen
de se rendre en Haute-Volta, un mec finit par m'aiguiller
sur un camionneur qui doit partir pour Ouagadougou dans
l'heure qui suit.
Je trouve le type, nous tombons
d'accord sur 10.000 Francs C.F.A pour moi et le chien,
tout va bien, sauf que, comme un bleu que je suis en
Afrique, je paie d'avance.....
Le chauffeur m’invite à
l'attendre dans sa piaule qui donne sur la cour d’un
quartier sordide le temps qu'il règle quelques formalités
; notre accord ayant été passé en début d'après-midi,
je l'attends jusqu'au soir sans revoir sa bobine, les
boules !
Je passe la nuit dans un petit
hôtel à proximité, aux aurores je retourne à la
turne du lascar, attends encore la matinée, toujours
personne ; en début d'après-midi je me rends au commissariat
du quartier. Je casse le coup au flic de service qui
me dirige vers un collègue plus gradé ; bien sûr,
j'ai eu tort de payer d'avance (ce dont je conviens
volontiers), il me demande le nom et l’adresse du
chauffeur pour le convoquer, comme je n'ai aucun renseignement
à lui fournir, il me demande d'apprendre au moins le
nom du type, donc je retourne là-bas et mène ma petite
enquête ; pas moyen de tirer le moindre tuyau, d'autant
plus que la cour n’est louée que par des ghanéens
patoisophones ; je me rends compte que le mot « police
» leur fiche une trouille bleue.
Je retourne bredouille au
commissariat, retrouve le flic qui me rassure, prenant
un imprimé, il rédige une convocation pour « le chauffeur
du camion », devant mon air sceptique, il me dit que
je vais être surpris du résultat, je n'ai qu'à laisser
la convocation bien en vue dans la chambre et revenir
plus tard, le téléphone arabe devrait faire le reste
; O.K je fais confiance à la cuisine locale.
La cour est pleine de monde
et d'agitation, je me dirige vers une matrone qui a
l’air d’être la cheftaine du lieu et lui tends
la convocation, elle se met à pousser des cris hystériques
en reculant les bras au ciel et les yeux exorbités,
je me retourne et vais poser ostensiblement le papier
sur le lit du camionneur, quitte la cour dans un brouhaha
croissant de seconde en seconde.
Le soir tombant, j'y retourne,
émeute devant l'entrée de la cour!
On commence à discuter ferme
(toujours sans la présence du chauffeur qui doit être
en train de faire ripaille et baisaille sur
le dos du pigeon), ça commence même à franchement
gueuler, je braille aussi fort qu'eux ; subitement,
un costaud commence à me tirer par le devant de ma
salopette, je me dégage et me rends compte que la nuit
est tombée (dans le feu de l'action, je n’y ai pas
fait attention), je suis entouré par une cinquantaine
d’excités écumants, prêts à me faire la peau.
Pour les déstabiliser, je
gueule encore un bon coup et en siffle un autre à l'adresse
de mon chien qui se pointe dans la foulée ; sur le
passage de mon clebs, se crée instantanément un chemin
dans la foule (il faut dire qu’à part les sloughis
à Gao, je n’ai pratiquement pas vu de clébard en
Afrique, un gros chien noir comme lui les impressionne
énormément), criant comme un sourd que la police va
venir et les menaçant de tout ce qui me passe par la
tête, je profite de la trouée pour m'arracher, je
suis encore persuadé que j'étais à deux doigts de
me faire écharper, sans Athos, j'y passais !
Du coup je prends un taxi
et, pas trop fier, je retourne chez mes hébergeurs
qui me confirment, quand je leur conte l'affaire, que
j'ai eu beaucoup de chance.
Dernière nuit chez eux et
le lendemain matin, de bonne heure, je prends le train
Abidjan-Ouagadougou (en gros 1000 bornes).
Les wagons de ce train ont
dû être climatisés, heureusement que les fenêtres
ne sont pas bloquées! Aux arrêts, les mamas se pressent
aux fenêtres pour vendre divers mets, j’achète, pour trois francs, six sous,
des morceaux de viande rôtis, de l’igname* cuit comme
des frites et des petites bananes roses ; la viande
est absolument délicieuse, je demande à mes voisins
quel est l'animal fournisseur, c'est de l'agouti*, (d’après ce que j’en
ai vu, une sorte de mi ragondin / mi castor aux dents
orangeâtres) ; quant aux bananes, elles sont mûres
au point que leur peau semble près d’éclater, cueillies
quelques heures auparavant, un régal !
Arrivé à Ouaga, je vais
directement à la station de taxi-brousse et repars
dans l'heure qui suit pour Koupéla, puis Niamey, là,
je vais louer un lit à la maison des jeunes ; un Français
y est déjà, sympa, vingt cinq ans, maigrichon, barbiche,
il me dit qu'au Bénin la vente de voiture est autorisée
et facile contrairement aux autres pays d'Afrique de
l'Ouest, mais qu’il y a connu une mauvaise embrouille
: Arrivant à un carrefour, une voiture était arrêtée,
quand il en fut à une dizaine de mètres, son conducteur
fait une marche arrière fulgurante, provoquant un carton,
ameute la police et prétend que c'est le français
qui n'avait pas freiné, coup fourré par excellence
! Du coup, le pauvre est reparti une main devant une
main derrière, ayant dû vendre son auto pour payer
les réparations béninoises.
Le lendemain, deux nanas se
pointent, mignonnes, la trentaine, elles sont descendues
avec un type qu'elles ont perdu en route, la blonde
envisage de remonter par la piste, nous décidons de
faire un bout de chemin ensembles.
Le jour suivant, en fin d'après-midi,
après avoir discuté le prix du voyage, nous montons
dans un camion de marchandises, direction Gao.
Chez Yarga, plusieurs personnes
attendent depuis plusieurs jours, car il y a embargo
du gouvernement algérien sur l'importation de moutons.
Le système consiste, pour
les transporteurs maliens et algériens, à charger
des denrées vendues peu chères dans les magasins d'état
en Algérie : Riz, semoule, sucre etc….et de les vendre
plein pot à Gao ; acheter une poignée de cerises des
moutons au Mali et les fourguer un max en Algérie,
je m'explique maintenant le nombre de carcasses de moutons
séchant au doux soleil du Sahara.
Un qui se frotte les mains,
c'est le père Yarga, tous les jours d'autres personnes
viennent se planter dans le cul-de-sac qu'est devenu
Gao.
Après une semaine de ce régime,
je commence à contacter divers camionneurs, mais nous
sommes trop peu pour pouvoir affréter un Berliet à
vide de Gao à Adrar ; le temps passant, les coincés
se font plus nombreux, les camions immobilisés ne rapportent
plus, autant de paramètres qui rendent de jour en jour
la traversée plus négociable.
Une fois comptés les amateurs
pour la croisière, on se retrouve 17, la plupart français,
il y a même un américain.
L’un des convoyeurs pressentis,
ayant des affaires à régler en Algérie, nous demande
30.000 francs maliens (300 francs français = 45€)
par personne pour nous emmener à Adrar, ce qui est
plus que correct ; pour que nous soyons moins tassés,
ce délicat personnage fait installer une sorte de mezzanine
de bastaings posés sur la moitié avant des rebords
de la benne du camion.
De bon matin, nous partons,
il fait frisquet.
Quarante kilomètres après
le départ, la blondinette me montre une petite butte
à droite de la piste quand on remonte vers le nord
; elle me dit que le type avec lequel, elle et sa copine
étaient descendues, s'était arrêté là et qu'il
y avait trouvé des tessons de poteries et des morceaux
de silex taillés, je me promets, si je repasse là
un jour, de faire une halte pour voir de quoi il retourne.
En attendant, j'ai mal au cœur et je m'accroche à
la porte arrière de la benne pour tirer une gerbe.
La conduite des camions au
Sahara est très technique, quand il attaque un banc
de sable, le conducteur passe en force sans jamais changer
de vitesse, ce qui fait qu'à la sortie des longs passages
mous, le moteur doit tourner entre deux cent et quatre
cent tours minutes, accélérateur à fond, on sent
chaque coup de piston, je suis éberlué qu’il tienne
le coup! Le Berliet est un camion fabuleux, entre les
mains habiles des chauffeurs indigènes, on le croirait
étudié spécialement pour ce genre de contrées.
Lors d'un arrêt, l’Américain
qui revenait de faire son service militaire en Sierra
Léone dans les « Peace Corps», trouve à ses pieds
une magnifique pointe de lance en silex très finement
taillée, tout le monde se met à chercher de droite
et gauche, mais malgré le ratissage ce fût la seule
trouvaille faite.
Monté à l’avant, je remarque
un panneau que je n'avais pas vu à l'aller, il est
tout rouillé, on peut lire à moitié effacé "tropique
du Cancer"
; le chauffeur du camion me dit que seuls les gens qui
sont passés par cet axe ont le droit de porter le «
chèche », cette longue bande de coton que l'on met
moitié sur la tête, moitié sur le nez et la bouche
pour ne pas se déshydrater ou filtrer l'air durant
les vents de sable, se protéger du soleil, s'essuyer
les mains etc.....
La nuit, il fait carrément
froid, au bout des deux jours et nuits non-stop, nous
arrivons à Adrar complètement moulus.
Après avoir salué nos transporteurs,
j’amène tout ce monde chez l'ami Ramdann, il nous
dit qu’un bus fait quotidiennement Adrar-Béchard,
(500 bornes), il part le lendemain avant l’aube, sur
son invitation, tout le monde dort sur les bancs de son
restaurant.
Après avoir pris le café
et remercié notre hôte, nous embarquons dans le car.
On ne me fait pas payer pour
mon chien, mais comme il n'a pas le droit de voyager
en haut avec les passagers, le chauffeur suggère de
le faire monter dans les coffres à bagages s’ouvrant
par l’extérieur du car, à mon invite, il y monte
de bon cœur et à part quelques jappements au début
il n'y eut aucun problème ; de temps en temps, le chauffeur
s'arrête en pleine campagne dans des petites bicoques
où l'on peut manger une bonne soupe bien chaude parfumée
à la coriandre et au laurier appelée « loubia »
ou « chorba » selon qu'elle est à base de fayots
ou de lentilles, j'en profite pour laisser Athos se
dégourdir les pattes et manger avec moi, depuis qu'il
sait me retrouver à chaque pause il ne se manifeste
plus.
Le car s'arrête à Kerzaz pour permettre à tout le
monde de manger un plat plus consistant, je retourne
directement chez le restaurateur qui m'avait fait marron
sur le fût, comme par hasard, le jeune type n'est pas
là, une fois terminé mon plat je dis au serveur que
pour la note, il aille se faire voir chez Plumeau, bien
que visiblement au courant de l'histoire, il fait l’outragé
et gueule aux petits pois (ce qui est normal, vu son
métier), comme je me lève pour sortir, il me menace
de la police sans conviction, au moment où je sors,
mon escroc pointe le museau, ce qui ne me fait pas frémir
de terreur, je lui dis que j'ai bien mangé mais que
je ne compte pas le payer, qu'il sait très bien pourquoi,
lui aussi me menace des flics, c'est ennuyeux car si
l'embrouille s'envenime, le car (qui klaxonne déjà)
partira sans moi, je fais le mec parfaitement serein
et m'arrache sans que personne ne se mette en travers
de ma route.
Nous arrivons tard le soir
à Béchar, dînons dans un petit restaurant dont le
patron est aimable comme une porte de prison ; à la
fin du repas, nous demandons au gargotier où dormir
pour pas cher ; il propose, si cela nous convient, de
rester dans son établissement, surpris, nous acceptons
en regrettant aussitôt nos considérations sur sa physionomie
; il nous passe les clés et s'en va après nous avoir
dit que l’autocar pour Oran part tôt le matin
et qu'il viendra nous réveiller de bonne heure pour
nous faire le café.
Quand il se pointe, il est
bien loin de faire jour, nous prenons un petit déjeuner,
puis notre hôte nous explique où prendre le bus.
Le remerciant chaleureusement
pour son hospitalité, nous partons dans la nuit froide
et trouvons facilement l'arrêt du bus où nous faisons
la queue ; le copain américain étant un peu en dehors
de la file, se prend un petit coup de matraque sur la
tronche administré par un flic qui passait par là,
on se met tous à protester en chœur ; l’agent nous
dit ingénument qu'il n'avait pas vu que nous étions
étrangers! Devant son air consterné, nous comprenons
que c'est pratique courante de mettre un coup de bâton
sur une tête qui n’est pas alignée !
Oran, les autres s'étant
égaillés au fil de la route, nous allons, un couple
de français et moi, prendre nos billets pour la France,
quelques temps plus tard, nous montons dans un énorme
ferry-boat, le navire ne fera quasiment la traversée
que pour nous, car, à part deux arabes, personne d'autre
n’a embarqué ; malgré cela, le navire part à l'heure
; à cause d'une tempête, nous mettons un jour de plus
pour arriver à Marseille, plutôt chiffonnés.
Nous prenons le train ensemble
; durant la remontée du désert, ils m'ont vanté le
passage par Tamanrasset, je leur dis que très probablement,
je vais refaire rapidement une descente sur le Bénin,
ils me répondent que c'est aussi leur projet ;
d’ailleurs, ils seront hébergés chez des copains
pas très loin du coin de Dordogne où j'habite
; nous convenons de nous tenir au courant de nos recherches
respectives d’automobiles. Ils quittent le train un
peu avant Bergerac, nous pensons sûrement tous sans
le dire que ça fait bizarre de se quitter, alors que,
depuis Gao nous ne nous sommes pas éloignés les uns
des autres de plus de dix mètres.
_Deuxième chapitre_
Aussitôt arrivé,
recherche d'un carrosse, je n'ai pas beaucoup à tourner,
passant devant une station-service je vois l'objet de
ma quête! Je demande au patron si la voiture est à
vendre et combien, il me répond que le propriétaire
en veut 2000 francs, bien qu'elle ait 180.000 kilomètres,
selon lui, elle est irréprochable ; nous faisons un
tour, elle est nickel, les Maliens, m’ayant appris
à reconnaître un moteur lavé, je ne risque plus de
me faire avoir.
Je me rends chez le propriétaire,
demande comme si je ne savais pas, le prix de la merveilleuse
machine, il me répète le chiffre précédemment indiqué,
je dis que je ne peux mettre que 1500 francs, nous tombons
d'accord sur 1700 francs.
Dix minutes plus tard, je
suis l’heureux possesseur d'une berline que je sens
exceptionnelle, après l'avoir assurée pour un mois,
je cours téléphoner aux potos ; ils me demandent si
je peux venir les voir, deux heures après, je suis
chez leurs hébergeurs.
Chez les amis en question,
ambiance phacochère, visiblement, le studio est trop
petit pour 4 personnes, il y a de l'électricité dans
l'air!
Nous allons visiter les voitures
qu'ils comptent acheter, à côté de la mienne, ce
sont des poubelles et je ne leur cache pas mon point
de vue ; ils me répondent que vu l'atmosphère, ils
doivent faire vite, je leur propose de tourner dans
la région avec la mienne pour essayer de trouver mieux,
d'autant plus que les 404 courent les rues, en y consacrant
une journée, on peut leur en trouver deux en bon état
avant le soir ; mais non, ils ne veulent rien savoir,
il y a des raisonnements que je ne comprendrais jamais
!
Selon eux, il est préférable
de poser des plaques de blindage sous les voitures (c’est
là que j’aurai dû me méfier….), nous convenons
de nous recontacter quand tout sera prêt.
Je les quitte, contrarié
de faire la route en compagnie de moitiés d'épaves,
achetées plus chères que la mienne qui plus est.
Chez des amis garagistes,
je pose une plaque d'acier de 4 millimètres d'épaisseur
sous le carter moteur, deux jours après avoir quitté
mes co-voyageurs, je leur retéléphone.
Ils me disent qu'ils ne disposent
pas du matériel pour mettre la plaque, de demander
à mes copains s'ils peuvent venir l’ajuster dans
leur garage, un peu gêné, je transmets la demande
; çà marche.
Deux jours après, c'est le
départ, Eric, un copain au chômage, chanteur de rock
dans les soirées des villages alentour, me demande
s'il peut venir avec moi car il a envie d’aller au
soleil, comme c'est un type décontract et sympa, je
suis d'accord, il n'aura que sa bouffe et son billet
de retour à payer.
Nous retrouvons les copains,
il est temps qu'ils partent, ça sent le coup de couteau
à brève échéance, la nana a quand même le temps
de tordre le nez parce que j’embarque un passager
; je lui fais tout de suite comprendre que si çà ne
lui plaît pas, c'est pareil, je ne me sens absolument
pas tenu de voyager avec eux, ni de passer par Tamanrasset,
çà radoucit de suite ; rapides adieux à leurs hôtes
qui se retiennent à deux mains pour ne pas leur balancer
les valises par la fenêtre.
Leurs deux voitures se révèlent
aussi gourmandes en huile que l’était celle
de ma précédente traversée, je les rassure en leur
disant que sur les autos rustiques comme les 404 ce
n'est pas très embêtant, je n'en suis pas si sûr,
mais ma Maman m'a appris que plus tard on apprend une
mauvaise nouvelle, mieux on se porte ; je leur mets
du baume au cœur pour pas cher.
Traversée de l'Espagne au
Maroc ; Eric a acheté du shit aussitôt passé
la frontière marocaine pour agrémenter son voyage,
ça ne me botte pas des masses, car se faire coincer
avec cette came en Algérie, c’est l’embrouille
grave pour pas grand chose, je lui demande de bien la
planquer.
En Algérie, nous cherchons
le premier marché venu pour changer des francs au black,
les commerçants sont faciles à brancher pour ce genre
de transaction ; suivant le couple de copains, j'aperçois
qu'un gamin les colle, tenant en équilibre un plateau
d’œufs à ras du coude de la copine ; il est évident
qu'au premier mouvement un peu brusque de sa part, il
balancera le colis par terre pour leur faire payer la
casse au prix fort, je lui tape sur l'épaule en lui
faisant signe de dégager, il obtempère sans demander
son reste.
Nous changeons autant de francs
français que nous pensons en avoir besoin (2 dinars
pour 1 franc au lieu de 1 dinar pour 1,80 franc au cours
officiel) et nous voilà partis.
La chaussée est correcte
jusqu’à El-Goléa, puis le goudron devient impraticable, la "route" n'est
qu'un nivellement recouvert de 5 centimètres de macadam,
un bruit court que la date de l'inauguration par le
président avait été fixée bien longtemps à l'avance
et que pour être dans l'étang, les derniers 500 kilomètres
furent bâclés, l'inauguration eut lieu en temps et
en heure, trois jours après, la route était à peu
près dans l’état lamentable dans lequel nous la
trouvons.
Du coup, il nous faut emprunter
un chemin qui la longe, les trous dans le goudron étant
plus durs à supporter pour les suspensions que les
creux plus arrondis de la piste. Nous voyons régulièrement
des carcasses d'automobiles, la plupart
calcinées.
Je commence à regretter d'être
passé par là plutôt que par Gao, même l'esprit des
gens est différent, la route de Tam n'étant pas dangereuse,
depuis de longue date, elle est très
courue, ce
n'est qu'un défilé de touristes avec leur cortège
de cochonnes venant croquer de l'exotique ; les restaurants
chers et pas aimables, touristiques, alors que peu de
gens passent par le Tanezrouft et quasiment que des
pros du business ; nous allons boire un coup dans un
restaurant « typique », le patron, vautré dans un
fauteuil, joue les hommes bleus avec la panoplie complète
de colifichets touaregs, takouba* comprise, ce clown est entouré
de teutonnes en pâmoison !!!!!
Les autos des copains commencent
à donner des signes de fatigue de plus en plus importants,
les moteurs ne tirent plus, les ensablements sont de plus en plus fréquents,
mes amortisseurs n’ont pas résisté, mettant la gomme
pour passer une plaque de fech-fech*, après plusieurs
rebonds, l'avant de ma voiture se vautre sur une grosse
pierre fichée au milieu du chemin sablonneux, heureusement
que j'ai suivi le conseil de poser la plaque de blindage,
celle-ci est complètement défoncée, le carter moteur
est tordu mais pas percé, la traverse avant du châssis
est complètement écrasée et remontée de 10 centimètres, au point que le
radiateur m’empêche de refermer le capot qui s’est ouvert sous le choc, je vire
la protection désormais inutile.
Tamanrasset, nous allons visiter
une source au fond d'une grotte très fraîche, on y
puise l'eau à même une grande cuvette apparemment
naturelle creusée dans le sol, une dizaine de vieux
sont assis autour et bavardent tranquillement, cette
caverne est à tout le monde, nul n'a tenté de la monopoliser
comme on pourrait s’y attendre en France ; Nous nous
envoyons deux ou trois rasades de cette eau naturellement fraîche et
gazeuse, puis, après avoir salué l’assistance nous
sortons, coup de bambou du soleil ! (J'irai plusieurs
années plus tard visiter l'ermitage
du Père de Foucauld).
La copine branche un couple
de Français à pied qui va à Niamey, ils se mettent
d'accord pour payer leur participation au prix du taxi-brousse,
le lendemain, nous repartons direction le Niger.
Le soir, nous tombons sur
un spectacle dantesque ! Deux énormes autocars sont
ensablés jusqu'à l'os, des tous-terrains 6x6* monstrueux
essayent de les dégager avec des câbles et des plaques
de désensablement type terrain d’aviation américain
de la dernière guerre ; ces cars ont des compartiments
donnant sur l’extérieur comme des boîtes de 80 x
80 centimètres sous l’espace des sièges, visiblement
ce sont les couchettes ; rugissements de moteurs, gueulantes,
le tout éclairé par de puissants projecteurs ; prudemment,
nous prenons quelques distances car si un câble de
cette taille se rompt, il vous tue sur le coup !
Nous nous arrêtons à côté
d'autres personnes et regardons le spectacle en mangeant
tranquillement, dans le lot il y a une fille dotée
d’un léger strabisme convergeant (mon faible) (accompagnée),
ce qui ne nous empêche pas de bavarder tout le repas,
elle me dit avoir entendu un bruit selon lequel, pour
rentrer à tarif préférentiel (pour le moins), il
faut prendre par Air-Afrique, un billet d’avion Ouagadougou-Niamey,
faire semblant de dormir à Niamey, la station d'après
est Paris!
Bien que n’y croyant pas,
je retiens la combine ; le lendemain matin, la nana
me donne son adresse, puis, au revoir tout le monde,
direction In-Guezzam, sortie d'Algérie.
Les autorités conseillant
avec insistance de s’accompagner d’un guide pour
ne pas s’égarer, je prends un touareg qui descend
vers le Sud.
Ce bougre, ayant l'habitude
de voyager sur un chameau, en me guidant par signes
me fait ensabler à plusieurs reprises, rouler sur des
branches armées d'énormes épines, me conduit dans
des culs-de-sac pour voitures, je finis par lui faire
comprendre que je vais me passer de ses conseils, de
plus, quand on est ensablés, sa seigneurie ne daigne
pas donner un coup de main. Nous marchons dans les cramcrams* qui se mettent partout et
nous piquent, ils sont très durs à désincruster des
vêtements.
Plusieurs fois, nous manquons
nous entrecartonner car le terrain est couvert de buissons
de plus en plus hauts et que, pour ne pas bouffer le
sable du véhicule précédent, nous ne nous suivons
pas : roulant de front à 60 à l'heure à cause du
sol mou, cachés par ces buissons, nous nous croisons
plusieurs fois au sortir d'un fourré, malgré plusieurs
frôlements nous arrivons sans plus d’incidents à
Arlit où commence le bitume.
Arlit-Agadez, revêtement
correct, arrivés en ville, le copain et sa femme décident
de faire refaire le moteur d'une des voitures, je leur
dis que probablement à Niamey ils auront des garagistes
moins chers et une meilleure disponibilité de pièces
détachées, rien à faire, ils se sont fait embobiner
par un type qui dispose d'une cour et d'un seau d'outils,
une journée passe, je vais visiter le copain pour voir
où çà en est, le moteur est en morceaux ; ce qui
n'est pas gênant en soi, mais par terre, dans la poussière,
ce qui est plus embêtant, le "mécano", s’appuyant
sur une pierre, est en train de mettre des coups de
pointeau dans les coussinets de bielles, je lui demande
l'intérêt de cette modification, il se lance dans
une théorie fumeuse à laquelle je ne comprends que
dalle, je lui dis que si les ingénieurs de la maison
Peugeot ne jugent pas utile cette pratique, c'est qu'elle
ne sert à rien et que je la pense plus nuisible qu'autre
chose, le lascar se met à fulminer, je m'esbigne en
me disant, que les copains se sont emmanchés dans une
histoire d'où ils ne sont pas prêts de sortir.
Retournant au campement où
nous avons installé nos pénates, je casse l'histoire
à Eric, nous décidons de continuer seuls, car le camping
coûteux est obligatoire, les restaus chers et nous
ne sommes pas trop ferrés.
Le soir, j'annonce la couleur
aux autres, ils tirent une tronche de quinze mètres
de long, je leur dis qu’avant de commencer cette réparation,
ils auraient pu m'en parler, leur explique notre prochain
dénuement et leur fait comprendre que de toutes façons,
la décision est prise et que nous partons au matin
prochain.
Leurs passagers proposent
de continuer avec nous, je suis d'accord, à condition
qu’ils règlent çà avec leurs convoyeurs actuels.
Départ le lendemain avec
deux passagers en plus (comme l'ours), les copains font
la gueule, ce qui ne me dérange pas plus que ça, car
je n'ai pas le choix.
J’ai convenu avec nos passagers
de partager les frais d'essence, ils sont gagnants car
c'est moins cher et plus confortable que le taxi-brousse.
Les pneus commencent à crever
régulièrement car les épines dans lesquelles j'avais
roulé sous la conduite de mon fumeux touareg passent
petit à petit à travers l'enveloppe du pneu, à ce
rythme mes provisions de rustines fondent à vue d’œil,
nous nous relayons, Éric et moi pour
regonfler les pneus à la pompe à main, à la fin, j'en ai vraiment
ras le bol, je finis par déchirer une couverture en
quatre bandes que je plie entre la chambre à air et
chaque pneu, il y a du mieux. Voir
ici une vidéo contant les méfaits de ces épines à la 11ème minute de la
vidéo...
Tahoua, Birnin-Konni, puis
Dogondoutchi, Dosso, mon pote me dit qu’ici eut lieu
un fameux concert l’année précédente, nous continuons
de crever régulièrement….
Niamey, nous allons nous déclarer
au commissariat central.
Il faut que je trouve un garagiste
susceptible de me redresser la traverse avant, car ma
voiture a vraiment une sale tronche, il vaut mieux régler
ce problème avant d’arriver au Bénin.
Je lâche donc les copains
à la maison des jeunes et vais vadrouiller pour trouver
le carrossier d'élite qui pourra me réparer le malheur
; un quart d’heure plus tard, j'ai trouvé l’homme
qu’il me faut, nous nous entendons sur le prix, il
est censé se mettre au travail immédiatement, me demande
de payer d'avance, mais fort de mon expérience ivoirienne,
je refuse tout net mais lui accorde une avance, lui
laisse l'auto sans les clés, le Neiman position «
Parking » (qui laisse le volant libre, mais ne permet
pas de démarrer la voiture), je rejoins les copains
et me prends une bonne douche.
2 heures après, je vais, avec
les amis, voir où en est l'affaire, le soir est tombé
et nous projetons de casser une croûte dans l’un
des petits restaurants indigènes qui pullulent dans
le secteur.
Arrivé au garage, surprise,
depuis que je suis parti, rien n'a avancé, aussitôt
que j'ai tourné le dos, le type a lâché les outils
et s'est éclipsé faire la fiesta avec mon oseille,
je dis aux alentours que je vais dîner et que s'il
n'a pas repris le boulot quand je reviendrai, j'irai
à la police et demanderai à récupérer mon pognon.
Petit repas sympa, je retourne
voir où en est mon affaire, la traverse déposée,
mon loustic tape dessus gaillardement pour la redresser,
je lui fais livrer une bière par un gamin pour l’encourager.
Le lendemain, petit déjeuner
dans la rue, puis, je me pointe chez mon réparateur
d'élite qui est en train de souder les pièces retapées.
A midi, la réparation est
finie, je règle le solde, retourne à la maison de
jeunes, mes covoituriers décident de continuer avec
nous sur le Bénin.
Route tranquille, la frontière
nigéro-béninoise est matérialisée par le fleuve
Niger ; entre les deux frontières, il y a de grands
singes genre
rapides à canines de fauves le long de la piste, sales
tronches, après avoir fermé les fenêtres, nous passons
juste à côté,
ils nous reluquent sans bouger, ce n'est pas très rassurant.
Arrivée au poste de douane
béninois, corrida !
Les douaniers fouillent la
voiture, plus pour faire leur marché, que pour réprimer
les introductions illicites.
Faisant la sourde oreille
à leurs sollicitations à peine voilées, je laisse
mes passagers se faire taxer, une fois que tous les
douaniers ont tous eu un petit quelque chose, nous pouvons
repartir.
Bonne route jusqu’à Parakou,
nous nous arrêtons dans un petit hôtel-restaurant
dont Nestor, le patron (petit, front bombé, pète-sec)
a vécu pas mal de temps en France et tient solidement
son établissement, les chambres sont chères, nous
prenons l’option de dormir sur la terrasse pour 1000
francs CFA (20 francs français = 3€).
Le soir, nous allons en ville
pour manger chez les mamas, un flic veut me mettre une
prune car un feu rouge arrière ne fonctionne plus,
je remplace l’ampoule, mais il persiste à vouloir
me ponctionner ; avant de payer, j’exige un reçu,
le flic n’insiste pas et me dit, une note admirative
dans la voix, et qui plus est, devant ses copains «
vous, vous êtes trop fort ! ».
La piste reprend à la sortie
de Parakou, dans chaque ville ou village dans lesquels
nous nous arrêtons, les enfants nous saluent en scandant
« Yovo, yovo, bonsoir, çà va bien, merci…. » à
maintes reprises et sur tous les tons.
Savé, nous discutons avec
le patron d’un boui-boui en buvant une « Béninoise
», bière nationale faite avec ce que la brasserie
locale a sous la main, maïs, sorgo, mil, farine de
blé, riz, enfin, tout ce qui fermente, ce qui fait
qu’elle n’a jamais le même goût.
Le bistrotier et ses potes
nous disent qu’un Écossais est parti dans les collines
sacrées interdites,
que l’on voit à gauche en face de sa buvette et qu’on
ne l’a jamais revu, je pense en mon for intérieur
que des lascars ont dû lui faire la peau. Reprise du
goudron à la sortie de ce gros village.
Bohicon, qui est le carrefour de l’igname car la route et la ligne de chemin de fer s'y croisent, ainsi que des pistes menant au Togo et au Nigéria, nous y cassons la croûte.
Entrée de Cotonou, un panneau
géant au-dessus de la route principale, en lettres
énormes : "MORT AUX TRAITRES".
Pas besoin de se déclarer
au commissariat de police.
Nous renseignant pour savoir
où loger à un prix raisonnable, nous atterrissons
à l’hôtel
"Babo",
énorme bloc de béton de cinq étages (sans ascenseur
bien sûr), avec une dizaine de chambres chacun, nous
en prenons une pour quatre personnes, renseignement
pris, les transactions automobiles se font au « Bénin
palace », je m'y rends après la douche.
Les ventes de voitures se
font légalement au Bénin, mais le racket local rend
quasiment obligatoire une "commission" à
des "intermédiaires" qui se trouvent sur
place. Les clients potentiels se pointent au Bénin
palace, ils sont aussitôt pris en main par les "intermédiaires"
qui organisent la visite, toutes les autos (pour la
plupart françaises) sont là pour ça.
Nous restons trois jours sans
que j’aie de touche sérieuse, nous décidons d’aller
au Togo voir s'il y a des acheteurs intéressés par
les Peugeot.
Lomé, nous allons nous déclarer
au commissariat. Les hôtels sont affreusement chers
; le coin est trop européanisé, pas d’hôtel Babo.
A la recherche d’un gîte
abordable, nous tournons un peu dans la périphérie,
pas mèche !!
De nuit, en pleine pampa,
nous crevons encore une fois.
Nous ne pouvons pas dormir
sur place à cause des moustiques à percussion.
Nous frappons à la porte
d’une maison isolée, un boy nous ouvre, une anglaise
arrive, je n’ai pas le temps d’en placer une qu’elle
nous supplie de partir tout de suite car son mari va
rentrer, visiblement, il la terrorise ; le boy ne parlant
pas français, j’en profite pour demander si elle
a besoin d’un coup de main ou un message à faire
parvenir à quelqu’un, elle ne veut que nous voir
disparaître, après tout, c’est son affaire…
A la lueur des phares, bouffé
par les insectes, je retape la chambre à air, bientôt,
elle sera trois fois plus lourde qu'à l'origine!!!
Dans une banlieue, nous demandons
à louer une chambre chez l'habitant, nous trouvons
rapidement ; nous n’avons pas fini de nous installer
que déboule une voiture bourrée de flics armes à
la main, embarquement immédiat au commissariat principal
de Lomé sans que nos loueurs nous proposent de remboursement.
Nous y restons toute la nuit
sur des bancs en bois.
Le lendemain, le commissaire
arrive (pas de bonne heure, bien sûr), heureusement
que nous nous étions signalés, la populace nous ayant
dénoncés comme mercenaires, sans cette précaution,
c’était la tôle directe, et en Afrique, on sait
quand on y entre, pour en sortir, c’est une autre
paire de manches !!
Sortis, nous allons déguster
d’excellentes salades, servies sur des tables et bancs
de bois dans la rue, elles nous filent une chiasse
carabinée.
Puis je décide de retourner
au Bénin, car il n’y a pas moyen de vendre la brouette
par ici.
Je lâche tout le monde à
l’hôtel Babo, puis retourne au Bénin Palace.
Tous les midis, l’électricité
est coupée à deux reprises, pour faire sauter les
parties de flippers en cours et que l’assistance puisse
se régaler de l’Internationale qui précède l’un
des magnifiques discours enregistrés de Matthieu Kérékou*,
le soir, même topo, ce sont toujours les mêmes harangues
(de la Baltique) qui reviennent.
Je vends rapidement la carriole
sans donner une trop forte commission, me restent 420.000
francs C.F.A (8400 francs français = 1280€).
Il était temps de conclure
!! J’ai dû céder mon appareil photo et taper du
pèze à mes passagers pour finir la route et le mec
(c'est lui qui argente) tord le nez.
Aussitôt de retour à l’hôtel,
je rends illico son flouze à mon créancier, et, avec
Eric, on va se taper une bonne cuite ; il se fait draguer
par une petite ghanéenne craquante comme tout, ils
roucoulent durant les trois jours que nous « durons
» encore à Cotonou, vu l'argent qu'il me demande de
lui prêter pour les adieux, il est content de ses services,
ce sont ses oignons, touchant ses allocations chômage
en France, il me remboursera plus tard.
Nous tenons toujours la colique
rapide qui tord le ventre, Eric, se rendant à une pharmacie
achète sans ordonnance de l’élixir parégorique
(interdit à la vente libre en France), l’effet est
radical.
Nous allons, le soir, déguster
de petites soles éclatées dans l'huile de palme bouillante,
de l’igname avec de la sauce, quelques fruits, tout
cela à la lueur de petites lampes à pétrole faites
dans des canettes de bière artistement découpées
dont le dessus, soudé à l'étain, est doté dun petit
tube pour tenir la mèche, il fait doux, je suis
riche, les gens sont cools, la vie est belle.....
J’achète un chouette fauteuil
de bois massif
15.000 francs CFA
(45 €), le faire expédier en avion me coûte 45.000
CFA (137 €).
Le lendemain, vers le port,
je vois une librairie dont la vitrine est principalement
réservée aux petits livres rouges de Mao Tsé Toung,
ainsi qu’à de petites broches émaillées représentant
Lénine, Staline et toute la clique.
Réfléchissant sur le moyen
de remonter en France, je me dis que je n'ai aucune
envie de me retaper la piste pour le retour ; Cotonou-Paris
par Aéroflot coûtant entre 5 et 6000 ff (900 €),
la conversation avec la petite nana de Tamanrasset me
revient en mémoire, j'en parle aux copains, personne
ne croit à l'histoire, mais Eric me dit que si je risque
le coup, il le tente avec moi.
Nos passagers n'ont pas l'air
de vouloir nous lâcher, le mec a des connaissances
à Ouagadougou ; depuis Tamanrasset il nous rebat les
oreilles d'une fameuse recette culinaire dont il se
propose de nous faire profiter, ce sera l’occase ;
Nous nous rendons à Jonquet, énorme station de taxis-brousse
qui en partent à toutes heures pour toutes les destinations,
nous prenons un Cotonou-Lomé, car pour aller à Ouagadougou,
le plus directe est de faire Lomé-Ouaga (voir la
carte).
Lomé, nous allons boire un
coup à l'Abreuvoir, l'un des bars où se retrouvent
les touristes ; des balançoires pendues au plafond
remplacent les tabourets de comptoir, nous éclusons
une excellente bière allemande, la «Eku», les petites putes
ghanéennes (toutes princesses Achanti "authentiques") sont
fidèles au poste, il faut dire qu'à la frontière
Togo/Ghana, les changeurs donnent entre quinze
et vingt fois le cours officiel C.F.A/Cedi, je soupçonne
mon copain d'avoir donné pour trois jours de Nirvana,
l'équivalent de deux ans d'émoluments d’un fonctionnaire
ghanéen.
Lomé-Ouagadougou, à peu
près huit cent bornes en 404
plateau, toujours
16 personnes derrière et 3 devant.
Arrivés à Ouaga, Eric et
moi, trouvons un petit hôtel pas cher et sympa en rez-de-chaussée
avec une petite cour au centre, style atrium sur laquelle
donnent toutes les portes des chambres, nous gardons
les bagages de nos coéquipiers qui partent en taxi
chez leur copain, ils doivent revenir nous chercher
pour les agapes promises depuis Tam.
En fin d'après-midi, arrivée
en trombe du passager qui vient récupérer leurs affaires,
il n'a pas le temps de nous en dire plus ; en fait,
il file comme un pet sur une toile cirée se taper le
ragoût sans nous, nous ne les reverrons ni l’un ni
l’autre, quelle bande de hyènes !!!!!!!!
Le lendemain, je passe chez
madame Air-Afrique prendre des billets
Ouagadougou-Niamey
; 32400 francs C.F.A les deux, soit 324 francs français
(50 €) par tête de pipe, si ça marche, c’est raisonnable
!!!!
Nous attendons deux jours
en bronzant dans la cour pour éblouir les copines de
Dordogne car là-bas c'est encore l’hiver.
Le soir d'embarquement, il
fait une chaleur épouvantablement moite, l'aéroport
est un tohu-bohu indescriptible, nous attendons, Artaban
ne craint pas de concurrence de notre part !!!!!
Au guichet, premier écueil
: le mec veut mettre ma valise en soute, j'aurais dû
y penser !! Si celle-ci débarque à Niamey, elle est
perdue ; j’y tiens car elle contient des pointes de
flèches de silex taillé, bracelets anciens, poignards
et autres matériels et souvenirs achetées aux Touaregs
croisés sur la piste ou aux marchands de souvenirs
de Gao; je dis à l'employé que j'ai oublié
de confier un objet à quelqu'un, retourne avec mon
pote sur le parking, jette la valise, des vêtements,
sac de couchage et tout ce qui n'est pas achats typiques
de ce voyage ; quand je reviens, je ressemble à Bibendum,
malgré la température infâme, j'ai passé deux pulls
et des chemises auxquels je tenais particulièrement,
des bracelets de bronze-argent énormes autour des poignets,
malgré mes manœuvres pour y échapper, je retombe
sur le même type à l’enregistrement, il ne
me reconnaît pas!
Nous embarquons, trouvons
deux places côte à côte, je suis côté hublot, l'avion
décolle.
Le plan prévoyant de faire
semblant de dormir, nous nous y employons avec infiniment
de conviction. Vingt minutes plus tard, les hôtesses
se penchent sur chaque passager et lui demandent quelque
chose que nous ne parvenons pas à saisir, arrive notre
tour, la fille essaie de réveiller Eric, bien sûr,
peine perdue ; il devient vite évident à son ton insistant,
qu'il lui faut absolument une réponse.
Faisant semblant de me réveiller
péniblement, je lui dis pour justifier notre profond
sommeil que nous sommes malades et lui demande ce qu'elle
veut, elle désire savoir si nous descendons à Niamey
où Paris, je remarque qu'elle tient une planchette
avec des papiers tenus par une pince, supposant qu'elle
pointe les billets, je lui réponds que nous descendons
à Niamey, sur quoi elle nous tend deux fiches à remplir
par personne, l’une pour la douane l’autre pour
la police nigérienne.
Consternation à Landerneau
! Dès qu'elle est passée, mon pote revient à la vie
et s’inquiète de la suite des opérations, je lui
dis « tant qu'on ne nous vire pas à coups de pompe
au train, nous restons dans l'avion, le plan continue
» ; à tout hasard nous remplissons les papiers puis
les glissons dans les poches devant nous, l'avion pique
maintenant sérieusement du nez, ça sent l'atterrissage
imminent, nous reprenons notre somme en serrant furieusement
les miches.
Atterrissage, les portes s'ouvrent,
les gens sortent, une chaleur torride envahit la carlingue;
quelques temps après, il n'y a plus de passagers devant
nous, dix minutes plus tard, bien que nous ayons coulé
dans nos sièges au maximum, l'hôtesse revient et commence
à nous secouer l'un après l'autre de plus en plus
fort, inutile de dire que nous ne bronchons pas! Finalement
elle se lasse, dit « tant pis » et s'en va.
Nous restons ainsi pendant
une bonne heure, situation inconfortable s'il en est
! Puis de nouveaux passagers commencent à monter ;
apparemment, les places que nous occupons ne sont pas
louées car il n'y a pas de réclamation, les portes
se ferment, l'avion se met en bout de piste et roulez
petits bolides !!!
Malgré la tension, nous parvenons
à dormir pour de bon.
Le lendemain matin, l'hôtesse
(toujours la même) un plateau de petit déjeuner à
la main, nous réveille beaucoup plus facilement, nous
mangeons comme des gorets, les émotions çà creuse
!
L'avion descend sur la France.
Après avoir atterri, nou
avançons petit à petit derrière les gens dans la
travée pour sortir, Eric me tape discrètement dans
le dos et me fait signe de regarder derrière lui, je
vois un type, genre P.D.G qui me regarde, il lève le
pouce, une lueur amusée dans le regard ; derrière
nous dans l'avion, il avait assisté à notre prestation,
d'un air faussement modeste je lui fais « Hé!».
Nous sortons de l'appareil,
passons douane et police, c’est seulement à ce moment
qu’on peut dire que l'affaire est réussie, nous poussons
un grand ouf, mais nous avons eu chaud et je me promets
de ne plus recommencer qu’en dernière extrémité
!
_Troisième chapitre_
De retour en Dordogne, j’envoie
une carte postale à la petite nana de Tam pour
lui dire que le système d’Air-Afrique fonctionne
bien.
Recherche d'un appareil à
brouter du bitume, un prétendu copain connaît une
404 en parfait état, pas chère, mais je dois lui rétribuer
le renseignement, je l’envoie se faire téter les
yeux.
Dans un camp de gitans, on
me propose une 404 commerciale blanche, la caisse un
peu rouillée, la mécanique en excellent état, depuis
les déboires de mon premier voyage, j'inspecte soigneusement
l'outil à traverser le désert ! La différence entre
la version commerciale, très frugale,
et le break, tient en ce que ce dernier est mieux équipé
en options, peut emmener 9 personnes et comporte,
pour les nouveaux modèles, un tableau de bord trois
compteurs qui plaît beaucoup aux Africains.
1000 francs demandés, je
fais baisser à 600 (92 €), baluchon, départ ; curieuse
impression d'être une flèche tendue vers l'Afrique,
ce coup-ci, je ferai Alméria-Mélilla, Mélilla est
une enclave espagnole au Maroc, l’anisette et le whisky
y sont cinq fois moins chers qu'en France ; j’avais
remarqué qu'une fois défait la garniture de portière,
une bouteille de whisky carrée entourée de journaux
se coince parfaitement au fond de cet espace, d’où
la dizaine de vieilles publications glanées sur ma
route.
M'arrêtant pour dormir en
Espagne, je me réveille par un froid de canard 4 heures
plus tard, il y a une couche de glace sur les vitres
à l’intérieur de la voiture, je démarre le moteur,
mets le chauffage, gratte une meurtrière pour voir
une portion de route, et pars, toujours emmitouflé
dans le sac de couchage ; quelques kilomètres après,
je m’aperçois que la température d’eau du moteur
attaque la zone rouge et que le chauffage n’évacue
pas de calories, j’en déduis que toutes les canalisations,
et sûrement le radiateur, sont gelés, je me gare.
Un quart d’heure plus tard,
je remets le contact, l’aiguille de température est
descendue, je continue, rebelote, m’arrête à nouveau,
je ne regrette pas d’être resté dans mon cocon !
J’arrive à rouler ainsi
jusqu’à un restaurant qui, malgré l’heure tardive
est toujours ouvert, je m’extirpe et entre dans l’établissement
à assouvir les faims et soifs, commande un casse-croûte,
un verre de rouge et un café.
Une heure plus tard, le chauffage
est de nouveau opérationnel, apparemment, pas de dégâts
à la mécanique.
Mélilla, attendant le bateau,
je croise un Français grand, brun, corse, que j’ai
déjà entrevu à Cotonou, visiblement, il s'apprête
à faire la traversée, on se salue, il passe par Gao,
c’est un bon, nous décidons de faire un bout de route
ensemble.
On se retrouve sur le pont
le lendemain matin ; pendant la nuit, il a trouvé
moyen de tringler une grosse allemande. Nous faisons
nos provisions de route et d'alcool à Mélilla, au
passage je lui montre le truc des bouteilles de whisky
dans les portières, du coup, il en prend trois de plus.
Passage de la frontière marocaine
toujours aussi tranquille, mais à la sortie, problo
pour moi, je n'ai pas changé la carte grise par économie
et le douanier me cherche des poux dans la tête car
je n'ai qu'un acte de vente pour justifier que
je suis propriétaire du véhicule.
C'est le soir, le big-chef
ne viendra que le lendemain matin, lui seul pourra prendre
une décision ; le copain lui, n'est pas emmerdé car
il a pris la précaution de faire légaliser la signature
de l'acte de vente à la mairie du secteur d'achat.
Le processus de légalisation
consiste à accompagner le vendeur à la mairie, qui, après avoir prouvé son identité, signe
l'acte de vente devant la personne habilitée qui appose
tampon et signature certifiant que l'acte
a été signé devant elle par le propriétaire ; en
y réfléchissant, je trouve logique que le douanier
m'ait arrêté, mais je n'ai pas l'intention de retourner
en Dordogne pour réparer la bévue, je dis au copain
qu'il ne m'attende pas, mais il préfère rester pour
voir ce que ça va donner, je n'insiste pas outre mesure
!
Le petit matin arrive, le
chef itou ; bref conciliabule entre douaniers, le gradé
vient me voir, je lui dis avoir appris seulement cette
nuit l’existence de la légalisation de document ;
il est sympa, après avoir discuté un peu, il me tend
mes papiers en nous souhaitant bonne route. Plusieurs
fois par la suite je me rendrai compte que les affaires
bancales se règlent en Afrique par le dialogue et le
contact humain (on pourrait prendre modèle en France!).
Passage de la douane Algérienne
toujours aussi rigide, nous nous séparons à Tlemcen
où mon compatriote a des affaires en cours.
Pas de pompe à essence ouverte
ou approvisionnée sur la route, je pense en trouver
plus tard, hélas, à Sebdou, la pompe est à sec, 40
bornes avant El Aricha, l’horizon est totalement désertique
et enneigé, alors qu’en Dordogne, il faisait doux
; l’aiguille d’essence bloquée sur le zéro depuis
longtemps, je vois enfin une maison isolée, je vais
taper à la porte et demande au type qui vient de m’ouvrir
s’il peut me vendre de l’essence, il me dit « bouge
pas » ; il revient peu de temps après avec un bidon
d’une dizaine de litres à moitié plein, je fais
une transfusion à mon réservoir, rends la consigne
à mon sauveur, lui demande combien je lui dois, il
me dit « rien du tout », je lui serre la main en remerciant
énergiquement.
Je cède mes bouteilles au
fil de la route, notamment dans les stations d’essence,
car les pompistes demandent systématiquement si l’on
a quelque chose à vendre. Les mecs sont sympas, n’ayant
pas besoin de beaucoup de dinars, je vends les bouteilles
200 dinars en faisant remarquer que je leur fais une
fleur et que la prochaine fois, ce sera le tarif syndical,
soit 300 dinars, la rareté du produit fait que l’on
peut demander beaucoup plus en étant chien.
L’accélérateur s’enfonce
très facilement sur les 404, c’est pénible, car
je ne peux pas reposer le pied dessus, je palie le désagrément
à l’aide d’un sandow accroché sous la pédale.
Adrar, je vais manger un ragoût
chez Ramdann, il me remplit 2 bidons d'eau de 10 litres,
puis je vais à la station charger 250 litres d'essence.
Reggane, il n’y a pas de
gens en attente d’un convoi, j’y vais au flanc comme
si je ne savais pas qu’il fallait passer en groupe,
les douaniers à la vue des tampons de mes différents
passages me laissent partir seul.
300 bornes plus loin, je m’arrête
pour alimenter le réservoir, je suis surpris d’entendre
du bruit en ouvrant le bouchon, je tends l’oreille,
l’essence est en train de bouillir, je ne sais pas
si la cause en est la chaleur ambiante ou le frottement
du fond du réservoir sur le sable brûlant, je me fais
du souci, ayant peur que cette évaporation ne diminue
mon autonomie en combustible. Il est difficile, vu les
différents terrains traversés, de faire un calcul
de consommation, au résultat, à l'usage, je ne pense
pas que la perte par évaporation soit très importante.
Passage de la frontière malienne
cool, 30 ou 40 bornes après Anéfis, crevaison, je
suis en train de resserrer la roue, quand, derrière
moi, j’entends « bonjour », lorsque je me suis
arrêté, il n’y avait rien à tous les horizons dans
un paysage plat comme la main, et maintenant, un Peul*
qui traverse d’Est en Ouest me salue, je lui rends
son salut en essayant de ne pas avoir l’air trop estomaqué
; il est vêtu d’une courte tunique, d’un saroual
(large pantalon) et porte une guerba* moitié plate
sur le dos, il ne s’arrête pas pour discuter et continue
son chemin d’un pas allègre.
Aux alentours de la Markouba*,
des Tamasheks me font signe de m’arrêter,
(ce que tout le monde fait systématiquement dans ces
régions désolées), plus pour faire la manche qu'autre
chose, je leur donne de l'eau sans que cela ait l'air
de leur faire très plaisir, mais je n’ai que du matos
de première nécessité dont je ne peux me défaire.....
40 bornes avant Gao, je retrouve
facilement le petit monticule aux vestiges archéologiques,
bien qu’il soit peu surélevé, dans la platitude
du panorama, il est parfaitement repérable, je trouve
des tessons de poteries décorés de dessins géométriques
réguliers, la tranche de la cassure est brun clair
avec une épaisseur gris foncé au milieu, je ramasse
un
morceau d’os,
il offre au toucher deux parties, une froide et l’autre
chaude, tapant dessus avec la lame d’un couteau, je
m’aperçois qu’une moitié est fossilisée, l’autre
pas. Je ne m’attarde pas, car ces trouvailles ne sont
pas extraordinaires.
Gao, Niamey, 20 bornes après
la sortie de la ville, un caillou me pète le pare-brise
qui se casse en milliers de petits morceaux qui
restent en place, je fais demi-tour pour aller au marché
des pièces d’occasion changer la pièce, à l’entrée
de l’agglomération, les flics m’arrêtent et commencent
à dire :
_ « Vous allez payer car
vous roulez avec le pare-brise cassé. »
_Moi : « Chut….écoutez,
ça vient d’arriver ! », je tends le doigt vers le
pare-brise, on l’entend encore craquer, les flics
doivent en convenir et me laissent passer.
Après la pose à la ficelle
d’un pare-brise d’occase, je reprends ma route.
De nuit, un troupeau de moutons
ou chèvres dont je ne vois que les yeux phosphorescents
s’est approché de la piste, ce défilé de lumignons
dans l’obscurité totale est impressionnant.
Je dors au camping de Kandi
dont les chambres sont absolument immondes, des animaux
de toutes sortes et de toutes tailles sortent de la
brousse proche et viennent patrouiller le secteur, de
plus, l’ampoule de 25 watts pendue au plafond ne permet
pas de faire l’inspection des lieux, je mets mon sac
de couchage sur le matelas crade et sans draps, écarte
du mur le lit en ferraille pour m’éviter des visites
intempestives, et en écrase comme un sonneur.
Cotonou, le Bénin-palace,
l’un des intermédiaires m’emmène chez une mama-Benz*qui
fait du business de tissus. Nous tombons rapidement
d’accord sur le prix et convenons d’un rendez-vous
dans l’après-midi au Q.G pour régler l’affaire.
L’après-midi passe, personne,
au soir, un type me demande, l’air de se prendre très
au sérieux, me tend une carte de visite, se disant le
frère de la mama attendue, il l’excuse car elle ne
peut venir, il faut que je me présente à son bureau
le lendemain matin pour conclure la vente.
Le lendemain, je me pointe,
sa seigneurie me fait patienter, au bout de dix minutes,
je dis à la secrétaire que je m’en vais, comme par
hasard, il devient disponible, me fait entrer dans son
bureau et asseoir, demande la carte grise pour faire
rédiger l’acte de vente par son employée puis m’explique
que le prix convenu avec sa sœur n’est plus de mise,
me tend le dit acte de vente à signer, la somme convenue
amputée de 150.000 francs C.F.A
(461 €).
Je me lève, ôte le trombone
qui tient la feuille dactylographiée et la carte grise
; empoche cette dernière, déchire de haut en bas le
bel acte de vente tout neuf, en lui disant qu’il
ne sera jamais un homme d’affaire, que, quand on se
met d’accord sur un prix, on s’y tient, que dans
les temps anciens, les chevaliers retournaient volontairement
chez l’ennemi quand ils n’avaient pu réunir la
totalité de leurs rançons pour se faire couper la
tête et respecter ainsi la parole donnée ; sur ces
bons mots, je sors en claquant la porte.
Comme tous les passeurs un
peu secs, je vais au petit restaurant malien situé
de l'autre côté de la rue, en face du Bénin palace,
ce n’est qu'’une cahute de planche dans laquelle,
pour trois fois rien, on peut manger un plat. La bouffe
y a toujours un fort goût de détergeant, au début,
je suppose que, faute d’eau courante, les assiettes
sont mal rincées; j’apprendrai bien plus tard que
les mamas, pour évacuer les œufs de mouches, lavent
la viande à la lessive...
C’est pas tout ça, il faut
que je largue vite fait mon os.
Je branche Doudou, intermédiaire
au Bénin palace, nettement plus intelligent que
la moyenne de cette engeance, lui dis que j’ai l’intention
d’aller prospecter à Porto-Novo, distant d’une soixantaine
de kilomètres vers le Nigeria, cette ville étant moins
saturée de voitures à vendre ; je préfère emmener
le petit malien sympa et être tranquille, lui filer
une commission sur laquelle nous nous entendons au préalable,
plutôt qu’avoir des embrouilles avec les mecs du
cru et, en suivant, la police de Porto-Novo.
Une demi-heure après être
arrivé, la voiture est vendue 450.000 C.F.A, nous nous
arrachons illico en taxi-brousse dans lequel je file
sa com’ à Doudou, ce dernier s’arrête
avant Cotonou car il a une copine dans le coin.
Un habitué du Bénin-palace
me dit qu’il a fourgué sa 504 break complètement
destroy 600.000 CFA, vérolée jusqu'à l'os au « frère
» de la mama-Benz, le connard n’a rien vu ! Je suis
désolé pour la gentille mama, car le frangin a dû
vouloir jouer au plus malin pour s’en mettre au passage
une poignée dans les fouilles à son détriment.
A l’hôtel Babo, je fais
la connaissance de deux Hollandais, Hans et Jöss,
pour ce dernier, c’est la première traversée, il
a déjà fourgué sa caisse en route, nous sommes en
train de discuter en buvant une B.B (bonne Béninoise),
quand un des fils du Babo’s hôtel dit à Hans qu’il
y a des nigérians intéressés par sa 504, nous descendons,
trois mecs entourent une noire mince et élancée dans
un extraordinaire habit vert et jaune de grande prêtresse,
elle est coiffée d’une mitre comme en portent les
évêques, des mêmes couleurs ; Hans, parlant parfaitement
anglais, attaque la discussion. J’observe l’Eminence
Noire, elle a un charisme fabuleux, deux types s’occupent
de la palabre, la vestale devise tranquillement avec
le troisième, les problèmes bassement matériels n’ont
pas l’air de la concerner.
Quelques instants plus tard,
Hans et ses interlocuteurs se mettent d’accord, l’argent
change de main, les types enlèvent les plaque minéralogiques
hollandaises, sortent d’un sac des plaques nigérianes
et les fixent sur les pare-chocs, tout le monde se salue
; après avoir acheté une bouteille de whisky et de
la glace, nous remontons dans nos piaules arroser la
transaction.
La combine du moment pour rentrer
à un prix raisonnable en France consiste à acheter
de la monnaie nigériane, à Jonquet ou à la frontière,
moitié moins cher que la cote officielle et prendre
une ligne régulière à Lagos avec donc 50% de réduction,
ce qui donne (avec le taxi-brousse à 10.000 C.F.A par
tête pour aller à l'aéroport) un retour entre 384
et 461 € selon le cours, ce qui reste raisonnable.
Il faut un visa pour passer au Nigeria, deux
jours de délai.
Après avoir récupéré les
passeports, nous louons un taxi, un français, Hans,
Jöss et moi, nous changeons ensemble notre argent pour
avoir un meilleur taux.
A la frontière béninoise,
le chauffeur du taxi engage un peu le capot de la voiture
sous la barrière, un gendarme arrive, furieux, gueulant
comme un porc qu'on égorge, le conducteur semble terrorisé,
discuter n'y fait rien, le militaire se penche à la
portière et nous intime l'ordre de descendre,
car «le véhicule est saisi par la gendarmerie».
De la main, le chauffeur nous
fait discrètement signe de ne pas bouger, ce geste
tranquille contraste étonnamment avec l'air affolé
qu'il affiche, il descend de la voiture, la polémique
s'engage ; bakchich, le gendarme avec un sérieux extraordinaire
nous annonce officiellement que « le véhicule est
dessaisi par la gendarmerie».
Aussitôt après, la douane
nigériane : « high speed », des gens passent à pied
sur le côté de la route du matériel de toute nature
du Bénin vers le Nigéria et inversement ; cela à
cinq ou dix mètres des douaniers sans qu’ils ne semblent
s'en apercevoir, un type tente de passer avec un énorme
rouleau de tissus sur la tête, juste après la douane,
côté nigérian, il est encadré par cinq gus qui commencent
à tirer sur le rouleau pour lui chouraver, ils opèrent
avec un naturel déroutant, tout se passe sans bruit,
sans une parole, le type résiste, alors, ils commencent
à le tabasser avec des bâtons, dix secondes plus tard,
le mec est en sang, détroussé, personne n'est intervenu,
il repart vers le Bénin, sans se plaindre, son fatalisme
est saisissant ! Les formalités accomplies, nous repartons,
barrages partout, les militaires ont des mitraillettes
Thomson de calibre 45 à camembert comme au temps de
la Prohibition, de grands boucliers de lames de bois
tressées et des lances type Massaï.
Aéroport de Lagos, le chauffeur
nous avait prévenus qu'il fallait sortir à toute vitesse
de la voiture car si elle stationne plus de trente secondes,
les flics qui pullulent devant l’entrée matraquent
le capot, nous nous extirpons de l'auto rapidos, prenons
les bagages dans le coffre, il démarre plein pot sans
même dire au revoir.
Dans le hall, nous attendons
l'affichage des destinations qui nous intéressent ;
prenons des billets sans problème, le cash est le seul
mode de paiement accepté, ayant des destinations différentes,
les Hollandais sont les premiers à partir.
Puis c'est le passage police-douane,
il y a des coups de gueule pour un rien, l'atmosphère
est chargée d'électricité, les passagers sont pressés
et bousculés, les douaniers refouillent les voyageurs
avant la rampe conduisant à l’avion, plus pour leur
soutirer quelque chose que pour découvrir d'éventuelles
armes, l'ambiance est vraiment craignos !
Nous survolons le Sahara durant
deux heures, je me dis qu’il faut être branque d'avoir
traversé cette immensité, seul, dans une bagnole à
600 balles.
Arrivée à Paris, ouf ! Un
petit bonjour à la famille, puis retour en Dordogne.
_Quatrième
chapitre_
Je trouve une 404 berline
nouveau modèle, boîte en H, tableau de bord trois
compteurs, légalisation de l'acte de vente, descente.
Adrar, le soir, je mange chez
le père Ramdann, j’y fais connaissance avec un Français
étrange, la cinquantaine, il connaît bien les mœurs
autochtones et furète un peu partout en Algérie durant
sa descente, il me montre des petits papiers qu’il
a été glaner à l’écart de la ville, ce sont des
formules magiques écrites en arabe exprimant des vœux
et enterrées dans des tessons de poteries à un endroit
susceptible de faire se réaliser les souhaits.
Comme il est trop tard pour
passer la douane, nous nous écartons un peu de la ville
afin de dormir dans nos voitures, cette agglomération
sans éclairage et absolument déserte la nuit, est
sinistre.
Le lendemain, je vais remplir
le fût de 200 litres que j'ai mis à la place du siège
arrière, deux vieux pneus en guise de berceau.
Le douanier chargé de la
fouille de sortie (toujours le même depuis mes premières
incursions) ne visite plus que symboliquement ce que
j’ai dans l’auto, il me demande, l’air de pas
y toucher, des «revues», doux euphémisme pour désigner
des livres et revues pornographiques, comme il n’est
plus regardant sur les pièces inscrites au carnet de
devises, je lui dis que la prochaine fois, je penserai
à lui.
Reggane, trois voitures attendent
une quatrième pour faire convoi, nous partons ensemble,
pas d’incidents notables jusqu’à 90 bornes avant
Anéfis, là, des convoyeurs algériens sont en train
de désosser fiévreusement une 404 immatriculée en
France, il n’y a déjà plus de phares, portières,
feux arrières, pare-brise, etc…. tout le monde s’y
met, les sièges sont enlevés, pour ma part, je prends
le bloc portant les pédales avec le servofrein ; les
Algériens mettent la voiture sur le flanc pour sortir
plus vite moteur et boîte à vitesses, l’un d’eux
me dit qu’ils se dépêchent car les proprios comptent
vendre la voiture aux policiers d’Anéfis.
Apparemment, les transporteurs
étaient là quand la Peugeot d’un convoi est tombée
en rade, les Français ont fermé leur voiture à clé
comme sur les Champs Elysées, empruntant le reste du
convoi. Une fois tout ce beau monde disparu à l’horizon,
les Algériens se mirent à la besogne. Après quelques
menues autres ponctions, je dis aux copains qu’il
vaut mieux abandonner vite fait la curée car les indigènes
connaissant bien le terrain, vont contourner le poste
d’Anéfis, par contre, nous, nous sommes obligés
d’y passer pour avoir le tampon prouvant notre passage
à ce gros village Touareg.
Anéfis, les flics sont avec
les Français, des jeunots, tous sur le point de repartir
avec des véhicules restants du convoi pour aller chercher
la voiture laissée en arrière, l’agent en poste
nous dit que ses collègues ont déjà acheté la 404
abandonnée sur la piste, la tronche qu’ils vont faire
!!!
Vingt kilomètres avant Gao,
nous croisons un vieux en scooter qui nous fait signe
d’arrêter, il remonte vers le Nord, un peu épaté,
je m’arrête, les autres continuent ; le type me demande
de l’eau, entre deux gorgées, il dit remonter en
France à travers le Sahara par ce moyen hors du commun.
Il est couvert de furoncles
et conduit son engin sur une fesse, ayant une énorme
pustule sur l’autre, son short est collé par le pus.
Je lui explique qu’il n’a
aucune chance d’y parvenir avec son tromblon italien,
que bientôt, il va attaquer le sable mou, il ne veut
rien savoir, dit être un ancien légionnaire, que rien
ne peut arrêter.
Il n’a qu’une besace de
vivres, un petit jerrycan d’essence, j’insiste,
lui redis qu’il a 1200 bornes à s’appuyer avant
la prochaine pompe, qu’il lui va falloir continuer
avec sa Vespa sur le dos 100 kilomètres plus loin car
il n’aura plus d’essence, lui montre la carte, rien
à faire, ce barjot est indécrottable... et ces bières
bien fraîches qui m'attendent à l’Atlantide…!!! Finalement,
je lui laisse mes bidons de 10 litres d’eau à peine
entamés et continue sur Gao.
Je retrouve les copains au
commissariat de police, salue Mamby, remplis ma copie
comme un grand, puis je vais m’en jeter deux de 75
centilitres glacées dans le cornet.
Sur le marché aux « souvenirs
», après avoir marchandé des pointes de flèches
et haches préhistoriques de silex, je m’interroge
devant l’hésitation du marchand à prendre la monnaie,
je saurai plus tard la raison de cette circonspection
: je tendais mon argent de la main gauche, celle utilisée
en Afrique pour les ablutions anales.
Gao, Niamey, frontière béninoise,
les douaniers toujours aussi speed, mais maintenant,
je les connais, ils font leur cinéma derrière leurs
lunettes miroir tels des tontons macoutes, quand ils
ont « mangé un peu », ils redeviennent calmes, ne
pas se laisser impressionner et ça passe.
À deux reprises, j’aperçois deux
caméléons qui finissent
de traverser la route, je n’ai pas le temps de les chopper.
Après avoir dormi à l’infâme « camping » de
Kandi, de bonne heure, je vais prendre un petit déjeuner sur la place où
s’arrêtent les taxis-brousse, café au lait, tartine de confiture et margarine.
Étape à Parakou, cuite avec
quelques passeurs de voitures que j’ai pour la plupart
déjà aperçu au Bénin-palace.
De nuit après Kokoro, un
python de deux mètres venant de la droite traverse
la piste juste devant la voiture, je braque à droite
en freinant sec, tire le frein à main, il a déjà
la tronche dans les herbes du côté gauche de la route,
quand, lui sautant sur le râble, je l’attrape derrière
la tête, ma voiture s’arrête un peu plus loin. Les
pythons que l’on voit en Europe sont mous ; quand
ils sortent de brousse, c’est un autre genre d’outil
!
Celui-ci se roule instantanément
sur lui-même, je me retrouve avec une énorme boule
dure comme du boa, un peu comme une balle de tennis
géante, la tête et la queue à l’intérieur, pas
moyen de le dénouer, ni de le lever, il pèse un âne
mort, je le caresse, ses écailles sont douces hélices,
rien à faire, il ne bronche pas, à croire qu’il
n’a pas confiance !
Finalement, je le roule dans
la végétation qui borde la piste car je ne sais pas
quand il sortira de sa position stratégique et je ne
voudrais pas qu’il se fasse cartonner.
Il faut dire qu’au fil du
parcours, à partir de 50 bornes après Bordj-Moktar,
la végétation recommence à pointer le
museau, d’abord de petites touffes éparses d’herbe
sèche et jaunâtre, un épineux rabougri par-ci, puis
deux par-là, le Niger est un intermédiaire sahel-brousse
; à partir de la frontière Béninoise, la végétation
est souvent luxuriante.
Passant à Bohicon, je me dis qu’un petit
crochet par Abomey* serait peut-être intéressant,
car les passeurs, près d’arriver à Cotonou, ne pensent
pas à essayer un autre débouché si près du Bénin-palace.
Je m'y fais un copain qui
tient un petit restaurant près du marché, Johnny,
jovial, trapu, une grosse bille ronde, c’est un spécialiste
en omelettes de toutes sortes, il a un affreux roquet
de chien rusé comme un fennec appelé Pilate, quand
il me regarde, je ne résiste pas au plaisir de lui
demander « à quoi tu penses, Pilate ? » ou quand
il court, « où tu fonces, Pilate ? », le soir, avec
un autre français rencontré en cours de route, nous
faisons une belote africaine contre Johnny et un pote
à lui ; la belote africaine, c'est la belote française,
à part qu'on a le droit de tricher, mais pas de se
faire prendre, l'enjeu : la bouteille de whisky qui
est sur la table et qui est déjà bien entamée, on
est tous bourrés à la clé, car avant de manger les
fameuses omelettes, on a largement pris l'apéro et
bu du rosé portugais pour pousser tout çà, il faut
dire qu’au Bénin l'alcool est trois ou quatre fois
moins cher qu'en France, il n'y a pratiquement pas de
taxes sur les importations, pas d'impôts à payer,
quand vous ouvrez une boutique, vous ne devez rien à
personne, tout ce qui tombe dans la caisse est pour
vous ; nous sortons de chez Johnny tard dans la nuit.
Nous avons élu domicile à
la maison des jeunes travailleurs, la journée de piaule
(propre) est à 500 C.F.A (10 francs = 1,53 €), j'en
sors le lendemain matin avec la bouche en fond de cage
à perroquet, passe voir le père Johnny qui se porte
comme un charme, il a déjà fait son marché et est
en train de nous mitonner un ragoût de derrière les
fagots.
Le temps qu'il me prépare
le café au lait avec des tartines, je vais au marché
pour acheter de l'aspirine fabriquée au Nigeria, m'en
enfile deux avec le petit déjeuner, puis repars sur
la place, histoire de me dégourdir les jambes, toutes
les mamas proposent leur articles en souriant, les odeurs
sont très fortes, les mouches sur la viande ne dérangent
personne, (au bout de quelque temps je n'y ferai plus
attention non plus); un marchand
de grigris
présente un étalage incroyable d'animaux séchés,
caméléons, têtes et mains de singes, peaux de serpents,
bottes d’épines de porc-épic, amulettes de toutes
sortes, pots contenant des mixtures de toutes les couleurs
; de l’ensemble, se dégage une puanteur insupportable!
Je lui achète une botte d'aiguilles de porcs-épics
après un sérieux marchandage, le soleil est haut,
je recommence à avoir faim, le mal de tête s’est
un peu estompé, je retourne chez Johnny casser la graine.
Pendant que nous grignotons
avec un doigt de rosé, un Béninois costaud, la trentaine,
se pointe, il est habillé d'un boubou de cotonnade
imprimée, aux couleurs vives, avec chapeau tronconique
du même métal, il me demande si je désire vendre
le véhicule, je lui dis que si nous tombons d'accord
sur le prix, ça peut se faire, lui paie un coup de
pinard pour que nous puissions discuter à égalité.
Nous allons faire un tour
pour qu’il puisse juger de l'état de la voiture,
c'est pas pour vanter la camelote, mais il faut dire
qu'elle fonctionne aussi bien qu’à sa sortie des
chaînes de montage de monsieur Peugeot 200.000 kilomètres
auparavant ; la chaîne de distribution nous fait un
petit solo, mais pour l'instant ce n'est qu'un léger
gratouillement ; en partant de France, elle me chuchotait
déjà à l'oreille, et, des fois qu'elle se soit mise
en colère en cours de route, j'ai préféré en prendre
une autre de secours, d'occase soit, mais pas trop usée.
Nous tombons d'accord sur
le prix, le type l'achète pour faire le taxi en ville,
il faut que j'attende jusqu’au lendemain pour qu'il
puisse réunir le pognon, l'hôtel n'étant pas cher,
le restaurant de Johnny pas ruineux, l'ambiance bonne,
rien ne presse, banco.
Le lendemain matin, pas de
nouvelles, ce n'est pas bon car j'ai dit à d'autres
clients que la voiture était vendue, la parole en Afrique
ne valant pas grand-chose, je me demande si mon acheteur
ne veut pas me faire un coup à l'envers !
L’après-midi, il se pointe,
mais accompagné, ce qui ne m'inspire pas confiance…
J'ai eu le nez fin, le type
en question est un mécano, et, bien que jeune, un fameux
; il connaît les Peugeot sur le bout des doigts ! Bien
qu'il ne la ramène pas, je sens tout de suite qu’il
va me contrarier, car, bien évidemment, le client l'a
amené pour trouver l’argument qui fera baisser du
prix convenu, il demande à faire un essai, je m'exécute,
nous faisons un petit tour de ville, revenons, il appuie
sur les ailes pour juger des suspensions, passe sous
la voiture et tapote la caisse pour voir si elle n'est
pas pourrie ou rafistolée au mastic, j’ouvre le capot,
fais tourner le moteur, il s’exprime sur le cliquettement
de la chaîne de distribution, je lui dis que j'en ai
une de rechange, il demande à voir, la secoue à son
oreille pour juger de son état (je pense que si elle
cliquette c'est qu'elle est usée), il donne les trois
coups d'accélérateur rituels et va voir la couleur
des gaz d'échappement, je ne crains rien et suis bien
placé pour savoir qu'elle ne consomme pas d'huile.
Le mécano fait son rapport
à mon client en dialecte pour que je ne puisse pas
comprendre, malgré cela je saisis "dynamo plus
(+) de sûreté», je fais celui qui n'a rien compris,
mais retiens ce renseignement comme argument d’une
vente future, j'attends le verdict, le client se tourne
vers moi et me dit que la chaîne de distribution est
foutue, qu'il faut la remplacer, gnagnagna et gnagnagna......ce
à quoi je réponds que : pour la chaîne, je lui en
fournis une, la voiture est irréprochable, d’ailleurs,
nous avons déjà décidé du prix, que s'il n'en veut
plus, qu’il le dise, ce ne sont pas les clients qui
manquent, il est visiblement contrarié de ma fermeté,
il voulait me la faire à l'africaine, mais maintenant,
je connais les cordages, je sais que je tiens le bon
bout; j'ai fais 5000 kilomètres dont plus de 2000 de
désert et de piste pour amener ce magnifique engin
en parfait état de marche, ce n'est pas le moment de
mollir!
Je lui dis courtoisement,
mais fermement que je n'ai pas l'habitude de discuter
trois fois le prix, c'est oui ou non, verrouille les
portes et retourne boire une "béninoise"
bien fraîche.
Après quelques palabres avec
son auxiliaire, il revient chez Johnny pour me payer,
je tends la main, il sort un gros paquet de billets,
je recompte, empoche les coupures, paie une tournée
générale, il s'en va au volant de mon ex-berline ;
bon, me voilà riche et piéton, je finis l'après-midi
à me torcher avec Johnny et le collègue, le copain
me demande ce que je compte faire, je lui explique comment
remonter par Lagos, que c'est actuellement le meilleur
moyen de retourner en France, comme il n'a pas eu de
clients sérieux et que sa voiture commence à être
un peu trop connue ici, nous décidons de descendre
sur Cotonou.
Au Bénin palace, une histoire cocasse circule :
une grande forêt située entre Porto-Novo et le Nigeria est appelée « la forêt
des voleurs » car elle sert de passage à tous les trafics illicites entre ces
deux pays et des types s’y sont fait prendre à essayer de passer un réacteur
d’avion volé!!!
Je vais à l’ambassade du
Nigeria ; hélas, il faut une page vierge sur le passeport
pour y mettre le placard qu’est le visa, j’essaye
d’insister, mais le mien est gavé, rien à faire,
de plus, se faire refaire un passeport au consulat français
prendrait trop longtemps.
Au Bénin Palace, je confie
mon embarras à un descendeur pratiquant depuis plusieurs années, il me dit qu’il
suffit de prendre les nairas à Jonquet, d’acheter
à l’aéroport de Cotonou un billet
Cotonou-Lagos.
À la descente de l’avion à Lagos, on vous demande
« transit ou Lagos », dire « transit », aller dans
la salle à gauche qui se trouve au bas des escaliers,
attendre qu’il n’y ait plus d’affichage de partances,
à ce moment, les douaniers et policiers s’esbignent
de leurs guitounes, on passe en zone nigériane prendre
le billet, puis on revient en transit, le tour est joué.
O.K, va pour le plan, j’achète
un magnum de Chivas pour arroser ma prochaine visite
à Paris, puis des nairas à Jonquet, le billet à l’aéroport
de Cotonou et pars pour Lagos
Lagos, premier problo, un
cordon sanitaire demande les carnets de vaccination,
sur le mien, le choléra est périmé!
Je ne parle pas trop bien
anglais, là, je ne m’exprime qu’en français, en
désespoir de cause, ils me font accompagner par un
loustic vers le chef de police, nous descendons un escalier,
traversons un hall que je pense être la salle de transit,
car s'y trouve l’affichage des départs, à la sortie
à droite, un large couloir, le cerbère me dit d’aller
taper à la porte d’un bureau où deux de ses collègues
fonctionnent et me lâche les baskets.
À trois mètres du bureau,
je me baisse, fais semblant de regarder dans mon sac,
me retourne, mon ange gardien repart au cordon sanitaire
sans me reluquer, demi-tour, direction la salle de transit,
le coup est rattrapé.
J’attends, les affichages
n’indiquant pas de départs avant quelques temps,
comme prévu, les douaniers et policiers ripent les
galoches, je passe les guichets ; dans la zone nigériane
j’attends en sirotant une « Trois Couronnes », une
demi-heure plus tard, toujours pas de départ annoncé
sur la France, un Européen pointe se désaltérer,
nous engageons la conversation avec mon anglais approximatif
car mon interlocuteur est Écossais.
Il travaille sur une plate-forme
pétrolière et retourne chez lui, de fil en aiguille,
nous étant mutuellement offert le liquide brassé qui
réjouit les cœurs, je lui révèle ma combine, je
le vois brusquement soucieux pour ma pomme, quand je
lui demande la raison de son tracas, il me désigne
un black qui attend à l’écart et me dit « je suis
en situation régulière et ce type est payé par ma
compagnie, uniquement pour faciliter mon embarquement
».
Il me propose d’en parler
à son lubrificateur de passage, je demande s’il est
sûr de lui, il m’assure qu’il n’y a pas de problème,
c’est son métier, et s’il me balance, cela se saura et il sera
viré, je lui donne le feu vert ; l’Écossais appelle
le black et lui casse le coup en anglais, au fur et
à mesure que ce dernier comprend la situation, il vire
au gris, je commence à m’inquiéter !
Le passeur se lance dans une
longue et vigoureuse explication que me rapporte le
copain car je n’ai rien pigé. Le vaselineur de situation
préconise, pour que je m'en sorte, qu'entre la couverture
du passeport et la première page, je mette une
liasse de nairas pour la police, et, après la dernière,
la même somme pour la douane, le tout correspondant
à un peu plus que le prix d’un billet d’avion,
cela sans garantie que ces messieurs daignent
accepter mon offrande !
Je réfléchis un peu, demande
à l’Écossais s’il peut garder quelques minutes
mon sac.
J’ai décidé de traiter
le problème bille en tête : Je prépare plusieurs
paquets de CFA de divers montants dans mes diverses
poches, puis me pointe au guichet de police, montrant
le bureau du chef situé plus loin derrière, je dis
au fonctionnaire que je dois aller parler au responsable,
le type un peu surpris me donne le feu vert, les douaniers
n’émettent pas plus d’objection à mon passage,
je fais un crochet de façon à ce que, si le chef me
voit arriver par la vitre qui donne vers le hall principal,croit que je viens de
la zone de transit international.
Je tape à la porte, salue,
explique que j’arrive de Cotonou, que je dois aller
rendre visite à mon frère qui travaille à l’ambassade
de France à Lagos, que je n’ai pu obtenir de visa
car mon passeport est saturé ; que faut-il faire pour
sortir ?
Le chef en civil, assis derrière
son bureau, après avoir examiné mon passeport, dit quelques mots à voix basse à un type
en uniforme debout derrière lui, ce dernier me fait
signe avec sa british badine de venir discuter dans
un angle du bureau : je dois donner 25.000 C.F.A, je
réponds qu’il ne m’en reste que 15000, il faut
que j’en garde un peu pour le taxi qui me conduira
à l’Ambassade, on finit par tomber d’accord sur
6500 C.F.A (130 ff = 20 €), je sors l’oseille de
la poche à 15.000, en compte 6.500 qui sont dirigés,
ainsi que mon passeport vers le chef, qui, y trouvant
un espace à peu près libre à la dernière page, y met
un bon coup de tampon, marque quelque chose dessus et
me rend le passeport, je lis « transit
pass 48 h Cotonou
», le problème est résolu.
Repassant les guichets, avec
mon visa tout neuf, je retourne voir l’Écossais et
son bras cassé de pilote, présente mon autorisation
temporaire et leur dit : « and this, it is chicken
? », je crois que l’Écossais n’est pas encore
revenu du coup. Je paie une tournée pour fêter l’évènement,
le copain, ayant son avion annoncé s’arrache en me
souhaitant bon voyage, je lui retourne son souhait.
Attendant mon avion, un Nigérian
me demande si je veux acheter un billet à tarif réduit
pour Paris, je demande à voir l’objet, il me tend
le retour d’un Paris-Lagos/Lagos-Paris au nom de «
Herpin
», je lui
dis que ce n’est pas mon nom, il répond qu’il n’y
a pas de problème, qu’il s’occupe de tout, le prix
étant des deux tiers du tarif normal, je suis d’accord,
mais ne paierai qu’une fois passées police et douane,
dans la zone de transit, il accepte.
Il n’y a pas d’avion pour
Paris avant le lendemain après-midi, on se donne rencard
avant l’heure d’embarquement.
A plusieurs reprises, on m’aborde
pour me proposer l’hospitalité à l’extérieur
de l’aérogare, probablement pour me dépouiller ;
montrant mon visa à la police et à la douane, je demande
à me replier dans la zone de transit, ce qui m’est
accordé, j’y serai tranquille.
Le soir, j’en sors, et ayant
du coup des nairas de rab, je vais au restaurant de
l’aéroport ; superbes couverts, mais la bouffe pas
géniale.
Le lendemain, en fin de matinée,
un colonel de légionnaires à la retraite, 45 ans à
vue d'œil, se pointe au comptoir, nous discutons pour
passer le temps ; il me raconte que, du temps où il
opérait en Mauritanie, il est tombé sur des sites
extraordinaires, notamment des forêts entières d’arbres
fossilisés,
des secteurs couverts de silex taillés ; lors d’une
halte prolongée, ses hommes, pour se distraire, ont
fait des dessins au charbon de bois sur les parois de
grottes dans lesquelles ils s'abritaient ; bien plus
tard, il en a retrouvé des reproductions dans des livres
traitant de préhistoire qui donnaient pour authentiques
ces délires légionnairo-rupestres. Vers 13 heures,
il embarque.
Un peu plus tard, comme convenu,
mon type se pointe, enregistre le billet, me fait passer
avec mon sac ; une fois dans la salle de transit, il
devient nerveux, je lui dis de me suivre dans les chiottes,
nous nous y enfermons, je sors l’argent de mon calbar,
ce qui ne le choque pas outre mesure, compte le prix
convenu, il me demande un supplément pour la taxe d’aéroport,
je l’envoie chez Plumeau. A Paris je sors de l’aéroport
sans anicroches.
Ma mère n'étant pas à Paris,
je prends le train pour Bergerac dans la foulée.
_Cinquième
chapitre_
Lalinde, à la gendarmerie,
je déclare mon passeport perdu afin de le garder en
souvenir et m’en fait établir un autre.
Après quelques orgies périgourdines,
je décide de passer voir la Mama en banlieue parisienne,
un copain me demande de l’emmener, je prends le magnum
de Chivas acheté à Cotonou conservé pour l'occasion
; à Épinay, je gare la voiture au pied de l’immeuble,
prends mon sac, au quatrième, je pose le bagage devant
la porte, sonne, ma mère ouvre, j’avance pour l’embrasser,
le copain prend le sac, lui fait faire 50 centimètres,
le pose……. et casse la bouteille.
Le nouvel appareil à dévorer
du kilomètre à qui je me propose de faire voir du
pays est encore une 404, un vieux modèle avec un seul
compteur et vieille boîte, mais comme on me la donne,
je ne demande pas la monnaie.
Ce coup-ci, comptant sur mon
douanier algérien lubrique, je vais descendre un maximum
de matériel : je charge des crémaillères de direction,
des démarreurs, des dynamos, enfin, toutes les pièces
détachées de 404 sur lesquelles je peux mettre la
main.
Je trouve une combine dont
je ne suis pas peu fier, pour éviter la corvée de transvaser
l’essence du fût au réservoir en siphonnant, je
perce un gros bouchon fermant les futs de 200 litres,
fais passer et braser à travers un petit tube de métal,
le but du jeu est qu’une fois le réservoir de la
voiture vide, je relie avec un tuyau souple la pompe
à essence directement au tonneau, je prolonge le bout
de tube en fer donnant à l’intérieur du baril par
un tuyau de plastique lesté d’un boulon pour aller
au fond, ainsi mon deuxième réservoir sera de 200
litres, pas de siphonage, de manipulations ni d’évaporation…….
la perfection.
Regardant le prix des bouquins
pornos, je suis horrifié par le coût exorbitant de
la luxure, je fais l’impasse.
Une fois parti, quand je traverse
les villes, je reluque sur les poubelles des paquets
de revues style « Jours de France, Elle, Paris-Match
etc….», les bourgeoi s en font souvent des piles soigneusement
ficelées, je n’ai qu’à descendre de la voiture
et les balancer dans le coffre arrière, mon plan est
qu’arrivé à la douane d’Adrar, je tendrai quelques
revues à mon douanier libidineux d’un air innocent,
sachant qu'il ne pourra pas mettre les choses à plat en me disant
qu’il voulait des bouquins pornos.
Plutôt que faire Algesiras-Ceuta,
je continue de passer par Alméria-Mélilla, l’économie
kilométrique de trois cent bornes et d’une demi-journée
de conduite compensent largement la différence de prix
du billet ; de plus, je peux prendre des douches et
me raser, ce que je ne peux refaire en principe qu’à
Tessalit avec un seau d’eau douteuse.
A la douane algérienne, il
me faut tout déclarer comme d’habitude, je ne me
fais pas de soucis de ce côté, un douanier me demandant
l’air de rien si j’ai des « revues », pour rigoler,
je lui réponds par l'affirmative, son œil s’allume, je ne sais
pas si c’est la joie de coincer un passeur d’ouvrages
illicites, ou celle de mettre la main sur cette si rare
littérature ; avec le plus grand sérieux du monde,
je lui montre les lectures récoltées en France, consternation,
comme je ne bronche pas et garde mon air tranquille,
il me dit « c’est bon», bon prince, je lui en donne
deux ou trois, ce qui est tout de même un beau cadeau,
car ces publications sont rares et chères dans le secteur....
Tlemcen, je m’arrête sur
la place principale, je suis immédiatement abordé
par des amateurs de pièces d'automobiles, je vends tout en
deux coups de cuillère à pot ; pour voir si les
gens du coin sont honnêtes, je laisse un type partir
avec un démarreur afin qu’il l’essaie et revienne
me payer ou le rendre, dix minutes plus tard, il est
de retour avec les 300 dinars convenus.
Aïn-Sefra, je m’arrête
chez un restaurateur où je mange régulièrement, l’après-midi
est bien avancée, il m’invite à prendre l’apéro
dans son appart dans l’arrière boutique, nous tortillons
les trois-quarts d’une bouteille de Ricard qui me
restait, je lui vends du Whisky mais lui laisse l’argent
en dépôt car, ayant vendu les pièces, j’ai bien
assez de dinars.
C’est un pète-sec, mais
visiblement, il est content que je passe le voir, des fois, on
se prend de bec, mais on se respecte.
En partant, il insiste pour
me laisser son numéro de téléphone, pour lui faire
plaisir, je prends le bout de papier qu’il me tend
et le met dans la boîte à gants.
J’arrive à Adrar sans une
seule des pièces de rechange marquées dans le carnet
de devises, j’en fais un peu exprès pour savoir jusqu’où
je peux mouiller le douanier.
Bonjour à Ramdann, pleins
d’eau et d’essence, et, décontracté, je me pointe
à la douane.
Déception, je ne vois pas
mon douanier, première fois qu’il n’est pas à
son poste !
C’est un type en civil qui
me demande le carnet de devises, avant d’y jeter un
œil, il m’explique qu’il a été déplacé de Oran
à Adrar pour faire cesser tous les trafics, apparemment,
il n’est pas ravi de cette promotion et ça le rend
teigneux, le bougre!
Quand il voit le grand vide
dans le coffre et les cinq lignes de matos inscrit sur
le carnet de devises, il fait les pieds au mur !
Nous revenons au poste, il
me pique passeport, carte grise, pognon, clés de voiture,
me gratifie d’une amende de mille dinars, plus l’estimation
à venir des pièces vendues multipliée par deux
( il m’en indique le montant, je n’ai pas vendu
cher !!!!), le tout assorti de la feuille de change
certifiant que la prune a été payée avec des francs
changés officiellement, la voiture est également saisie
; Ayant changé officiellement 200 francs (30 €)
à l’entrée du territoire, il est plus qu’évident
que j’ai trafiqué, j’ai traversé l’Algérie,
mangé, chargé trois cent litres d’essence et il me reste
500 dinars en poche pour le prochain passage.
Il me confisque tout mon bon
pognon, je sollicite de quoi manger, payer l’hôtel
et téléphoner pour pouvoir appeler en France et me
faire ainsi envoyer de l’argent, royal, il me vote
20 de mes dinars. Le reste de mes diverses espèces
est mis au coffre, dans une enveloppe fermée et tamponnée,
il m’en donne un reçu.
Je demande à prendre des
affaires personnelles, il m’accompagne, m’ouvre
la portière de la voiture en me
surveillant étroitement, la seule chose qui m’intéresse
vraiment est ce petit bout de papier jeté négligemment
dans la boîte à gants à Aïn-Sefra, je parviens à
l’attraper discrètement, prends quelques affaires
de toilettes pour donner le change, remercie ; le lascar
est sec, mais correct, c’est moi qui ai fait le con,
il n’y a pas de doutes !
Je quitte la douane pas trop
fiérot, vais directement à la poste, les guichets
sont fermés, mais dans le Sud, comme il n’y a rien
à faire, les gens ne sont pas chiens sur les horaires,
je tape au carreau, dis au préposé que je dois absolument
téléphoner à Aïn-Sefra, il m’ouvre la porte, me
désigne une cabine, retourne à ses occupations sans
plus s'occuper de moi.
Aussitôt que mon pote reconnaît
ma voix, il s’exclame : « toi, tu as encore fait
le con ! » je lui conte le topo, il me recommande :
«vas voir de ma part un certain X qui tient telle boutique
à Adrar, et raconte-lui tout, si la chose est faisable,
il te sortira de l’embrouille », je le remercie et
pars chercher le certain X.
Ce n’est pas une chose très
difficile que de le trouver vu son commerce. Je lui
résume l’histoire, il me dit de le suivre, ferme
la boutique et nous allons chez lui.
Moi, plutôt tendu, je le
prie d’agir rapidement avant que le rapport ne sorte
de la douane d’Adrar, il me répond que l’on ne
peut pas aller sur-le-champ chez la personne susceptible
d’intervenir, il faut être très discret car l’affaire
est chaude! Il me propose de commencer par manger un
bon couscous en attendant l’heure idoine, ce que nous
faisons en discutant de choses et d’autres.
Tard dans la nuit, nous allons
dans son auto par les rues sombres et totalement désertes,
il s’arrête, je dois l’attendre dans sa voiture.
Une bonne demi-heure passe, il revient, le type qu’il
a contacté est bien placé et a eu un rapport détaillé
de mon coup d’éclat.
Il embraie d’entrée : «
tes bières, tu fais une croix dessus (deux packs de
24) il faudrait que tu trouves deux bouteilles de whisky,
je demande « c’est tout ? », il me dit que de toutes
façons, le type me sort de l’embrouille car je viens
de la part de mon pote d’Aïn-Sefra et de la sienne,
ce qu’il me demande n’est qu'un geste de remerciement,
pas un bakchich, je réponds que cela ne doit pas poser
de problème, il est un peu étonné car le whisky est
une denrée très rare dans l’extrême Sud algérien.
Nous retournons chez lui,
je file à pince directement chez le père Ramdann,
il est très tard, mais je sais qu'il habite au-dessus
de son restaurant, à force de tambouriner à la porte,
il finit par ouvrir, je lui raconte le coup de la douane
et lui demande s’il peut me prêter deux bouteilles
de Johnny Walker, il me fait entrer, cinq minutes après,
il redescend avec les deux clés de ma désincarcération.
_ «Je ne pourrais te les
rendre qu’à ma prochaine descente », « te casses
pas la tête », je lui dis qu’il me sauve la mise
et lui serrant la main, «à bientôt».
Retour chez mon avocat, il
est étonné de voir les deux biberons arriver si rapidement
et satisfait du bon déroulement de la première partie
de l’opération.
Nous retournons à l’adresse
de mon sauveur inconnu, X se fond dans le noir avec
les deux boutanches de distillat. Une dizaine de minutes
plus tard, il est de retour.
Dans la voiture, il me dit :
« demain, tu vas à la douane, tu te fais engueuler,
tu ne la ramènes pas, tu laisses : 1° passer l’orage,
2° tes bouteilles de bière, le reste ira tout seul
».
Je dors chez lui, le lendemain
matin, café au lait puis il me souhaite bonne chance,
je le remercie, lui demande de faire de même pour moi
au copain d’Aïn-Sefra, puis je trisse.
Je fais un détour pour saluer
Ramdann et lui dire que s’il ne me revoit pas, c’est
que les choses se sont bien passées, salut mon frère
!
Le petit douanier en civil
est là, je n’ai pas besoin de me forcer beaucoup
pour avoir l’air penaud ! Il est furax, à sa place,
je le serai aussi, il me dit qu’exceptionnellement,
la douane me fait une fleur, mais que la prochaine fois,
même s’il ne manque qu’une boîte d’allumettes
je n’y couperai pas.
Il me rend les papiers, le
peu d’argent français qui me reste, me dit que les
devises algériennes ne devant pas quitter le territoire,
il les garde au coffre, à mon prochain passage, je
devrais présenter le reçu dont il me gratifie, on
me restituera mon pécule, je lui réponds que je n’en
doute pas un instant (ce qui est vrai), demande où
je dois mettre les bières, il me désigne du bout des
lèvres un recoin, je fais la livraison, et…je…
m’arrache........................... !!!!!
L’homme est ainsi fait qu’il
n’est jamais satisfait, aussitôt délivré, je regrette
de ne pas avoir une petite douzaine de bières pour
traverser le Sahara ; j’ai à ce propos trouvé une
combine : emmailloter une 25cl dans un chiffon mouillé,
la coincer, goulot en bas dans une banane du pare-chocs
avant, avec l’évaporation hors du commun dans le
secteur, dix minutes plus tard, la bouteille est quasiment
glacée, le chiffon tout sec, prêt à resservir, les
plus forts bonds de la voiture n’ont jamais fait sortir les
canettes de leur logement et j’en ai pourtant traité
un sacré paquet !
Aussitôt que le moteur hoquette
par manque d’essence, je stoppe, débranche et bouche
la durit provenant du réservoir avec un boulon de diamètre
approprié pour que le sable n’entre pas à l’intérieur,
dispose le gros bouchon percé du tuyau de fer sur le
fût de 200 litres, installe le tuyau souple prévu
pour relier le bidon et la pompe à essence, avec la
chaleur, le carburant est toujours sous pression dans
les réservoirs, le système fonctionne parfaitement !!!
Au milieu du désert, faisant
une halte, je tombe sur une vipère
à cornes
morte, elle a été butée il n’y a pas longtemps,
le sang est encore frais, ce n’est vraiment pas un
animal sympathique, 80 centimètres de long, la
queue qui se termine en boudin, deux excroissances derrière
une grosse tête (d’où son nom), elle
se planque dans la sable,
ce qui la rend d'autant plus dangereuse, car quasiment
invisible.
J’ai entendu une histoire
à Gao à propos d’un serpent de cette espèce : Un
patron de camion transsaharien se fait mordre par l’une
d’elles ; en principe, on en meurt dans les heures
qui suivent, le mec le sait, ne s’affole pas, dit
à ses graisseurs de lui préparer du thé, et, sur
une natte, s’adosse à une roue du camion et
boit tranquillement ce qu’il pense être son dernier
verre, un jour passe, puis deux (pendant lesquels il
est malade comme un chien), à la fin du troisième
jour, il commence à émerger et s’en sort définitivement.
La boîte à vitesses ancien
modèle n’est pas pratique, surtout quand il faut
rétrograder en catastrophe dans les plaques de fech-fech.
Vingt bornes après Aguelhok,
un type à pied en uniforme me demande de l’emmener
un peu plus loin, c’est un garde-chasse armé d’un
vieux 12 Simplex de la manufacture de St Etienne, chemin
faisant, il me propose des
dents d’hippopotame,
je lui réponds que je n’ai pas une tune à investir
dans ce genre d’objet, comme il n’en veut que 5000
francs maliens (50 ff = 7,5€), je demande à voir,
quelques dizaine de kilomètres après, il me demande
de tourner à droite, il n’y a plus de piste, plus
de traces, mais le terrain est assez consistant, nous
roulons un peu, et arrivons à une cabane
esseulée,
dans laquelle vivent ses femmes et enfants, après avoir
dit bonjour à tous, il me montre les objets, nous faisons
affaire.
Roulant de nuit sur une portion
surélevée permettant de circuler quand la piste est
inondée, je vois sur la droite, une fusée rouge monter
dans le ciel, aussitôt, je m'arrête, tourne la
voiture dans la direction d'où venait ce qui doit être
un appel "au secours", et fais des appels
de phares, rien, pas un signe, j’attends une dizaine
de minutes, laissant les phares allumés, pas de réactions ;
me vient soudain une très mauvaise sensation, j'ai
les poils qui se hérissent, je réalise que le coin
est complètement paumé, idéal pour un traquenard,
je repars rapidos.
Gao, Niamey, puis le Bénin,
je suis encore à sec d’argent, je décide de passer
à Abomey pour dire bonjour au père Johnny et renifler
la température.
Bohicon, je croise Cécile,
garçon sympa et intelligent, toujours en costard marron,
avec qui j’avais déjà discuté de vente d’autos
plus au Nord ,à Glazoué où il réside, lors d’une
précédente descente ; Cécile est intermédiaire,
il a 25 ou 30 ans, grand, mince, les yeux proéminents,
il me présente Bernard qui doit avoir 10 ans de plus
comme son « second », c’est à dire apprenti ou
lieutenant, celui-ci a l’air franc comme un âne qui
recule !
Nous discutons de sa commission
éventuelle, il est beaucoup moins gourmand que ses
collègues de Cotonou qui demandent jusqu’à 10 %,
quand ils vous amènent directement chez un client qui
achète bien et vite ; vu ce que coûte l’hôtel,
c’est rentable, mais souvent, ce sont des branleurs
qui se font balader à l’œil et cherchent des clients
au hasard de pérégrinations.
Intermédiaire est un vrai
boulot, il faut se faire une clientèle d’acheteurs
sérieux, ayant du cash en permanence à la maison,
quand ils amènent un vendeur, l’affaire ne doit pas
traîner : visite de l’objet, entente sur le prix,
papier de vente ou pas, compter oseille, donner carte
grise et au revoir. Souvent, il doit bousculer l’acheteur
car celui-ci a du mal à sortir l’artiche. Il risque
également de se faire court-circuiter par un propriétaire
de voiture indélicat, qui, faisant semblant de ne pas
accepter le prix, revient plus tard en douce chez le
client; d’autres fois, l’affaire conclue, les vendeurs
se font tirer l’oreille pour régler la commission,
les Africains ne sont pas les seuls à faire des embrouilles
!
Nous entamons la tournée
d’éventuels acheteurs ; aux coins des rues, il y
a souvent des fétiches, sortes de masses tronconiques
aux sommets arrondis sur lesquelles des plumes, morceaux
de tissus, et d’autres choses indéfinissables sont
englués par le sang des poulets égorgés au cours
des divers sacrifices, une tôle ondulée protège souvent
l’idole des outrages de la pluie.
Bernard me demande de le laisser
chez sa femme, il y reste 2 minutes, nous repartons
en prospection, me tournant vers l’arrière pour effectuer
une manœuvre, je croise le regard fuyant du « second
», je me dis « cet emplâtré m’a fait un coup à
l’envers », je réfléchis à ce que je trimbale
derrière, un sac en peau de chameau avec des affaires
minables, mon couchage, les dents d’hippo, quelques
souvenirs, ce doit être ça….. J’arrête la voiture,
fouille mon bagage dans lequel manque un joli petit
éléphant en "ébène presque véritable"
acheté à Niamey.
Je remonte dans la voiture
et dis à Cécile : « ton second m’a volé une statuette».
Il se retourne vers le Bernard,
celui-ci nie tout ce qu’il peut, mais ne trompe personne.
Je demande à Cécile ce qu’on
fait, il est visiblement enquiquiné, je dis « bon,
on va à la police », je prends un chemin un peu long
pour y aller, car moins on voit les flics en Afrique,
mieux on se porte.
Ce con de Bernard ne bronche
pas, merde !
Pour ralentir le mouvement
et laisser à Cécile le temps de le convaincre car je
ne vais pas lâcher le morceau, quoi qu'il m'en coûte,
je m’arrête à une station-service prendre de l’essence
(dont je n’ai pas un besoin urgent), j’en prends
pour 1000 francs C.F.A (3€, ce qui ne choque personne en
Afrique), il ne me reste plus en poche que 2000 francs
CFA (6 €), même pas de quoi aller à Cotonou !
Une fois l’essence réglée,
je redémarre, Bernard me dit « toi, tu es trop fort
», mais je n’ai pas envie de rigoler, je lui réponds
: « et toi tu es un adjoton (voleur en béninois) »,
je retourne chez sa femme, il descend, revient avec
l’éléphant, je le lui arrache des mains, _ « Tu
ne remonteras plus jamais dans une de mes voitures »,
et le plante là.
Nous repartons avec le père
Cécile draguer l’acheteur, deux adresses plus tard,
nous faisons affaire, je demande à l’acquéreur de
nous laisser chez Johnny.
Je paie la tournée générale,
donne son dû à Cécile qui ne tarde pas à riper les
galoches sur Glazoué, me laissant avec mon restaurateur
aboméyen préféré, le soir nous cassons la croûte,
puis une bonne belote africaine (perdant ou gagnant,
c'est toujours l'Européen qui paie), cuite, dormir
à la maison des jeunes travailleurs.
Après un petit déjeuner
chez lou Johnny, je vais visiter le musée d’Abomey
qui est le palais du grand roi Béhanzin dont les murs sont ocre rouge,
le guide indique que cette couleur provient du liant
utilisé : le sang des ennemis
vaincus et sacrifiés,
pour moi, c’est dû à ce qu’il doit être fait
en latérite, mais laissons la légende
impressionner les foules ébahies……. Le siège du
roi est posé sur les crânes
de 4 chefs ennemis vaincus.
Des artisans vendent des « Toiles
d’Abomey
» faites de découpes de tissus aux couleurs vives
figurant les phases importantes de l’empire des rois
du royaume d’Abomey, notamment, de l’arrivée des
premiers portugais sur de grands voiliers.
Après la visite, je dis au
revoir à Johnny, retour à Bohicon, train
pour Cotonou,
ambassade du Nigeria pour le visa, le surlendemain,
départ en taxi pour prendre l’avion à Lagos avec
un couple de Hollandais et un compatriote, changer des
nairas au marché noir, passage des frontières, aéroport.
Au dernier contrôle avant
de pénétrer dans l’avion, un douanier, avec un geste
d’une rapidité inouïe, tire sur le cordon de la
petite sacoche touareg que je porte autour du cou, et
dans laquelle j’ai placé mon argent, (je la croyais
invisible car très plate), et commence à extirper
ma fortune !
Je couvre aussitôt sa main
de la mienne pour coincer les billets, il appelle ses
collègues à la rescousse, 4 de ceux-ci me saisissent
par les ailes, me soulèvent, et veulent m’écarter
des autres passagers pour pouvoir me soulager à l'écart.
Heureusement, je suis au milieu
d’un groupe de mama-Benz*dépassant largement le quintal
(appelées ainsi pour leur côté confortable, selon
les critères africains) partant acheter du tissu en
Hollande, elles bloquent le groupe de rapteurs et commencent
à les assaisonner à coups de sacs à main vociférant
« It’s his money », chaque mama pesant minimum le
double d’un gabelou, ceux-ci ne tardent pas à me
lâcher, nous repartons rapidement vers l’avion, moi,
les remerciant vigoureusement.
Discutant un jour avec un
type ayant vécu la situation, l’affaire se règle
ainsi : une fois le billet enregistré, si les douaniers
vous choppent avec de l’argent, ils vous retiennent
sous un prétexte quelconque : vérification des billets,
des feuilles de déclaration de devises (que personne ne remplit avec
la somme réelle qu’il possède de peur de se faire
dépouiller par les fonctionnaires), que sais-je…..,
le principal étant de vous retarder, au bout d’un
certain temps, l’avion part sans vous, vous avez perdu
votre billet, vos bagages qui sont dans la soute de
l'appareil qui est déjà loin, s'ils consentent à
vous relâcher, c'est seulement moyennant une large
ponction monétaire, il faut alors repasser douane et
police, revenir dans la zone internationale, changer
des nairas pour reprendre un autre billet, et ces chiens
gabe/leux jouent là dessus. De plus, vous n’avez
plus d’argent acheté au black et il faut changer
plein pot, c’est la galère intégrale !
En général, l’affaire
est vite bâclée, le voyageur reprend ce qu’on veut
bien lui laisser, et repart la queue entre les jambes.
Le Nigeria est le pays des braquages à tous les étages.
Au Bénin-Palace, un Africain
m’a raconté que, se trouvant dans un taxi-brousse
un peu tard le soir sur la route de Lagos-Cotonou, son
taxi s’était fait coincer à la mode nigériane.
Cela consiste, le soir tombant, (la nuit, au Nigeria,
en principe, personne ne se hasarde sur les routes)
à tendre en travers de la voie un câble d’acier
entre deux camions dont les freins ne sont pas trop
serrés, le taxi roulant trop vite pour apercevoir à
temps l’obstacle, se prend dedans, les camions absorbant
le choc jusqu’à l’arrêt total du véhicule. Aussitôt,
les bandits sautent sur les passagers, les tuent ou
les dépouillent intégralement, ne leur laissant que
leurs sous-vêtements quand ils en ont ; lui, s’étant
retrouvé dans ce cas et en slip, demanda à l’un
de ses détrousseurs de lui laisser 5000 francs C.F.A ( 15 €)
pour pouvoir rejoindre Cotonou, ce que l’autre, grand
seigneur, lui accorda.
_Sixième chapitre_
J’achète un break 404 bronze
métallisé nouveau modèle à des Hollandais qui habitent
une vieille maison dans un village proche de chez moi,
2000 francs après discussion, çà me va, nous allons
à la mairie du patelin faire certifier la vente, vu
la tête de la secrétaire, c'est une formalité qui
n'est pas souvent sollicitée!
Je charge trois fûts de 200
litres car l’essence se vend très bien à Gao, plus
des pièces Peugeot.
Un nouveau crayon à bille
magique est apparu sur le marché, il est prodigieux
en ce sens qu’il dispose d’une gomme qui efface
l’encre, je décide d’en faire bénéficier le carnet
de devises algériennes.
En Espagne, j’achète des
melons et des pastèques, au fur et à mesure de mes
consommations, j’en garde les pépins, car, ayant
repéré une petite zone d’herbe pelée avec des coloquintes rachitiques entre Bordj-Moktar
et la frontière Malienne, je projette d’y semer ces
graines, si ça marche, tant mieux, sinon, le coût
de l’opération n’aura pas été excessif !
Alméria-Mélilla, je case
4 bouteilles de Whisky dans les portières comme d’hab,
plus deux bouteilles d’anisette, j’en mets une devant,
une dans le coffre, on verra bien si çà passe !
Oujda, douane algérienne
sitôt passée, j’entreprends d’effacer les pièces
mécaniques que j’avais inscrites sur le carnet de
devises avant que l’encre ne sèche trop, consternation,
le papier, de très mauvaise qualité, s’arrache à
l’endroit où je passe la gomme, de plus, le document
teinté en jaune, devient beaucoup plus clair à l'endroit
où l'écriture à été effacée, je fais au mieux
en limitant les dégâts au maximum mais le résultat
est lamentable.
En cours de route, je vends
une bouteille de whisky et une bouteille de Ricard 300
dinars chacune, il me faut des ronds pour inaugurer
l'achat de pièces neuves Peugeot et Berliet que
je larguerai à Gao.
Je vends des pièces dans
un garage, en demande d’autres de rebut, je reconstitue
ainsi le stock écoulé que je couche dans le carnet
de devises.
Le joint de culasse doit avoir
un coup dans l’aile car j’ai de l’huile dans l’eau
du radiateur, j’achète un joint neuf.
Arrêt à Aïn-Sefra chez
le copain pour le remercier de son coup de piston à
la douane d'Adrar et lui narrer mes tribulations de
la traversée précédente ; arrive le soir, il m’invite
à manger avec ses amis dans l’arrière boutique,
la soirée est dédiée au football, c’est la demi-finale
de Coupe du Monde entre l’Allemagne et la France,
une bouteille de whisky est sacrifiée à cet événement,
elle ne suffit pas, une bouteille de Ricard prend le
relais ; je m’aperçois lors de ce match que les Algériens
sont de parti pris éhonté pour la France qui perd le match. Déchiré,
je dors sur une banquette du restaurant.
Le lendemain matin, un
raffut terrible provenant de la cour arrière du restau me réveille, je
vais voir, un mouflon balèze fait son exercice qui
consiste à prendre son élan et à courir à l'horizontale
sur trois murs.
Adrar, je vais rembourser
ma dette en whiskys et manger chez Ramdann, il vient
de poser le genou sur un scorpion en réparant un frigo, voyant
que je m’inquiète à la vue de la taille de l’engin,
il me dit de ne pas m’en faire, il a l’habitude,
"ça fait juste un peu plus mal qu’une piqûre de guêpe"
!
A quelques petites phrases
entendues çà et là, je me suis rendu compte que tous
les gens qui habitent aux portes du désert n'y vont
jamais et en ont une trouille bleue.
Je vais à la douane chercher
mes sous pour faire les pleins, retrouve l’abominable,
toujours aussi sec, un peu étonné de me revoir si
rapidement ; contre mon reçu, il me restitue scrupuleusement
les dinars confisqués.
Je passe saluer le Monsieur
qui m’avait aidé lors de l’embrouille du voyage
précédent, puis, vais patrouiller en ville afin de
trouver un garage où pouvoir changer le joint de culasse.
J’en trouve un sans problo,
déchargeant la voiture pour atteindre mes outils, je
vois le garagiste loucher sur les pièces détachées
; considérées comme mortes au nord, elles ne le sont
pas forcément au sud, moins bien achalandé.
Je lui dis de se servir, mais
qu’il me remette l’exact équivalent en pièces
nazes car j’ai rempli le carnet de devises avec des
pièces fichues récupérées lors des ventes, puis
mets illico les pattes dans le cambouis, je me presse,
car la douane ferme à 16 heures et je compte arriver
au dernier moment pour bousculer les formalités.
La réparation effectuée,
les pleins faits, je glisse ma carte grise dans le passeport,
ayant soigneusement sali mes mains sur le bas moteur
et prenant ma feuille de déclaration de devises, je
laisse des traces de doigts cambouissées à tous les
endroits où le papier est abîmé pour camoufler les
écorchures faites par la gomme.
A la douane, mon tyran m’y
attend, l’œil en tire-bouchon. Je présente mes papiers
et la feuille de devises, j’ai tartiné allègrement
la couverture en plastique de mon passeport de gadoue,
j’explique que, voulant partir le soir même, j’ai
fait aussi vite que j’ai possible.
_Voyant le carnage, le douanier
ne se sent plus de joie,
_Il ouvre un large bec et
gueule aux petits pois.
Traiter ainsi un sacro saint
carnet de devises est un procédé qu’il a du mal
à assimiler!
Frisant l’apoplexie, il
fulmine comme j’ai rarement vu quelqu’un le faire,
il me prend pour le dernier mécréant de la terre!
Après divers échanges de
points de vue, nous allons visiter la voiture.
Une pompe à essence manque
à l’appel, je lui baratine que je suis tombé en
panne de cet organe avant Adrar, et qu’après l’avoir
remplacée par une pièce de secours, je l’ai balancée
sur le bas-côté.
Avec un plaisir non dissimulé,
il me dit qu’une pompe à essence vaut une fortune,
et, que pour passer la douane, il me faudra la retrouver.
O.K, partant sans mes papiers, je prends la direction
du Nord, fais un grand détour pour revenir en douce
au garage dans lequel j’avais effectué ma réparation,
je demande au patron s’il n’a pas une pompe à essence
foutue, il me répond de fouiller dans le tas de ferraille,
je trouve l’objet précieux entre tous, le roule dans
le sable, et repointe à la douane.
Le douanier ne me fait pas
le coup du « il est trop tard », et continue son inspection,
je dois sortir tout ce que contient la voiture, après
pointage, il manque une culasse (très gros poisson),
comme dans un film, je revois le mécano la prendre,
le bougre ne l’a pas remplacée par une autre foutue
comme je lui ai demandé...!!!!
Le coup de sang me prend,
j’avais si bien calculé mon affaire, que me faire
poisser à cause de ce con de garagiste me fait sortir
de mes gonds, le douanier est surpris, un doute lui
venant, il m’en accorde le bénéfice et décide de
vérifier si je l’ai bien oubliée au garage (ce qui
est un peu vrai).
_« Vous allez chercher la
culasse au garage, accompagné d’un agent », je ne
biche pas trop !
Il appelle, mon douanier lubrique
sort, monte à côté de moi, je démarre, je lui tends
bas le poignet (j’ai toujours les mains crado) pour
le saluer sans que le teigneux voie le geste, il le
serre, c’est bon signe !
Me vient alors une idée méphistophélique,
je lui dis : «vous savez, je me suis fait prendre à
la frontière d’entrée d’Algérie avec vos « revues
», ils m’ont gardé trois jours! », il devient tout
pâle, « vous n’avez pas dit que c’était pour
moi ? » moi, grand seigneur : « mais non, ne craignez
rien ».
Arrivé chez le garagiste,
je pourris celui-ci d’importance en lui désignant
mon passager, il comprend le problo et me trouve une
culasse flinguée dans la seconde qui suit, le douanier
devenu sourd et aveugle, j’aurais pu maquiller ce
que je voulais.
Le reste n’est que formalités.
Reggane, les douaniers me
laissent partir seul, ça commence à devenir une habitude.
Avec l’essence (+ de 600
litres en futs, + des jerrycans et le plein), la voiture
est très chargée, l’arrière frotte souvent, mais
finalement, passés les premiers bancs de sable, je
pense que c'est jouable.
La nuit tombant, les ombres
rasantes faussent la notion que l'on peut avoir des
reliefs, je m’arrête pour becqueter jusqu'à ce que
la nuit soit bien noire.
Je repars, il faut être attentif
car la piste est faite de milliers de traces
qui se croisent
les unes les autres dans tous les sens, y compris par
le travers, pour ne pas me tromper, je dérive sciemment
légèrement sur la droite, puis sur la gauche quand
les traces se font plus rares, ainsi, en faisant ces
longs zigzags, je peux garder le cap.
Les phares de la 404 ne sont
pas très puissants, après quelques tâtonnements,
je pallie ce défaut : en jouant sur le commodo code-phare,
j'arrive à laisser la manette entre les deux, les codes
et pleins phares fonctionnent ensemble, je bénéficie
ainsi d'un somptueux éclairage, durant quelques minutes,
j'ai peur que les filaments ne crament, mais non, ça
tient ; j’évite au maximum les gerboises qui viennent
se jeter sous les roues, attirées par la lumière des
phares, j'abats ainsi un bon bout de désert, puis m'arrête
pour dormir, avant de couper le moteur, je le laisse
tourner un moment au ralentit accéléré pour recharger
la batterie ; voulant me lever un peu tard le matin
je me couche à droite de la voiture, ainsi le soleil
levant ne me réveillera pas.
Je me glisse dans mon sac
de couchage, mon blouson comme oreiller calé contre
la roue avant, j’écoute le silence uniquement troublé
par les craquements du moteur et de l’échappement
qui refroidissent. Le ciel est d'une pureté fabuleuse,
on dirait que l'on a fait plein de trous d'épingle
dans un papier noir et mis un projecteur derrière,
on voit même passer les satellites artificiels, quelle paix
!
J'ai pris la précaution de
m'écarter de la piste, car bien que l'horizon porte
à l'infini, je me méfie ; peu de temps auparavant,
il y a eu un carton terrible, deux camions maliens s'apercevant
au loin se prennent en ligne de mire pour pouvoir se
dire bonjour en passant, mais au moment de se croiser,
tournent du même côté, face à face à cinquante
ou soixante kilomètre-heure chacun, une dizaine de
personnes par véhicule, carnage! Le comble est que
les deux camions appartenaient au même transporteur.
Les camions sahariens sont
de véritables navires, avec mécanicien, graisseur, chauffeur, grouillots,
outillage complet, pièces de rechange, provisions de bouche, charbon de bois
pour la bouffe et le thé, marchandises diverses et passagers ; sur les côtés
sont pendues les plaques de désensablement, de grosses chambres à air pleines
d'eau pour le camion et les ablutions, des guerbas pour boire, quatre à six
fûts de deux cent litres de gas-oil, de la bouffe, bref, absolument tout ce
dont on peut avoir besoin dans ces coins déshérités.
Dès que le camion stoppe,
chacun descend et s'attelle à sa tâche, en général
le patron et le chauffeur font descendre les nattes
et se mettent à l'ombre sous le véhicule qui tourne
toujours au ralenti pour laisser gentiment retomber
la température du moteur, l’un sort un réchaud à
charbon de bois, et fait le thé, certains se mettent
à préparer le repas pour tous, les autres font leurs
ablutions avant la prière, çà s'active de tous côtés.
Le lendemain, je laisse chauffer
le moteur en cassant la croûte car je peux être obligé
de lui demander tout ce qu'il a dans le ventre vingt
mètres après avoir démarré.
Sur la piste, je rattrape
un convoi de plusieurs voitures descendant de France,
l’une est plantée jusqu’à l’os, je dépasse
le point mou et reviens à pied en arrière pour aider.
Une petite boulotte félliniesque
dans une robe rose avec des volants, s’abritant sous
une ombrelle, encourage les mecs qui s’échinent.
Une fois la caisse sortie,
on discute un peu, puis, je les largue, car je leur
sens d’autres ensablements à venir et que je
n’ai pas que ça à faire.
Anéfis, un Bedford bourré
de nigérians qui remontent vers Reggane est en rade
depuis une semaine ; dans le poste de police, un flic,
réprobateur, me montre l’un des passeports ; Nom
: Rasta ; Prénom : Rasta ; Adresse : Rasta, tout le
reste à l’avenant, il me dit qu’il ne peut rien
faire car le passeport a l’air authentique. Pour le
rasséréner, je lui dis qu’arrivé en Algérie, le
possesseur du document humoristique va regretter son
manque d’imagination.
J'arrive à Gao lors d'une
pénurie d’essence raisonnable, je vends les pièces
détachées, 450 litres d'essence à 500 francs maliens
(5 francs français, 0,77 €) le litre tout en gardant
le plein pour aller jusqu'à Tillabéri au Niger qui
est le prochain point sûr de ravitaillement, je ne
suis pas mécontent de l'opération, d'autant que je
n'ai pas profité de la conjoncture, car le litre d'essence
aux temps d'abondance, coûte aux alentours de 600 francs
maliens, 0,90€ et en cas de manque, au dessus
de 1000 francs maliens = 1,5€ ; par moments,
même à 2000 francs maliens = 3€, il est impossible
d'en trouver, de plus elle est souvent allongée de
kérosène, je suis soulagé du problème pécuniaire,
ce n'est pas souvent le cas !
Chez Yarga, parmi d’autres
touristes, il y a une petite anglaise super craquante
accompagnée de son copain français, quand elle
le cherche, elle demande avec un accent à couper au
couteau « t’as pas vu mon frog ? ».
Discutant de paludisme avec
un Français habitué aux descentes, je lui dis que
je ne prends plus de Nivaquine car cela me laisse la
tête lourde et des vertiges en permanence comme un
début de crise, il me dit avoir résolu le
problème : quand il sent venir la crise, deux
Quinimax, une bière de 75 centilitres (ou deux) et
l’affaire est réglée, je me promets d'appliquer
cette thérapie dès que possible...
Niamey, Parakou, je m’arrête
pour manger au restaurant de Bohicon, le patron me dit
qu’un ami à lui cherche une auto, mais qu’il «
a voyazé », si je peux attendre trois jours…
Arrivé à Cotonou je trouve
le parking du Bénin Palace bondé de Peugeot, ça va
être dur de larguer rapidement la caisse !
En cas d’abondance, il faut
savoir jongler, car si l'on attend trop, l’écart
entre une mauvaise vente rapide et d’une bonne vente
qui tarde est largement absorbé par le coût de la
chambre d'hôtel, sans compter que les intermédiaires
mangent à tous les râteliers et surveillent si l'on
prend encore des bières, si l'on va au petit restaurant
malien situé en face du Bénin Palace dix fois moins
cher que celui-ci, ils peuvent ainsi renseigner les
clients qui veulent vous prendre à la gorge que tel
ou tel n'a plus une tune, et qu'il est mûr pour vendre
à prix minimum.
Les Français que j’ai rencontrés
sur la piste passent au Bénin palace, on s’en jette
plein pour arroser les retrouvailles ; voulant rester
quelques temps, ils décident de louer une maison plutôt
que d’aller à l’hôtel.
Trois-quatre jours plus tard,
je n’ai toujours pas dérouillé, je décide de retourner
à Bohicon voir si le copain du restaurateur est revenu
de «voyazer».
L’un des types croisés
dans le Tanezrouft, (petit brun sec, moustache à la
Zapata) et retrouvés au Bénin-palace demande à m’accompagner.
Tout le long du voyage, il
fume l’herbe locale, je suis obligé de laisser les
fenêtres fermées car c’est la saison des pluies,
dès Ajohoun, nous sommes déchirés, on se marre comme
des bossus ; les crapauds sortent sur la route, j’essaie
de les éviter, mais, à force de faire des zigzags
sur la route mouillée, je manque me planter, je renonce
à faire des écarts importants, puis, l’herbe commençant
à nous taper furieusement sur la calbombe, on se met
à les écraser volontairement, souvent, ils collent
à la roue et viennent cogner dans les ailes avant,
c’est le délire !!
Bohicon, le restaurateur ne
me rebranche pas, je lui demande si son client est revenu,
réponse négative, merde !!
Nous n’avons aucune envie
de moisir dans le secteur, si nous allons à Abomey
voir Johnny, il faudra y passer la nuit, ça ne nous
tente guère, aussi, après une tripotée de "bonnes béninoise" selon l'expression
consacrée au Bénin, nous repartons.
Nous faisons un bout de route
de jour, les crapauds sont partis, il pleut toujours,
la nuit descend, sortent alors les crabes de cocotiers,
cette fois-ci, ce sont eux qui dégustent !!
Je ramène le copain à la
maison qu’ils ont louée près de la place de l’Étoile
Rouge, on se donne rencart pour prendre le petit déjeuner.
Le lendemain matin, patacaisse,
quelqu’un les a dénoncés comme espions ou mercenaires,
descente de police ; des types en civil aux mines patibulaires,
lunettes miroir, fouillent partout, je demande aux copains
ce que je peux faire pour les aider, « rien
», je ripe presto...
Avec deux habitués du Bénin-palace,
nous allons sur une plage jouxtant la capitale, un adolescent
tente de me racketter contre l’assurance que personne
ne touchera la voiture, je lui réponds que si elle
est intacte à mon retour, je lui donnerai 200 francs
CFA, puis nous allons nous baigner ; il y a cinq ou
six épaves de gros cargos rouillés pas loin au large.
Je décide d'aller tenter
de vendre mon os à Porto-Novo, auparavant, je fais
un rinçage du radiateur à la lessive africaine car
de l’huile vient toujours se mélanger à l’eau,
apparemment, le joint de culasse n’était pas déficient,
ce doit être la culasse qui est légèrement
fendue.
Porto-Novo, je m’arrête
dans un petit restaurant pour prendre un café, comme
prévu, le patron me branche, je lui dis que si je trouve
un acheteur correct je suis vendeur, il envoie un gamin
prévenir un type qui se pointe quelques temps plus
tard, je lui fais faire un tour, chemin faisant, le
pékin se présente comme chef douanier, à tous les
coups, il va essayer de trouver un moyen de me faire
une embrouille pour avoir la voiture moins cher que
le prix (gonflé) annoncé, çà ne loupe pas, le tour
terminé, il me demande si le numéro du moteur correspond
à celui du châssis, je lui réponds que le moteur
a très bien pu être changé, nous regardons et je
vois avec soulagement qu’il est d’origine et que
les numéros moteur-châssis sont les mêmes. Je suis
bien content de refourguer à cette emplâtré une voiture
avec la culasse flinguée, si le moteur n’avait pas
eu les mêmes numéros que ceux de la plaque du châssis,
il m’aurait emmerdé en faisant usage de sa fonction
pour que je lui fasse pratiquement cadeau de mon carrosse,
trois quarts d’heure après, je retourne à Cotonou
en taxi-brousse, lesté de 550.000 C.F.A (1692
€).
Je passe deux jours à attendre
le visa pour embarquer du Nigeria ; au Bénin-palace,
des françouses se plaignent : ils ont visité les maisons
sur pilotis des pêcheurs du lac de Ganvié et les femmes leur ont balancé
des poissons pourris ; en aparté, je me dis que c’est
tout ce qu’ils ne méritent, car aller regarder sous
le nez des gens pendant qu’ils bossent ou vivent est
d’une incorrection hors du commun !!!
Aéroport de Lagos, douane-police,
au dernier barrage avant d'entrer dans l’avion, fouille,
j'ai planqué mon oseille dans mes Clark en daim souple,
un douanier me fouille, descend, arrive aux chaussures,
les presse légèrement, les billets craquent, le type, comme lors de ma première descente,
me regarde avec des yeux bizarrement flous, comme à
travers moi, refait craquer les billets, tout en continuant
de me reluquer de cette curieuse façon, je ne bronche
pas, il se relève et me dit doucement d'y aller avec
un petit signe de la main...
_Septième chapitre_
Lalinde, le pharmacien se
fait tirer l’oreille pour me vendre du Quinimax je
suis obligé d’expliquer que j’en besoin lors de
mes voyages africains, mon passeport avec ses multiples
tampons fait le reste.
J’achète une 504 berline
bleue, le vendeur, pensant que le pont arrière, qui fait du bruit,
est mort, la vend 6000 F.F (923 €), je tente le coup,
au pire, si cette pièce est vraiment défectueuse,
on la trouve facilement d’occase.
Finalement, seuls les silentblocs
sont cassés, après les avoir changés, tout rentre
dans l’ordre, on ne peut pas dire que la réparation
m’ait donné beaucoup de mal!
Je déplace le siège arrière
pour y loger un fut de 200 litres, le gros bouchon de
transvasement d’essence récupéré lors du voyage
précédent est prêt à reprendre du service.
Sur la route, c’est un régal,
11cv, de super reprises, sans
consommer plus qu’une 404 ; ayant des ratés en cours
de route, je dois gratter les vis platinées avec un
petit caillou plat, elles ne m’embêteront plus ;
j’arrive à Alméria sans m’en rendre compte.
L’embarquement se fait le
soir, il y a toujours les arabes guettant les retardataires
pour vendre les pesetas beaucoup plus chères que le
cours normal, car les banques sont fermées.
Douane algérienne, un couple
de jeunes italiens est déjà à la fouille des bagages,
le douanier en dévissant le cul d’une bouteille thermos
trouve des francs français planqués, quand je repars
des bureaux, ils y sont encore ; je ne pense pas que
cette histoire ira bien loin, mais les fonctionnaires
vont les emmerder un bon moment.
Je distribue des revues glanées
sur les poubelles de France, je fais plaisir avec tout
au long de la route, j’en garde quelques-unes pour
la douane béninoise.
Arrêt habituel à Aïn-Sefra.
Adrar, un algérien me demande
de le prendre en stop pour traverser le Tanezrouft,
il est habillé en tenue de ville, petites chaussures
de cuir, petit sac contenant quelques affaires, je lui
réponds que le stop n’existe pas, que je lui prends
250 ff (38 €), il prétend ne pas avoir cet argent,
nous transigeons à 300 dinars que je planque pour la
prochaine fois dans le caoutchouc du pare-brise.
Passage à la douane, les
fonctionnaires l’entraînent dans une pièce close
pour une fouille poussée (ce qui ne m’est jamais
arrivé), il sort peu de temps après, visiblement
contrarié.
Nous partons, il me raconte
que les douaniers ont trouvé 500 francs français dans
son portefeuille, je lui reproche de m’avoir bourré
le mou à propos des ses disponibilités à me payer
en francs français, pas gêné, il continue de râler
: les douaniers ont fouillé son portefeuille, ils n’avaient
pas le droit, c’est une honte, et gnagnagna, et gnagnagna...
En boule, je lui explique
:
_1° Qu’il avait des francs
français non déclarés sur lui, donc trafic.
_2° Que les douaniers lui
ont laissé ses sous et qu’ils ont été gentils.
_ 3° Qu’il s’en tire
bien, car ils auraient pu l'embastiller pour lui faire
les pieds.
Reggane, les douaniers ne
me parlent plus d'attendre un convoi pour traverser le Tanezrouft.
Aussitôt le réservoir de
la voiture vide, je branche le fût de 200 litres.
Comme d’hab, je roule une
bonne partie de la nuit, mon passager râle car je freine
et fais des écarts pour éviter les petites gerboises, il me dit « pourquoi tu
freines, ce n’est rien »; ça commence à faire beaucoup,
sur une suggestion de ma part, il finit par la fermer.
Dans le sable, la voiture
est un vrai tapis volant, la largeur des pneus et la
puissance font que je ne m’ensable qu’une fois ;
comme je n’ai pas de pelle ni de plaques pour désensabler,
je prends les tapis de sol de l’auto pour nous en
sortir.
Sur les passages de tôle
ondulée, les 11 chevaux alimentés par le carburateur
Weber double corps me permettent d’atteindre
rapidement la vitesse qui me maintient sur le haut des
ondes, ainsi la voiture n’est pas trop secouée.
Le commodo de phares ne peut
se mettre en double alimentation codes-phares, ça me
manque.
Après Borj-Moktar, j’emmanche
par erreur la piste de Timiaouine, je m'en aperçois
rapidement à la faible largeur de la piste, à mon
avis, il doit y avoir pas mal de types qui prennent
cet axe pour faire du trafic, car les traces sont nombreuses
alors qu’on ne peut pas dire que Timiaouine soit une
station balnéaire !
Faisant demi-tour, je me remets
dans la bonne direction.
50 bornes après, la
piste tourne à 90° vers la droite, je vois un objet
au loin, me dirige dessus, ce sont quatre demis cylindres
en acier d’à peu près quatre vingt dix centimètres
de large sur un mètre vingt de haut, avec des plaques
soudées en travers des extérieurs ; cela semble être
un système qui une fois deux parties réunies autour
des roues motrices des camions, leur donnait un profil
de roues à aubes ; pour passer les bancs de sable,
ce devait être redoutable, mais mortel pour les boîtes à vitesses et
ponts arrière !
Anéfis, un convoi est aux
formalités, les choses tardent car l’un des chauffeurs,
s’étant engueulé avec sa passagère (celle-ci a
payé son voyage 2000 balles (300 €) après avoir
répondu à une petite annonce d’un canard français
réputé pour ce genre de contacts), l’a larguée
en plein désert ; heureusement un autre de l’expédition,
à la suite, l’a aperçue et récupérée.
Le chef de poste, un colosse
en uniforme impeccable est en train de sermonner le
coupable en un Français suranné d’une grande pureté
; avec un calme impressionnant, il développe la faute inexcusable
commise ; explique que si le suiveur n’avait pas été
dans les traces de la voiture précédente, il
aurait pu manquer l'abandonnée, avec les conséquences
presque à coup sûr mortelles que cela implique dans
ces régions désertiques.
Contournant le groupe, je
vais faire tamponner mon passeport par un adjoint et
trisse.
Une centaine de bornes avant
Gao, je rétrograde dans une plaque de fech-fech, ce
sable pourri entre dans l’embrayage qui se met à
patiner ferme, je me dis que ça va passer, petit à
petit, effectivement, à force de tourner à vide, l’embrayage
élimine le sable qui s’était vitrifié en frottant
sur le disque.
Gao, je passe au commissariat,
Mamby me dit qu’il a déjà assez de fiches me concernant
dans ses placards, je dois juste laisser mon passeport
pour le tampon, je largue définitivement le connard
qui lui, doit remplir sa feuille d’entrée et
file chez Yarga.
Ce dernier a déménagé,
Boubakar me guide, il n’y a pas un chat, je casse
la croûte et, le soir tombant, je loue un bout de terrasse
pour dormir, je n’ai pas commencé à fermer le quart
de la moitié du dixième d’un tiers d’œil, que
des escadrilles de moustiques m’attaquent, j’ai
l’impression que ma tronche s’appelle Pearl Harbour
!
Fatigué, malgré la chaleur,
je me mets dans le sac de couchage pour limiter les
dégâts, et m’endors.
Le soleil, les coqs et les
aboiements de clébards me réveillent, je suis piqué
de partout, mais curieusement, c’est surtout mon bras
droit qui a morflé, celui-ci devient très enflé et
dur sous les grattements que j’essaie pourtant de
réfréner.
Je comprends pourquoi il n’y
avait personne dans ce piège!
Comme par hasard, le tenancier
n’est pas là, l’enfoiré doit dormir en ville.
Je dis à sa femme ce que
je pense de l’auberge et file acheter une moustiquaire.
Cet article n’existe pas
tout fait, mon guide préféré me mène au marché
couvert où un couturier officie sur une Singer à pédale
dont le modèle, frisant la perfection n’a pratiquement
pas changé durant un siècle.
Je lui demande s’il est
capable de me faire une moustiquaire, « bien sûr
», nous discutons du coût de la réalisation d’un
modèle assez large, puis, nous allons acheter sur le
marché les éléments nécessaires
à l’élaboration de l’objet.
Je reviens deux heures plus
tard, ce couturier est le Cardin de la moustiquaire,
je lui règle son dû, avec un supplément pour montrer
ma satisfaction, je plie mon armure anti-moustiques,
vais boire une bibine, puis décarre sur Niamey.
Dans la campagne, les ânes
sont entravés avec des liens qui relient les deux pattes
avant avec un écart d’une trentaine de centimètres
pour limiter leurs escapades, une variante consiste
à leur passer un large collier fait d’une corde tenant
un bois horizontal venant cogner les pattes avant lors
des déplacements. Pour se reposer, ils se mettent, debout, l’un en face de l’autre et posent
chacun leurs têtes sur le cou de son vis-à-vis, j’ai
observé que cette combine asinienne est également pratiquée par les zèbres.
Niamey, attroupement de curieux
à l’entrée de la ville, je ralentis pour voir la
cause de l’émoi, les flics sont en train d’installer
un radar, on aura tout vu...!!!!
Moins rigolo, le « grand
marché » a entièrement brûlé, il y a eu beaucoup
de morts, car les commerçants, pour protéger leurs
boutiques de bois armées de tôles de bidons y enferment
les gardiens à clé la nuit et les pauvres types n’ont,
pour la plupart, pas pu sortir.
Je m'installe au « camping
», un français vient me voir, il a des ennuis avec
le moteur de sa 404, il a tout essayé pour la régler,
sans résultat, je jette un œil sans rien voir d’extraordinaire,
après avoir réfléchi, je lui demande s’il a acheté
de l’essence
de contrebande provenant du Nigeria
comme on en voit sur le bord des routes, sur sa réponse
positive, je lui dis de vidanger son réservoir,
car les marchands successifs, pour augmenter le bénef
ajoutent chacun du kérosène moins cher que l’essence.
Peu de temps après, il revient le sourire jusqu’aux
oreilles.
Le lendemain, le pauvre type
se retrouve sans son portefeuille contenant tous ses
papiers et argent ; tu parles, il n’y a qu’à voir
la tronche du gardien, quand il vient se faire payer,
il a les yeux montés sur cardan pour pister où est
remisé le pognon et quand les gens dorment sous la
tente, la nuit, lui ou des comparses, sachant exactement
où se trouve le magot, coupent silencieusement le tissu
de l’abri pour s’en emparer.
Comme d’habitude, inutile
de compter sur l’ambassade ou le consulat, quand vous
êtes dans la mouise, vous n’avez aucune aide à en
attendre, que ce soit pour des papiers provisoires,
argent, coup de fil en France ou autre service, Wouallllou
!!!!!
Le bruit court qu’un français
ayant voulu récemment dormir en brousse aux alentours
de Niamey s’est pris plusieurs coups de machettes
et a été complètement dépouillé ; allez donc savoir
si ce sont des ragots ou pas ! Il faut dire que des
nigérians passent souvent la frontière pour couper
quelques têtes et organes génitaux masculins à fin
de faire des sacrifices ou grigris, (en principe, les
Européens ne sont pas concernés par ces prélèvements,
la magie africaine ne fonctionnant pas avec cette engeance
incrédule) et se font des suppléments en braquant
les voitures isolées...
Vente rapide de la voiture
à Porto-Novo 650.000 CFA nets (2000 €), retour à
Cotonou où je vais prendre un visa pour le Nigeria.
A l’aéroport, je demande
un Lagos-Bergerac, évidemment ça n'existe pas, mais
j’arrive à sortir un Lagos-Paris/Paris-Bordeaux
ce qui me
permet d'aller voir mes parents en banlieue parisienne,
et, avec l’équivalent des 100 ff = 15€ que
j'ai mis de mieux dans le billet, faire plus tard Paris-Bordeaux
dans un petit avion, ce qui me semble très abordable.
_Huitième chapitre_
Je vais faire les vendanges
près de Bergerac, les viticulteurs chez qui je travaille
sont adorables, ce doit être de génération en génération,
car les ancêtres ont pensé aux transpireurs en plantant
régulièrement un pied de muscat, afin
qu’ils y fassent une petite halte et s’en désaltèrent.
La récolte finie, les patrons
enjolivent la paie de 6 bouteilles de vin blanc et 6
de rouge d’années précédentes ces dernières ne
font pas long feu, me restent cinq bouteilles de blancs,
je décide de les emporter à ma prochaine traversée,
car, en ayant goûté une, elle se révèle un excellent
anti-roupillon.
Recherche d’un appareil
à transporter l’homme, je trouve une 404 break bronze
métallisé exactement comme celle achetée aux Hollandais,
à part qu’elle a été cartonnée, tout l’avant
est très enfoncé, les deux longerons avant sont tordus,
55.000 kilomètres d’origine ; hormis le carton, elle
est comme neuve.
J’en parle au copain
garagiste et carrossier chez qui je bricolais mes charrettes,
après avoir vu les dommages, il me dit qu’il y a
beaucoup de boulot, mais que c’est du classique :
Il faut démonter toute la mécanique, couper tout l’avant
au marteau et au burin, longerons compris, faire la
même chose sur une autre non accidentée, présenter
la nouvelle pièce et souder l’ensemble sur un marbre
(forme qui permettra à la voiture de ne pas sortir
en vrille), remonter, repeindre. J’achète la bête
600 francs.
Découper des voitures à
la hache, destination la ferraille, afin qu’elles
prennent moins de place, j’avais déjà pratiqué,
c’est beaucoup plus facile qu’il n’y paraît.
Un copain artiste peintre,
costaud, m’aide à couper l’avant d’une 404 repérée
à la décharge, cela nous prend, nous relayant, trois
heures un après-midi. Puis je découpe proprement au
burin tout l’avant de mon acquisition juste sous le
pare-brise, longerons compris.
Après avoir ajusté les deux
parties sur le marbre, le copain carrossier soude
le tout au chalumeau, puis, je remonte la mécanique.
Son frère, grand spécialiste en peinture automobile
transforme ma citrouille en carrosse (d’où le nom
de carrossier, je suppose).
Frontière algérienne, un
gros 4 x 4 militaire kaki me précède, récemment repeint,
avec des pèpelles attachées précieusement sur les
flancs par des petites courroies toutes neuves, des
plaques de désensablement en aluminium rutilantes,
des jerricans, et tout, et tout, et tout… tout bien
propre, on voit le type qui s'est toujours rêvé le
voyage et a préparé pendant longtemps son matos ;
c’est un couple d’allemands accompagné de leurs
mômes, le mec est très énervé, apparemment, il craque
déjà, j’augure mal de la suite de leur expédition…
Tlemcen ; je m’apprête
à entrer dans un restaurant quand un type en sort,
du sang partout, soutenu par ses copains, une serviette
éponge pour contenir l’hémorragie, il vient de prendre
un coup de rasoir dans la tronche ; je vais manger un
peu plus loin.....
Maintenant, pour les pièces,
je ne me casse plus la tête, je les vends dans les
garages où j’ai déjà sévi. La plupart des garagistes
connaissent la contrainte du carnet de devises et savent
qu’il faut que je ressorte les mêmes pièces (fichues
ou pas) que celles inscrites, je demande donc de faire
un échange standard avec leurs matériels défectueux,
ça passe très bien.
Aïn-Sefra, repas chez l’ami,
nous sifflons une bouteille de blanc.
Adrar, je vais au dispensaire
me faire vacciner gratos contre le choléra ; pour remercier
les infirmiers de leur obligeance, je fais comme le
maréchal, j’offre mon dernier demi-litre de Ricard,
tout heureux, ils me donnent deux boîtes de 500 comprimés,
l’une d’aspirine, l’autre de quinine, je les prends
pour ne pas les vexer sans savoir ce que je vais en
faire!!
Puis je passe chez Ramdann,
il a une curieuse façon de faire le café : Il met
la dose dans une grande cafetière type cow-boy, de
l’eau, fait bouillir, quand le café monte, il le
stoppe avec un verre d’eau froide, c’est prêt.
Lors de la descente précédente,
j’ai discuté au Bénin Palace avec des français
qui ont eu des emmerdes à propos du change officiel
de dinars, les douaniers ont calculé le montant de
l’essence du voyage jusqu’à Adrar, plus celle contenue
dans les bidons, le trafic est patent, amende en francs
français….. ça sent l’affreux Jojo qui m’avait
coincé !!! Il est virulent l’animal, me souvenant
qu’il y a un poste d’essence à Reggane, je tente
le coup de planquer des dinars roulés dans le caoutchouc
du pare-brise et d’y charger mon essence, c’est
un peu kamikaze, car souvent, cette station n’est
pas approvisionnée et il faut revenir de nuit à Adrar
en faisant un très grand détour dans le sable pour
éviter de se faire chopper par les douaniers qui
ont une vue imprenable sur la platitude du sud puis en
repartir de même.
Je passe la douane en souplesse
malgré l’habituel fâcheux.
Reggane, heureusement, la
dernière station avant Gao est ravitaillée, je razlagueule
mon fût de 200 litres et me pointe au poste de Reggane
qui a pour seule fonction de contrôler les passavants
et former des convois (pour les autres).
Passant de nuit devant Bidon5, je vois des lumières, ce
sont des Allemands qui arrosent Noël ; traversant des
pays musulmans, je n’avais pas fait attention à la
date.
Partageant ce que l’on a
à manger et à boire, (nous finissons à l’occasion
les bouteilles de blanc), on fait la bamboula, enroulés
dans nos sacs de couchage à cause du froid.
Aguelhok, je vais voir un
religieux musulman que j’avais connu lors d’une
précédente descente et lui refile la moitié des médicaments
reçus des infirmiers algériens après lui avoir expliqué
leur utilisation, je distribuerai le reste à Gao.
Gao, comme d’hab, je passe
dire bonjour à Mamby afin qu’il m’inscrive
dans le livre des entrées, maintenant, les formalités
sont, pour moi, réduites à l’inscription dans ce
registre, un agent me met le coup de tampon d’arrivée
en ville sur le passeport et c’est plié.
Chez Yarga, pas mal de monde,
et chose pas très courante, il y a des voyageurs blacks,
ce sont des guinéens, ils me branchent, me disant que
les gens de l’ambassade de Guinée à Bamako cherchent
une voiture comme la mienne ; généralement, ce genre
d’information pue, car, comme par hasard ils y vont,
et que je pourrais au passage, les y amener gratos.
Quelques jours passent, je
me décide à tenter le coup.
Un guide de chasse doit se
rendre sur Mopti, nous partirons ensemble, deux Lyonnais
en 504 nous suivent. Le lendemain matin, avec les véhicules
indigènes, il y a une demi-douzaine de voitures qui
attendent le bac pour traverser le Niger (fleuve),
nous nous inquiétons, car l’embarcation est limitée
en places de véhicules et si l’un de nous reste sur
le carreau, les autres devront attendre au moins trois
heures sur l’autre rive, sous la cagnasse, l'hypothétique
prochain passage du bac, (c’est pas drôle), ou partir
sans lui, (c’est pas gentil !).
Le bac arrive, les voitures
venant d’en face en descendent, elles sont à peine
sorties, qu’un flic dans sa 404 plateau perso passe
en trombe par la gauche et monte le premier sur la barge.
Nous avons les boules, mais finalement, tout le monde
arrive à se caser.
Sitôt avoir gagné la berge
opposée, l’odieux part comme une fusée.
Prenant notre temps, nous
roulons peinards, de grosses sauterelles suivent les
voitures en volant à leur hauteur sur une centaine
de mètres, cent trente kilomètres plus loin, l’agent
et sa jeune femme ont la tête sous le capot, à notre
approche, ils nous font signe d’arrêter.
Ce connard n’a pas regardé
le niveau d’eau avant de partir ou crevé le radiateur,
ça fume de tous les côtés. Le guide de brousse (apparemment
un branleur fini) ouvre prudemment le bouchon du radiateur,
et, me faisant un clin d’œil, y verse de l’eau,
la culasse émet des craquements épouvantables, sérieux
comme un pape, il dit au flic «essaie de démarrer»,
celui-ci s’exécute, il n’y a plus de compression
et de l’eau sort par le pot d’échappement, je trouve
le coup salaud car il lui a sciemment niqué la culasse,
mais l’autre abruti l’a bien mérité.
Moins vache, je lui conseille
de garder sa voiture, car sinon, 2 heures après son départ,
il n’en restera rien.
Pendant ce temps-là, le guide
discute avec la nana, celle-ci, devant se rendre à
Bamako, monte avec lui, nous repartons.
Nous longeons les hautes falaises
de Bandiagara, pays des Dogons.
La nuit, nous cassons la croûte,
puis dodo, le chevalier servant de la femme du flic
la fait gueuler toute la nuit, nous rigolons comme des
bossus.
Le lendemain, il y a de nombreux
ensablements, l’un des Lyonnais nous fait une grosse
dépression, (j’ai, à ce propos, remarqué que beaucoup
de gens, en s’enfonçant au sud en terrain inconnu,
angoissent et se laissent aller à une déprime incompatible
avec l’allant nécessaire à la traversée d’espaces
désertiques) je le retrouve vautré dans un banc de
sable qu’il aurait dû passer tranquillement avec
sa 504, quand j’ouvre sa portière, il est à moitié
en train de chialer en disant qu’il n’a plus la
force d’appuyer sur l’embrayage, en attendant, tout
le monde doit s’y mettre pour sortir le foireux. Une
fois que nous avons sorti son trognon, je le choppe
et lui dis que la prochaine fois, il se démerdera tout
seul.
Arrivée de nuit à Mopti,
au barrage, un militaire voulant fouiller les voitures
demande si j’ai une lampe électrique, ouvrant le
haillon arrière, je lui réponds que non, il me dit
« ce n’est pas grave, je vais vous torcher », cette
bonne chose faite, nous allons dîner dans un restaurant
un peu classe car c’est le seul endroit ayant de la
bière fraîche.
Il y a déjà 5 ou 6 Belges
et un couple de Français : Dominique et Lien, tous
deux ont bien vendu leurs voitures et continuent vers
la capitale.
Après quelques verres, tout
le monde est de bonne humeur, les Belges vont aussi
à Bamako pour vendre leurs oignons.
Le lendemain matin, nous partons
tous ensemble, pendant le voyage, les blacks que je
trimbalais à l’œil depuis Gao cassent le coup de
l’ambassade de Guinée aux belges, je suis fumasse
!!!
Bamako, je largue mes passagers,
les Belges vont dans un hôtel-restaurant climatisé
pour Européens, les Lyonnais et moi optons pour un
bouiboui local appelé « Au paysan », nous y trouvons
trois Français.
Je laisse passer quelques
jours en cherchant mollement des clients, ceux-ci trouvent
mon véhicule magnifique, mais n’ont aucune intention
de payer les 20.000 ff que je demande en prix d’attaque.
La nuit, les mômes font leurs
devoirs scolaires dans la rue, à la lumière des réverbères.
J’apprends que les belges
sont allés à l’ambassade de Guinée afin de fourguer
l’une de leurs 504, pour me griller, ils ont dit que
j’avais déjà vendu mon os ; je me marre, car cette
voiture, ainsi que d'autres, achetées par des Libanais,
ont, en très grande partie, été payées par chèques.
Je décide d’aller tout
de même à l’ambassade voir de quoi il retourne.
Les fonctionnaires, en voyant ma voiture font les pieds
au mur, l’information était bonne, c’est ce modèle
qu’ils cherchaient, malgré l’acquisition de la
504 belge 900.000 f. maliens, ils sont d’accord pour
prendre la mienne à 1.600.000 f. maliens (2450
€). Ils n’ont, soi-disant, plus de liquidité, ne
leur restent que des chèques, je réponds que je suis
désolé, je ne prends que du sonnant et trébuchant,
ils me disent d’attendre et envoient un mec chercher
du liquide, une heure plus tard, ils me paient.
Retour triomphal « au paysan
», tournée générale, le patron, très sympa, nous
fait toujours de la bonne bouffe, souvent de la viande
de brousse, phacochère, agouti, bisse*.
Allant faire un tour au marché
de Bamako, je vois un fusil de brousse neuf, crosse
en bois faite à la main, le canon a été réalisé
dans une barre de direction de 2 CV, le vendeur est
le forgeron concepteur de l’objet ; l'homme fait
une tête de plus que moi, une carcasse de colosse,
super gentil, il demande 30.000 francs maliens (46 €)
de l’outil à se procurer de la chair chair fraîche, comme je n’ai
pas le cœur à marchander, il m’accorde une boîte de Nescafé remplie de poudre noire façon-façon
ainsi qu’une boîte d’allumettes contenant quelques amorces.
Je lui demande quelle quantité
de poudre il faut pour une charge ; sortant la
baguette située sous le canon, il me montre qu’une
fois celle-ci dans le tube, elle arrive exactement à
ras de la bouche, puis il lève la baguette de la hauteur
de trois de ses doigts (4 des miens) et me dit que c’est
la dose idéale, je le paie avec les grands billets
maliens ; j’achète plus loin une grosse kora*.
Quand j’ai vendu une voiture,
je ne m’attarde jamais longtemps dans le secteur.
J’en parle aux autres ;
l’un n’a pas vendu sa 404 plateau, mais n’est
pas trop décidé à la céder car, l’ayant achetée
neuve en France afin de carder les matelas dans les
villages de l’Ariège, il n’en aurait jamais tiré
la moitié de sa mise de fond, les autres, ayant déjà
fait affaire, les décider à remonter ensemble ne fut
pas un tour de force.
Ils sont trois, plus Lien
et Dominique, un Ivoirien recruté par ce dernier pour
préparer des voitures en France et moi, sept, pour
une 404 plateau, bagatelle !!!
En fin d’après midi, nous
réglons et remercions notre hôte de l’excellent
séjour que nous avons passé chez lui. Devant nous
appuyer 3000 kilomètres de piste,
puis de désert,
Dominique suggère que nous dormions une nuit dans un
hôtel grand standing, chambres climatisées, dans lequel
ils ont passé quelques jours en arrivant à Bamako;
quand il nous annonce le prix exorbitant de la
chambre, les autres et moi ne sommes pas partants.
Dominique a alors une
idée démoniaque que nous mettons en pratique : lui
et sa femme, louent une chambre, une fois qu’ils ont
la clé, Lien redescend nous donner le numéro de la
piaule et de l’étage, deux par deux, à intervalles
réguliers, tout le monde se retrouve dans la chambre,
il y a une grande baignoire et une douche dont nous
abusons à tour de rôle.
Quelque temps plus tard, descendant
par petits groupes, tout propres, tout roses, nous nous
retrouvons au restaurant et mangeons comme des gorets.
Remontés, nous faisons notre
blanchissage dans la baignoire. Les lessives africaines,
sont d’une efficacité redoutable, pas besoin de frotter,
il faut laisser tremper le linge dix minutes maximum,
rincer abondamment, les couleurs ont déjà bien morflé
au passage.
Le sol recouvert d’une chouette
moquette, nous dormons par terre dans nos sacs de couchage,
laissant le lit au couple.
Le lendemain matin, petit
déjeuner dantesque, jus d’oranges, café, croissants,
chocolat à volonté, prix forfaitaire, nous nous en
mettons jusque là !
Puis nous remontons, reprenons
une dernière douche vite fait, divisons le prix de
la nuitée, versons chacun notre écot, descendons avec
nos bagages, quelques instants après, Dominique et
Lien règlent la nuitée.
L’arrière de la voiture
est fait d’une caisse tôlée fabriquée par l’artisan
pour protéger son matériel, nous y pratiquons une
meurtrière de chaque côté, puis fouette cocher....!!!!!
Après San, sur le bas-côté
de la route, nous voyons de gros volatiles pas farouches
(sûrement des outardes), je me dis que c’est le moment
d’essayer le fusil !
Voulant tester la solidité
de l’outil avant de l’utiliser, nous nous écartons
de 200 mètres en brousse ; je sors l’arquebuse, la
charge, tasse la poudre avec du papier, quelques cailloux
arrondis font la charge, je coince et attache l'arquebuse
dans la fourche d’un arbre, puis, après avoir noué une ficelle
à la gâchette de façon à m’éloigner lors de la
mise à feu, je tire d'un coup sec, raffut d’enfer,
nuage de fumée d’un autre monde, l’artillerie,
bien qu’amarrée est tombée, mais le canon n’a
pas explosé !
Je recharge, demande aux copains
de me faire des plombs avec ce qui leur tombe sous la
main ; à l’aide d’une paire de tenailles, ils me
coupent en petits morceaux des bouts de cuivre et de
plomb qui traînaient dans la voiture, je bourre le
tout avec des mouchoirs en papier, nous reprenons la
route.
Je pointe par la meurtrière
de la voiture, voyant un groupe d’oiseaux, le conducteur
ralentit, je tire, un recul monstrueux me ravage l’épôle
nord ; nous allons au résultat, persuadés d’en trouver
trois ou quatre sur le carreau, peau de balle et balais
de crin, pas un seul au tapis, nous refaisons un essai
plus loin, sans plus de chance.
Mopti, nous buvons une bière
au bar
Bozo sur les
bords du Niger, j’achète deux petits pistolets entièrement
faits à l'huile de coude, l'un
à crosse de bronze,
l'autre
à crosse de bois,
l’ignition de la poudre se fait comme au 17 et 18
ème siècles avec un morceau de silex pris dans une
petite pince qui, en se rabattant produit une étincelle
; des gosses viennent bavarder et faire une manche discrète,
ils nous montrent des poissons qui, en se gonflant,
triplent ou quadruple de volume comme les poissons-lune.
Cent bornes après Mopti,
nous attaquons la piste, les copains m’ont préparé
un paquet de munitions, je charge le tromblon des plus
gros projectiles à notre disposition.
Plus tard, nous apercevons
une mère phacochère et son petit ; obliquant, nous
partons à leur poursuite à travers la brousse, malheureusement,
nous les perdons de vue ; deux montent sur le toit pour
les repérer, ce qui ne tarde pas, la poursuite reprend,
malgré les arbustes rabougris, nous les rattrapons
rapidement, guidés par nos vigies qui râlent car elles
prennent des branches d’épineux dans la tronche (dans le feu de la bataille, cela
ne nous émeut pas plus que çà) ;
arrivé à la hauteur du petit, je lui envoie une décharge
pratiquement à bout portant, ce qui n’a pas l’air
de le déranger outre mesure, au bout d’un moment,
ils se séparent, nous nous acharnons sur le marcassin, qui, épuisé, finit
par s’arrêter au pied d’un arbuste, les autres,
restant dans la voiture, me disent d’aller l’achever,
je descends, pas trop fiérot, car si la mère revient,
elle me fait la peau, je donne un coup de crosse sans
conviction au bestiau, s’il ne tenait qu’à moi,
on se barrerait, l’excitation de la chasse passée,
j’ai plus envie de lui foutre la paix, qu’autre
chose !
Les trois copains, habitués
à la vie à la campagne, n’ayant pas ma sensiblerie
de citadin décadent sautent de la voiture, empoignent
le petit et lui font la peau au Laguiole en deux temps
trois mouvements, puis ils le pendent par les pattes
arrières, le dépouillent et le vident vite fait pendant
que nous guettons le retour éventuel de la mère. Quand
nous repartons, je suis un peu barbouillé...
Le soir, nous nous arrêtons,
allons chercher du bois, faisons un feu et cuisons le
foie du phaco avec des nouilles, puis allons nous coucher
; Marcel, l’ivoirien reste à entretenir le feu, je
lui demande pourquoi il ne va pas dormir, il me répond
qu’où il y a des phacochères, il y a des lions,
j’ai beau lui dire avoir lu que les lions ont plus
peur des hommes que l’inverse, il tient à veiller
et entretenir le feu toute la nuit. Finalement, il a
sûrement raison, car à l’aller, nous avons discuté
avec des gardes-chasse poursuivant une lionne qui avait
dévoré une femme partie faire sa lessive au bord du
fleuve.
A Gao, Dominique et Lien retrouvent
un type sympa, genre baba cool, il est fauché, il vit
avec une Malienne qui fut danseuse quelques années
au Crazy Horse Saloon et subsiste de la maigre retraite
versée régulièrement de France pour ses quelques
prestations parisiennes.
Dominique et Lien demandent si on peut le ramener
en France gratos, bien sûr, pas de problo.
Chez Yarga, toilette au seau
(rapide, car il fait froid), nous négocions le restant
du petit phaco avec la femme de notre hôte contre deux
repas chacun, nous faisons connaissance avec un Français
nommé Gerry qui vient de débarquer à
Gao, il a l’intention d’y monter un camping.
Le lendemain matin, départ,
nous passons prendre le baba chez la nana, il y a de
l’émotion dans l’air !
Durant le voyage, la peau
de la calebasse de ma kora se fendille de partout sous
la sécheresse.
Passage des frontières, il
fait de plus en plus froid, j’ai égaré ou échangé
mes affaires chaudes durant la descente car je pensais
remonter par Lagos ; à Beni-Ounif, j’achète une
djellaba râpée d’occasion en poils de chameau tissée
à la main, bien que peu épaisse, elle est très chaude
et la pluie glisse dessus (ou plutôt sur le gras qui
l'imprègne).
Mécheria, les copains, ayant
changé du pognon au black, vont dormir à l’hôtel,
je préfère rester, garder la voiture et mon pognon.
Au petit jour, je sens le
pick-up osciller sur le côté, j’aperçois deux mains
accrochées à l’ouverture latérale droite, il y
a une pompe à main pour gonfler les pneus, fixée sur
la cloison avant par des sangles, c’est elle qui est
visée, une main commence à défaire la première des
deux courroies ; pour ne pas faire tanguer la voiture,
je me dirige doucement avec le sac de couchage dans
les guibolles vers les mains convoitrices, la première
sangle défaite, il faut bien que le type passe le bras
plus avant pour défaire l’autre, quand le brandillon
est bien engagé, je l’attrape et le plie vers le
bas pour le bloquer, le voleur se débat comme un beau
diable, tout cela en silence, je me rends immédiatement
compte d’après la taille de l’abatis, qu’il appartient
à un moufflet et que s’il continue à se débattre
comme ça, il va finir par se faire mal, je lâche et
passe la tête par l’ouverture ; c’est un môme
fortement choqué, il est à terre sur le côté, les
jambes pédalant dans le vide, il a dû croire avoir
affaire au diable, je l’insulte copieusement en arabe,
ce qui est le meilleur moyen de lui montrer que je ne
suis pas un djnoun ou un chettab (esprit) ou (diable).
Les copains, qui arrivent de l’hôtel au même
moment, voyant le tableau, sont écroulés de rire.
La remontée ne pose pas de
problème particulier, à part que le copain baba cachait
(à notre insu) de l’huile de shit dans le rebord
de son bonnet, à la douane espagnole, les gabelous
lui demandant de les suivre dans une pièce à l’écart
; il réussit à balancer sa cargaison discrètement
dans une poubelle. Ressortant quelques instants plus
tard, il a les boules, car il comptait se refaire avec
le shit qu’il a balancé alors que les douaniers ont
simplement examiné son passeport sans le fouiller,
vu le nombre de fonctionnaires croisant dans le coin,
il ne peut se permettre de récupérer son huile, nous
nous arrachons vite fait avant que quelqu’un ne tombe
dessus.
En Ariège, près de Foix,
le village squatté par les copains est perdu dans la
montagne, ils y ont des chèvres et les femmes en commun,
l'herbe à disposition sur la table dans une grande
boîte à sucre, ça paie !!!
Nous remémorant le voyage,
nous calculons qu’il y une semaine, nous étions à
Bamako, nous étant relayés au volant, la moyenne est
plutôt bonne, le voyage nous est revenu à 500 ff chacun
(gratos pour le baba qui nous aurait plantés sans état
d'âme s'il s'était fait poisser avec son huile).
Le lendemain, je leur demande
de me redescendre en ville pour prendre le train, nous
nous adieusons, Michel me fait la bise, gentil mec !
_Neuvième chapitre_
Quelques mois plus tard, de
nouveau ruiné, j’en viens à taper dans un lot de
sardines remontées d’Algérie, ce genre d’aliment
sature très vite, pour changer, j’essaie de les passer
à la poêle, génial, une fois réchauffées, on croirait
des fraîches !!! Mais il faut que je réattelle d'urgence…
Je trouve l’appareil à
manger du kilomètre, une 404 berline d’un modèle
rare, 7 Cv, alors que les autres font 9 Cv, caisse,
boîte à vitesses modernes, mais avec un seul compteur
; le pont arrière grogne salement, j’en vérifie
le niveau d’huile, il y a ce qu’il faut, il tiendra
bien jusqu’à Cotonou. Je l’achète car elle est
en très bon état, bien que n’avoir que 7 Cv sous
le capot me chiffonne, j’ai peur que ce soit un peu
léger pour passer les bancs de sable.
Je n’ai plus un outil disponible,
pas même une paire de pinces, mais je connais bien
la piste maintenant, et décide de jouer le coup ainsi.
Je prends une roue de secours
en plus, un fût de deux cent litres et son kit nourrice,
quelques jerrycans de plastique aimablement consentis
par les pharmaciens, le réservoir moitié plein, je
ne dispose que de 1.200 ff soit 182 € pour descendre
jusqu’au Bénin, ça frise l’incorrection, d’autant
plus que la traversée de la Méditerranée me coûtera
entre 400 et 500 ff ! Le gros de l’affaire sera de
passer en Algérie avec le maximum de bouteilles d’anisette
ou de whisky, du moment qu’il reste deux cents francs (30 €)
à changer à la frontière pour prendre de l’essence
et une assurance, les douaniers à l’entrée du territoire
ne cherchent pas plus loin. Une fois en Afrique noire,
si on ne fait que traverser les villes, si l’on mange
chez les mamas, à part l’achat d’essence, la vie
ne coûte pratiquement rien ; ce sont les chambres d’hôtels
climatisés pour Européens ramollis qui sont chères,
les terrasses exposées à la cagnasse et aux intempéries
sont aux environs de 10 à 20 ff = 1,5 à 3€
la nuit.
Attendant le bateau à Mélilla,
je rencontre deux types qui descendent en R12, c’est
la première fois que je vois faire le business avec
une Renault !
Le passager, un brun, genre
zonard, sort un Opinel et me dit qu’il vient en Afrique
pour enlever un œil à sa copine qui s’y est fait
la belle avec un type, il me la décrit pour que je
la reconnaisse si je la croise.
Le proprio de la voiture,
un blond, mince, me révèle qu’il a, au Mali, une
commande de montres à quartz, que cette camelote y
est très recherchée, ah bon! Je suis bien placé pour
savoir que les produits nouveaux venant de Chine, Japon
ou Taiwan, débarquent en Afrique par le Nigeria et
de là, se répandent sur tout le continent bien avant
d’arriver en France, j’essaie de lui en toucher
deux mots, mais il est déjà descendu une fois, il
sait mieux que moi, ah bon !
Je lui suggère de charger
des bouteilles de whisky dans les portières, il refuse,
car les montres y sont cachées.
Nous franchissons ensemble
les frontières de nuit, je passe le premier sans problème.
Quand le tour des collègues arrive, les douaniers algériens
deviennent plus durs, il faut dire que le brun a vraiment
une sale gueule ! Je les attends et assiste à la fouille
de leur voiture, un gabelou ouvre la portière arrière,
en écarte la garniture, dirige la lampe électrique
à l’intérieur, je vois très nettement le reflet
du chrome des montres, le douanier, lui, ne voit rien
!!!
Nous roulons de concert quelque
temps, à Tlemcen, nous nous séparons car je ne tiens
pas à traverser le Sahara accompagné de ce genre
de voiture ; de plus, je veux vendre mes pièces détachées
sans faire connaître mes acheteurs à de tels
lascars.
Plus je descends, plus le
compteur de température d’eau va dans le rouge, ça,
c’est pas bon.
Aïn-Sefra, bonjour au copain,
je lui emprunte quelques outils et démonte le calorstat
des fois que cette modeste pièce soit la cause
de ce réchauffement de mauvais aloi ; pas d’amélioration.
Je démonte le radiateur,
puis, nous allons chez un spécialiste, j’assiste
au solo du détartreur ; le type commence par dessouder
tout le haut du bloc, sur un râtelier portant
des tringles de différents calibres, il choisit le
modèle idoine, et se met à ramoner gaillardement mon
appareil à évacuer les calories.
Une fois l’opération terminée,
l'artisan rince abondamment la pièce, la retourne
et ressoude la partie supérieure.
Le radiateur, reconstitué
et refroidi, il adapte au bas de ce dernier un morceau
de chambre à air de vélo ou mobylette fermé par un
nœud, verse de l’acide jusqu’à la moitié de la
partie haute récemment reposée, et, se servant
de la chambre à air comme d’une poire, fait circuler
le liquide quelque temps. Il récupère l’acide, rinçages,
me voilà avec un radiateur comme neuf, l’opération
est un peu chère, mais réglée en dinars qui me
coûtent peu.
Je remonte le tout, fais des
essais qui se révèlent concluants.
Un peu tôt dans la soirée,
nous cassons la croûte, puis je continue ma route,
j’aime bien dormir dans la campagne et attendre de
tomber de sommeil pour ce faire.
Adrar, bonjour à lou Ramdann,
puis visite à la douane, maintenant que l’on
me connaît, malgré tous mes coups tordus, les fonctionnaires ne
m’embêtent plus, il faut dire aussi que je suis rôdé
et que pour me prendre en défaut, maintenant, il faut
se lever de bonne heure.
Reggane, passée la douane,
j'attaque la piste. La voiture tire mieux dans le sable
mou que je ne le craignais, mon moteur ronronne, j’ai
une pensée émue pour toutes les pièces en mouvement,
aux bielles, soupapes, pistons, arbre à cames, tout
cela lubrifié en permanence par la pompe à huile,
l’automobile est une machine merveilleuse !
La nuit, je m’égare sur
la route de Timiaouine, ça commence à devenir une
habitude ! Je m’en aperçois assez rapidement et fais
demi-tour ; dès que je croise des traces nombreuses,
je prends à gauche et retombe sur le large et habituel
enchevêtrement d’empreintes de pneus.
Cent bornes avant Gao, un
jeune touareg me fait signe, je m’arrête, le
gamin me montre sa main bleue et gonflée comme un gant
à vaisselle dans lequel on aurait soufflé, il me dit
« scorpion », l’un des rares mots français qu'il
connaisse, je pointe mon index sur lui, puis vers le
sud, dis « Gao », il comprend que je veux l’emmener,
mais refuse, j’insiste en vain ; n’ayant rien pour
le soulager, je repars en louchant le rétro des fois
qu’il change d’avis.
Un vent de sable rasant se
lève une quarantaine de kilomètres plus loin, je m’arrête
un peu, mais crevant de chaud, et ne sachant pas combien
de temps cela durera, je finis par repartir, les traces
deviennent de moins en moins nombreuses et visibles,
je me fixe sur l’une d’elles, récente et profonde,
au détour d'une grosse touffe d’herbe sèche, je
la perds ; le sable est mou, ne pouvant m’arrêter
sans m’ensabler, je tourne large pour retomber sur
mes pattes, plus rien, tout a été nivelé par le vent,
qui s’arrête quelque temps après.
Dès que le sol est un peu
consistant, je m’arrête pour réfléchir, la petite
montre du tableau de bord indique 11 heures, le soleil
est à gauche, je suis donc dans le bon axe.
Je continue en me référant
à l’ombre du montant de pare-brise, une demi-heure
plus tard, force m'est de constater que la montre ne fonctionne plus ; depuis
le départ elle n’a eu aucune défaillance, le sable,
s’infiltrant partout, a dû la bousiller.
Stoppant le concentré de
génie humain, je monte sur le toit pour apercevoir
quelque signe pouvant me guider, pas de trace de poussière
soulevée, le silence est total, je vois une éolienne
à l’horizon, me souvenant qu’il y en a une, quelques
dizaines de bornes à gauche de la piste avant Gao,
je décide de me diriger vers elle.
Je roule assez vite car je
n’ai rien pour m’aider à désensabler si je me
plante. Dépassant le sommet d’une dune, le versant
descendant n’est plus stabilisé par les touffes d’herbes
sèches, la voiture s’enfonce à mi-roues dans le
sable mou et se met en crabe, j’accélère et m’en
sors, chauds les marrons !!!!!!!
J’arrive à l’éolienne,
celle-ci est immense, je n’en avais jamais vu de près,
c’est impressionnant !
En tout cas, la piste menant
à Gao n’est pas au rendez-vous, je grimpe par les
échelons prévus à cet effet, arrivé sur la plate-forme
du sommet, je regarde dans tous les azimuts, pas de
piste, pourtant, je vois très, très loin ! À l’horizon,
une autre éolienne, je décide d’aller y jeter un
œil. Arrivé à cette dernière, toujours pas de piste,
une fois grimpé, je vois une autre éolienne, je m'y
dirige…..
Je croise des gazelles ; au
bas du monument, il y a un manche
de hache
dont la boule percée permet d’y glisser un fer selon
le système classique en Afrique, je le balance
derrière les sièges avant de la voiture, monte, toujours
rien, je me dis que là, ce n’est plus un margouillat,
c’est un crocodile ! Je décide de revenir sur mes
pas.
Je reprends mes traces jusqu’à
une dune molle que je ne peux remonter, la contourne,
ne retrouve pas la marque de mes pneus, j’ai beau
tourner, rien, je ne sais plus du tout où je suis,
si la piste est devant, derrière, à droite ou à gauche,
quelle galère !!!!!
Regardant
de
mon toit les deux éoliennes au loin, je repère la
direction de mon ancien itinéraire,
conservant tant bien que mal l’angle de route avec
l’ombre du montant du pare-brise je roule, roule,
et finis par retomber sur des traces de pneus plus larges et plus écartés
que les miens, je les suis sur une trentaine de kilomètres,
puis tombe sur un petit camp touareg de quatre tentes,
n’oubliant pas les usages, je m’approche et frappe
dans mes mains.
Un Tamashek* sort, je lui
demande la route de Gao ; bien que ne parlant pas Français,
Gao, il connaît, il m’indique les traces qui m’ont
mené jusque là, et dit, « Gao » à plusieurs reprises,
je le remercie, quelques temps après, je croise le
plus merveilleux spectacle qu’on puisse imaginer :
la piste, large comme plusieurs boulevards, je l’emboîte
à droite, trois quarts d’heure après, je suis devant
lou Mamby, cinq minutes plus tard, je m’enfile une
75 cl cul sec puis en redemande une autre
pour pousser la première.
Ce devoir élémentaire accompli,
Boubakar m’informe que Gerry a monté son camping,
et m’y conduit.
Pendant que celui-ci prépare
la tambouille, je lui fabrique un système à assassiner
les moustiques : je tresse comme un ancien panier à
salade rond en fil de fer, dont un rang sur deux
est branché sur un pôle 220 volts, le second, sur
l’autre, le tout tenu sur une armature en petit bois
souple par de la ficelle pour éviter un court-circuit.
Je pousse le vice jusqu’à alimenter ce piège par
une ampoule électrique en série, ce qui fait qu’en
cas de court-jus, l’ampoule s’allumera, sans autre
dommage.
J’adjoins à l’intérieur
de mon piège une autre lampe qui servira d’appât
et d’éclairage pour la table au-dessus de laquelle
je pose mon traquenard. J’attends avec impatience
qu’un moustique se pointe, comme par hasard, il n’en
vient pas. Je choppe une grosse sauterelle pour voir
sa réaction au contact de l'embuscade et la lâche
dessus, les deux pattes arrière se détachent instantanément
de l’animal, je crois que les moustiques n’ont qu’à
bien se tenir !
C’est l’époque des cantharides,
ces charmantes bestioles, réputées pour leurs vertus aphrodisiaques (je ne sais
sous quelle forme), ont une prédilection pour les atterrissages
dans le cou, (on ne les sent qu’au volume qu’elles
prennent sous la chemise), une fois posées, elles lâchent
un acide extrêmement virulent qui vous fait de grosses
cloques en deux coups de cuillère à pot, si l'ulcération
crève, en coulant, le suc en refait une série plus
bas.
Je vends quelques pièces
de 404, mais, n’étant pas trop ferré, je ne m’attarde
pas à Gao, le lendemain matin, je droppe sur Niamey.
Arrivé, j’envoie une tripotée
de cartes postales car j’ai remarqué que ce petit
bout de carton, envoyé de loin, fait
très plaisir lorsqu’il arrive et que son émission
ne coûte pas beaucoup de temps et argent.
A la frontière béninoise
je donne deux bidons de plastique de 10 litres ayant
contenu mon eau pour la traversée du Tanezrouft.
Je roupille au camping de
Kandi, démarre tôt le matin ; vers 9 heures, j’attrape
deux caméléons sur la route, ce qui n’est pas un
tour de force : quand ils sont sur le goudron, ils essaient
de faire vite, mais faire vite pour un caméléon est
très relatif, ils font deux ou trois basculements avant/arrière
avant de pouvoir progresser efficacement d'un pas. Quand
ils se sentent en danger, ils arrivent à faire des
pas successifs mais hésitants et en chaloupant fortement.
Je les mets sur les revers
de ma chemise, ils s'y agrippent et n’en bougent plus.
Parakou, Nestor a été retrouvé
il y a deux jours, mort dans son lit, le ventre tellement
gonflé qu’il a fallu l’enterrer dès le lendemain
avant qu’il n’explose, ça sent l’empoisonnement
à plein pif !!
Son frère a déjà chaussé
ses bottes, sa femme et son restaurant ; il pérore
comme un paon derrière le comptoir, je ne vais pas
m’attarder.
Le soir, pendant le dîner,
me vient un début de palu : suées au front, chair
de poule sur les bras, raideur dans le cou, difficulté
pour les yeux de faire le point, je bondis tel le fauve
sur le tube de Quinimax, m’en enfile deux que je pousse
d’une Béninoise, finis de dîner, et vais pieuter
sur la terrasse.
Le lendemain, bien que retapé,
je reprends deux cachets à tout hasard au petit déjeuner
et dégage de l’antre.
Ayant entendu dire que, dans le temps,
les marchands de voitures, mettaient de la sciure dans
l’huile pour étouffer le bruit des ponts usés, je
m’arrête chez un menuisier qui borde la route, en
achète pour trois francs six sous, l'introduit par
le bouchon de remplissage, ce qui n’y change rien
!
Arrivé à Bohicon, je m’arrête
pour manger au restaurant qui surplombe la route, un
mec averti par un tiers, se pointe pour acheter ma voiture.
Je tape 600.000 CFA, quelques
temps après avoir fait ronfler le moteur, nous tombons
d’accord sur 550.000, il me dit qu’il revient me
payer.
Un quart d’heure après,
il est de retour avec le mécanicien à qui j’ai
déjà eu à faire à Abomey lors de ma quatrième descente,
il demande à faire un tour du quartier ; avec le pont
arrière niqué, il va falloir jouer fin!
Je fais semblant de piquer
une grosse colère à cause de la présence du mécano,
leur dis de monter ; la transmission se mettant à s’exprimer
à partir de trente à l’heure, je roule en surveillant
le compteur de vitesse, le mécano me demande d’accélérer,
justement, nous arrivons sur de la piste (comme par
hasard), jouant toujours le gros énervé, je pousse
les rapports sur la latérite, avec les cahots, ils
ne peuvent pas entendre le bruit du pont arrière. Je
reviens à toute allure en choisissant soigneusement
des routes de terre, nous revenons au restaurant ; maintenant,
il faut qu’ils réfléchissent car je pars sur Cotonou,
conciliabule, je fais semblant de ne plus m’intéresser
à eux, sur les conseils de son mécanicien, l’acheteur
ne veut pas mettre plus de 500.000 CFA (1500 €), faisant
l’ulcéré, je dis banco du bout des lèvres ; le
type me règle dans la foulée.
J’ai fait d’une pierre
deux coups : 1° fourgué mon os, 2° décrédibilisé
le garagiste (j’ai honte, il fait bien son boulot,
mais sa prestation me nuit chaque fois que j’ai affaire
à lui).
Je paie l’addition, puis,
vais prendre le train direction Cotonou.
Arrivée à l’hôtel Babo,
salut à toute la compagnie, Raymond, un des fils du
patron, sympa, a acheté une superbe Nissan Patrol
volée au Nigeria, Hans et Jöss sont présents, ayant
déjà vendu leurs oignons en route.
Les Hollandais sont les gens
qui se rapprochent le plus des Français, ce sont des
démerdards, ils aident s’ils le peuvent les collègues
et ne balancent pas les autos à n’importe quel prix
comme les allemands, les anglais viennent uniquement
se promener, on ne voit quasiment jamais d’autres
nationalités européennes.
Jöss me choppe à part :
Raymond a fait l’acquisition d’un grigri pour ne
pas se faire prendre à la frontière française et
compte passer une grosse valise bourrée d’herbe grâce
à ce merveilleux talisman, il me demande de l’aider
à l’en dissuader, nous tapons à la porte de sa chambre,
j’essaie de le convaincre que les grigris marchent
très bien en Afrique, mais pas en Europe, rien à faire,
il est persuadé que son amulette le fera passer comme
une lettre à la poste! J’insiste, puis abandonne,
car il commence à se fâcher et devenir soupçonneux,
ses croyances et le monde pragmatique que j’essaie
de lui faire pressentir sont à des années-lumière
l’un de l’autre.
Avec mon passeport presque
neuf, je vais à l’ambassade demander un visa pour
le Nigeria, les deux hollandais et un français y ont
déjà déposé les leurs.
Je vais faire un tour au Bénin
palace, c’est la journée commémorant le courage
des soldats béninois : lors d’une descente de mercenaires,
il paraît que deux de ces derniers, restés sur le
carreau et conservés au froid, sont exposés chaque
année sous le pont de Cotonou, cela me paraît curieux,
les cadavres ne supportant pas trop bien le climat,
mais j’ai entendu cette histoire à plusieurs
reprises.
Le passage au Nigeria étant
toujours un rodéo, les copains attendent deux jours
de mieux afin que nous partions ensemble.
Au Bénin Palace, je fais
connaissance avec deux français qui se sont associés
pour passer des bagnoles par bateau (cette pratique
en se généralisant, commence à devenir une
concurrence sérieuse) ; ils ont loué une maison près
de la plage et hébergent le corse qui m’avait indiqué
le coup des légalisations de cartes grises, ce dernier
est rentré avec une Ghanéenne qu’il a ramonée jusqu’à
l’aube, la fille commentant vigoureusement les
pratiques qu’il lui faisait subir, ce, au grand
dam de l’obèse.
Nous jouons à la belote,
l’autre associé me raconte qu’il s’est fait facilement
une poignée d’oseille ; engagé comme mercenaire
en Belgique, il a touché une confortable avance, puis
est parti en avion pour le Congo sous le couvert d’un
reportage, avec caméra et tout le tremblement. Au questionnaire
douanier, il écrit : métier : « mercenaire», que
venez vous faire ? « un coup d’état », expulsion
par l’avion suivant, affaire rondement menée, car, visant uniquement l'acompte, il
n’avait aucunement l'intention de participer à un coup de main
en Afrique !
Un autre personnage a fait
son apparition chez Basile (le patron du Bénin palace)
: Big Jo, un béninois dodu qui commence à passer des
voitures, il est marrant comme tout, expensif et
malin comme un singe.
Il a fait imprimer en France
des formulaires d’assurance auto béninoise à un
nom bidon avec tampons à la même raison sociale, ceux-ci
lui permettent de faire la France-Cotonou sans débourser
un liard dans les pays où c'est obligatoire (France,
Algérie, Mali).
Je lui achète deux formulaires
tamponnés vierges.
Hôtel Babo, un couple me
demande où acheter des vélos chinois, car ils veulent
aller à Ouagadougou à bicyclette, j’essaie de les
décourager ; venus en avion, ils ne connaissent pas
les routes et pistes africaines, rien à faire, une
heure plus tard, ils ont acheté deux engins flambant
neufs.
Deux jours après, ils sont
de retour à l’hôtel, cramés, ils me demandent
à qui fourguer leurs clous, je n’en sais rien et
n’ai pas le temps car nous partons vers Lagos
; à Jonquet, nous changeons des nairas, et louons un
taxi 404 berline.
Le voyage s’effectue sans
problème particulier, j’ai mis les sous de la voiture
et du passage dans mon calbar et dans ma sacoche
Tamashek, autour du cou, mon passeport, deux petits
bracelets d’ivoire et 500 ff changés à un françouze.
Il pleut, l’atmosphère
est très lourde, durant le voyage, je pose sur la plage
arrière du taxi la sacoche qui me colle à la peau.
Arrivée à l’aéroport
de Lagos, toujours de la pluie, l'air est chargé d’électricité,
les flics gueulent de dégager, le chauffeur nous dit
de sortir presto, nous nous arrachons du véhicule,
prenons nos sacs dans le coffre, le taxi part en trombe,
nous sommes toujours sur le trottoir lorsque je me rends
compte que j’ai oublié ma sacoche sur la plage arrière
de la voiture, Jöss me dit que le taxi va revenir,
je lui réponds de ne pas y penser, il y a les bracelets,
les sous, il ne reviendra pas, ce passeport, ne m’aura
pas servi longtemps !
Nous entrons dans l’aéroport,
les copains sont consternés (du moins Hans et Jöss,
le Français s’en tamponne le coquillard, il faut
dire que c’est une grosse tache).
Je les rassure en leur racontant
brièvement l’histoire de mon voyage sans visa et
précise que mon but est d’arriver en zone de transit,
après, ça ira tout seul.
Nous attendons dans la zone
internationale jusqu’au soir sans que les douaniers
et policiers ne bougent de leurs guichets, nous prenons
quelques bières et sandwichs ; il y a de moins en moins
de monde, j’étudie les paramètres pour gérer au
mieux ma situation, c’est bon de sentir les deux hollandais
à mes côtés, et qu’ils prennent mes patins à fond
!
Il ne faut pas non plus trop
s’attarder, car lorsque nous serons seuls dans l’aéroport,
nous deviendrons le point de mire des fonctionnaires.
Les affichages n’annoncent
plus de départ imminent, je dis aux copains que c’est
bientôt le moment, quand je leur donnerai le feu vert,
nous essaierons de passer dans la zone de transit, nous
nous approchons discrètement des guichets de police
et douane.
Une dizaine de minutes plus
tard, les douaniers et policiers se cassent, j’attends
un peu et donne le top, sans hésiter, mes compères
passent, je suis dernier à la suite du Français, quand
un policier sort et nous demande où nous allons ; Jöss et
Hans expliquent en anglais que pour la nuit, nous voulons
aller dormir dans la zone de transit, le flic demande
à examiner les passeports, il regarde les trois premiers
(et seuls) visas et nous dit de passer, je passe à
l'as...
Le lendemain matin, je leur
donne mes nairas afin qu’ils me prennent un billet,
puis qu’ils présentent mon bagage au guichet d’embarquement,
à partir de là, il faut qu’ils improvisent et me
rapportent le talon du billet dans la
zone de transit que je ne compte pas quitter. Ils se
débrouillent comme des chefs, et tout se déroule bien,
quelques temps après, on se sépare, car leur vol précède
le nôtre.
Atterrissage de nuit à l’aéroport
de Paris, tout le monde a un passeport sauf moi ; l’impression
d’être le vilain petit canard, je demande au flic
français comment on fait pour sortir sans ce document,
le fonctionnaire se fait relayer pour m’accompagner
au bureau du chef et ne me lâche qu’une fois le colis
réceptionné, je ne peux pas rééditer le coup de
Lagos.
Le chef est un rondouillard
en civil qui fume la pipe, tout en lisant un document,
il me demande ce qui m’arrive, je lui narre brièvement
mon histoire de sacoche, il me dit pensif : « c’est
chaud le Nigeria », nous discutons de choses et d’autres,
puis il me demande de remplir une petite fiche : nom
du père, nom de jeune fille de la mère etc……pas
grand-chose, une fois cette fiche remplie, je la lui
tends, il me dit : « vous pouvez y aller ».
Réfléchissant plus tard,
je comprends que le chef flic, en discutant de choses
anodines, a fait un diagnostic rapide : 1° que j’étais
bien français, 2° que mon air tranquille l’a assuré
que je n’avais rien à me reprocher, analyse rapide,
initiative personnelle ; chapeau, l'artiste !
_Dixième chapitre_
Nouvelle déclaration de perte
de passeport (réelle, celle-là), nouveau passeport.
Dominique me demande de le
descendre en Algérie car il doit faire du business
avec un Algérien d’Adrar qui avance les fonds en
francs français, mais son correspondant à Paris se
fait tirer l’oreille pour lâcher l’oseille.
Il me narre son dernier périple
: descente avec Lien, traversée à peu près sans problèmes,
arrivés à Kandi, le chef de la police pique tous les
papiers pour leur soutirer de l’argent ; plusieurs
jours de tractations plus tard, la situation n’a pas
évolué.
Dominique, voyant que les
fenêtres du commissariat sont un peu symboliques, va,
de nuit, le visiter et récupère ses papiers ; au camping,
il laisse entendre qu’il s’est arrangé en sous-main
avec l’un des flics et ils s’arrachent.
Personne ne connaît la fin
de l’histoire, ni comment les comptes se sont réglés,
mais ça a dû être saignant !
Après avoir vendu leurs voitures
au sud, ils remontent par la route, malgré le coup
du commissariat encore brûlant, ils passent le barrage
de Kandi sans problème. Le taxi-brousse s’arrête
un moment sur la petite place du centre bourg pour
que des passagers descendent en attendant que le taxi
soit à nouveau plein pour repartir.
Vient à Dominique la courante
(comme tout le monde en Afrique), cherchant désespérément
un coin discret où poser le colis encombrant, il aperçoit
une toute petite cahute en dur de 2 mètres sur 2 dans
la végétation de la place, espérant un chiotte publique,
il demande au chauffeur du taxi à quoi sert cette guitoune,
l’autre lui répond que tout ce qu’il en sait est
qu’elle est hantée et que personne n’y va jamais.
Ce n’est pas le genre d’argument
qui puisse arrêter le loustic, la végétation le
cache un peu, en faisant basculer sur le côté les
planches un peu pourries du bas de la porte, il les
sort une à une de leurs rainures ; aussitôt entré,
soulagement de l’individu. Sa vue s’étant adaptée
à l’obscurité du local, il jette un œil alentour
: une demi-douzaine de lourds fusils de brousse sont
accotés au mur.
Il sort, refermant soigneusement
le bas de la porte.
Sachant que j’aime bien
ce genre d’articles et que je suis assez vicelard
pour pouvoir les remonter, il me fait part de sa découverte.
Almeria, Melilla, je fais
mon plein de bouteilles de whisky dans les portières,
j’en ai marre de passer par la douane de Oujda, j’ai
entendu dire qu’à Figuig, les douaniers sont moins
tatillons. En plus des 4 bouteilles planquées dans
les portières, je prends 3 bouteilles d’anisette;
après avoir vidé une petite partie de l’une d’elles,
je la mets dans mon sac aux pieds de Dominique, la deuxième
planquée sous des vêtements sur la plage arrière,
la dernière dans le coffre arrière, on a le droit
d’en passer une officiellement, ça devrait aller.
Effectivement, les douaniers
sont moins teigneux qu’à Oujda !
Nous passons les doigts dans
le nez et les mains dans les poches……..
Visite au copain d’Aïn-Sefra.
Arrivant le soir à Béchar,
nous discutons avec un jeune de 17-18 ans qui trafique
un peu de tout, je lui vends deux bouteilles de Whisky
400 dinars (il faut bien encourager le petit commerce),
il nous invite à manger le couscous chez lui, banco.
Lorsque nous redescendons
deux heures plus tard, je trouve mon pare-brise sous
la voiture, le joint a été découpé ; lunettes de
soleil, fringues, papiers chouravés, heureusement,
j’avais mon pognon sur moi, et mes quelques outils
dans le coffre arrière fermé à clé !
Le môme fait le désolé,
mais je suis persuadé que c’est cet enfoiré qui
a monté le plan.
J’attrape l’indélicat,
et lui fais comprendre que je ne réclame rien de ce
qui a été volé dans ma voiture hormis les papiers,
car sans eux, je suis coincé, que, si cette nuit, ils
ne me sont pas rendus, demain, j’irai à la police,
que je devrai préciser les circonstances du vol et
serai obligé de l’impliquer, il joue l’outragé,
mais je n’en attendais pas moins de lui. Dominique
me dit déjà qu’il ne va pas pouvoir rester avec
moi, vu que je suis planté sans papiers.
Je ne bouge pas la voiture
du bas de l’immeuble, remets le pare-brise en place
pour nous protéger du froid, nous roupillons inconfortablement
sur les sièges avant.
Le lendemain, miracle, mes
papiers sont posés sur le capot. Je pose le pare-brise
à l’arrière sur le baril de 200 litres, nous partons
le nez au vent chez le premier marchand de pièces détachées
du coin, j’achète quelques pièces Peugeot et
un joint de pare-brise que je remonte à la ficelle.
Je largue Dominique chez ses
copains d’Adrar, vais saluer l’ami Ramdann.
Traversée du Tanezrouft sans
complications particulières, au crépuscule, je m’arrête
à Bidon 5 pour laisser la nuit descendre, les petites
gerboises qui pullulent me grimpent dessus pour manger
le pain que je tiens à la main comme si je n'existais
pas, je les repose à terre ; aussi sec, elles me ré
escaladent, pour être tranquille, je sème plein de
miettes autour de moi, puis entame un très court roupillon
car les bestioles affamées me courent sur la tronche
et commencent à me grignoter les oreilles, taïaut……..
Tessalit, il y a du schprountz,
le chef de la police, désirant la voiture d’un convoi
qui m’a précédé bloque tous les passeports pour
acheter le véhicule 1000 ff (153 €), je
suis heureux de voir que tout le monde soutient le propriétaire
de l’objet convoité ; pour repartir, il nous faut
tous attendre le bon plaisir du sinistre personnage.
Plus de bière sur place,
il m’en reste quelques-unes que je mets à fraîchir
dans un chiffon mouillé ; je n’ai plus que 15 ff
(2,3 €) en poche, heureusement que j’ai une des
assurances achetées à Big Jo. Je vais voir le préposé
aux postes et télécommunications (nous sommes
copains depuis que je lui apporte des graines de légumes),
lui demande combien coûte un télégramme pour la France,
s’il est possible d’en envoyer un avec si peu, il
me répond que pour cette somme, j’ai droit à 8 mots,
adresse comprise, de plus, je dois fournir 5 litres
d’essence pour le groupe électrogène.
Je lui fournis la quantité
requise du sang de la terre, puis tronçonne odieusement
l’adresse de ma mère : celle-ci habitait à cette
époque, avant de s’en faire déloger par les sarrasins,
un petit H.L.M sympa, l’adresse en était : Madame
Verna H…., 3 square du Bois Rouault 93800, Épinay
sur Seine.
Je la transforme en : Verna
square Dubois Rouault Épinay 93800, le message: O.K
Christophe. De toute façon, à 93800, il n’y a qu’un
Epinay : Epinay/Seine, je me dis qu’Épinay/Orge,
à côté, n’a sûrement pas le même code postal.
J’avoue compter sur la conscience professionnelle
des postiers français devant l'adresse approximative
d’un télégramme provenant d’un coin désolé de
la planète.
Le préposé verse une partie
des 5 litres de carburant dans un réservoir géant,
garde impudemment le reste par devers lui, titille un
pointeau, ouvre des robinets, tapote sur la cuve d’un
carburateur préhistorique en bronze, empogne à deux
mains une poignée fixée sur un énorme volant de fonte,
lui imprime un mouvement de rotation, une fois que le
volant tourne assez vite, il libère le blocage d’une
soupape sortant du cache culbuteurs, le moteur commence
à pétarader ; il va rapidement à une table sur laquelle
se trouve un manipulateur Morse et commence à émettre
; il attend les quelques bips-bips d’accusé de réception,
se lève, coupe le moteur du groupe électrogène et
me dit que c’est parti ; discrètement sceptique,
je le remercie.
De retour à Paris, je calculerai
que le télégramme a mis 2 heures pour arriver ; ma
mère l’avait reçu avant que je n’aie quitté Tessalit,
somptueux !!!! Un
H de mon prénom ayant disparu
pour réapparaitre dans Rouhault lors de la transmission,
ainsi qu'un "i" de l’un des Epinay, je n’envisageais
pas pour autant, d’attaquer les PTT maliens.
En attendant, l’autre tordu
nous plante une journée entière, j’en profite pour
faire de la publicité à Gerry, le lendemain matin,
une délégation monte à la jolie petite maison (datant
visiblement du temps des colonies) abritant le bureau
du chef de
police véreux et lui fait comprendre que cela ne peut
durer, qu’il faut nous relâcher, une heure après,
tout le monde est libéré.
Il y a beaucoup de monde chez
lou Gerry, quasiment que des Français, on boit sec
et passons une bonne soirée.
J’ai des nouvelles des types
en R12, l’embrayage ayant lâché sur la piste, le
proprio est remonté en abandonnant la caisse, le brun
s’est démerdé, a réussi à la ramener et la négocier
à Gao, l’un des deux Lyonnais de l'affaire Bamako
est redescendu (pas le foireux) avec un camion dont
il a cassé le carter du pont arrière sur une pierre,
il a terminé la route avec un seau dessous pour récupérer
l’huile pour la réintroduire à intervalles
réguliers.
Je vends des pièces Peugeot
neuves achetées en Algérie.
Quelques jours plus tard,
nous partons à plusieurs autos sur Niamey ; au barrage de la
sortie de Gao, un militaire qui veut faire du zèle
bloque tout le monde car une des voitures roule carrément
(comme souvent) en échappement libre ; un conducteur
en queue de caravane demande en gueulant « qu’est-ce
qui se passe ? », l’autre le renseigne sur la cause
de l’arrêt, le gueulard répond « file-lui un bidon
», entendant cela, je me dis qu’il va y avoir des
problèmes, je suis immédiatement rassuré quand j’entends
le fonctionnaire demander « il y a des bidons ? ».
Une partie du convoi reste
à Niamey, je continue avec trois d’entre eux, un
couple et leur ami dans deux voitures.
Malanville ; un photographe
ambulant nous immortalise entourés de petits Béninois,
j’achète le Polaroïd, la femme se fait refourguer
un petit singe adorable dont les doigts sont plus fins
qu’une allumette voir
regards attendris.
Nous éloignant de la frontière,
nous nous arrêtons pour boire une BB, le patron de
la buvette a construit un transatlantique de deux mètres
cinquante de long avec des matériaux de récupération,
le résultat est magnifique!
Arrêt au « camping » de
Kandi, après avoir acheté 10 litres de vin portugais
(pour quatre, dont une dame, ça devrait suffire), nous
trinquons avec des étudiantes en médecine béninoises
venues étudier sur place l’onchocercose qui rend
aveugle une partie des paysans.
Je vais repérer, tant qu’il
fait jour la guitoune aux fusils, je la trouve très
facilement, il est étonnant qu’avec des alentours
aussi fréquentés, elle n’ait pas été visitée
!
Dans la foulée, j’achète
une lampe torche made in China et des piles.
Nous mangeons copieusement
et buvons de même.
La nuit tombée, je prends
ma lampe, sors discrètement et file à la cahute, il
n'y a que la rue à traverser.
Ayant sorti les planchettes,
j’entre, cachant en partie la lumière avec mes doigts
de façon à l'assourdir, j’éclaire par terre pour
ne pas marcher dans les traces de Dominique, il ne reste
rien de son passage, même le pécul a disparu, les
fusils sont toujours là, et apparemment, depuis
longtemps, mais ce ne sont pas de petits modèles, je
décide de les laisser sur place et de les kidnapper le
jour où je remonterai par la piste.
Revenu au camping, je me rassois
à table et reprends les hostilités où je les avais
laissées. Tant que les dix litres ne sont pas pliés,
nous entonnons le jus de treille portugaise, rideau….
C’est le soleil, déjà
haut dans le ciel qui me réveille ; vautré par terre,
au milieu de la cour, j’ai une casquette en peau de
locomotive et un bon coup de soleil sur la tronche,
les moustiques ne m’ont pas fait de cadeau. Une des
étudiantes est assise sur les marches du plot central
portant le drapeau béninois, ses pieds encadrent ma
tête, elle est penchée sur moi et dit avec un sourire
de cannibale et une conviction extraordinaire, « Christophe
il est cassé, il est cassé jusqu’aux …dents !
», je la supplie de parler doucement, c’est vrai
que je suis cassé, le diagnostic est juste, docteur!
Les copains restent quelques
temps à Kandi, moi, je ripe, ce n’est pas un coin
dans lequel j’aime m’attarder, y ayant déjà laissé
un permis de conduire français à un flic lors d’une
précédente descente (il comptait là-dessus pour que
je me pointe au commissariat me faire saigner le larfeuille).
Parakou, chez feu Nestor,
bien que cette fois-ci je n’en aie pas, les serveuses
m’appellent « Monsieur caméléon ».
Kokoro, arrêt bibine, des
artisans
sculpteurs,
curieusement coiffés de bonnets phrygiens me proposent
leurs sculptures, j’achète un hippopotame très sympa
pour la Mama, ainsi qu'un "casse-noix" , qui ne doit pas casser
grand-chose, lui-même doté d'un bonnet phrygien.
Sur la piste, avant Ouéssé,
un énorme lézard à gros ventre (comme on
en voit, pour la boucherie, vivants, les pattes liées
dans le dos sur les marchés africains), qui fait plus
d’un mètre de long, traverse la piste juste devant
ma voiture, ce genre d’animal court très vite, il
ne me vient pas à priori, l’idée d’essayer de
l’attraper, mais ce couillon, une fois la piste traversée
s‘arrête, la tête dans un fourré, tout le corps
dépassant, je stoppe doucement la voiture, prends
une chemise et m’approche tel le Sioux. Je l’attrape
d’une main par une patte arrière, comme prévu, il
se retourne pour me mordre, je lui jette la chemise
de façon à lui encapuchonner la tête et la partie
haute du corps et le tiens cloué au sol, il se débat
comme un beau diable, mais pour me faire lâcher prise,
il peut toujours attendre ! Nous nous battons quelques
temps, je le maintiens de façon qu’il ne puisse pas
se retourner, car les griffes sont longues et acérées,
puis, haletant, il se calme, je sais que je vais le
relâcher, mais je ne peux jamais résister au plaisir
de capturer un animal ; sa peau écailleuse est très
douce et souple, trop ample pour son locataire. Calmé,
il ne bouge plus, mais je ne m’y fie pas, une fois
que j’ai savouré ma petite victoire, je le lâche
en m'écartant vivement, il part comme une flèche avec
ma chemise, mais je ne regrette pas l’épisode.
Tchaourou, je tourne dans
une petite rue déserte pour lansquiner, dans le fossé,
je trouve un petit canon ancien en fonte de 60 à 70
centimètres de long, je le soulève par un bout, il
pèse un âne mort ! Je repère l’endroit me disant
qu’il doit être là depuis un bon bout de temps et
remet à une prochaine fois son rapatriement en France.
Dassa, je fais connaissance
avec un Français maître nageur ; il ne sait comment,
ni où vendre sa 404 break, je lui dis que j’ai l’intention
d’aller pointer à Abomey, s’il veut, il peut m’accompagner,
vu que nous n’avons pas la même marchandise, nous
ne nous tirerons pas dans les pattes, ça lui convient,
le lendemain matin, à la fraîche, nous dégageons.
Abomey, chacun prend une piaule
au foyer des jeunes travailleurs, puis, direction Johnny
pour l’omelette, la belote africaine et la cuite.
Le lendemain matin, nous retournons
montrer nos trognons chez Johnny, car son restaurant,
jouxtant le marché, est la meilleure vitrine pour exposer
les voitures sans avoir trop l’air de racoler.
Petit déjeuner-aspirine nigérian,
vers midi, entre dans le restau un
loustic entièrement recouvert d’un habit de raphia avec deux adjoints, on ne
lui voit pas un brin de peau, il gesticule comme un
forcené, pousse des gueulantes épouvantables, tous
les africains sont terrorisés, Johnny y compris, malgré
cela, il me dit en aparté que c’est Zangbeto, un revenant sorti de sa
tombe, qu’il faut faire tout ce qu’il ordonne, sinon,
il va arriver un grand malheur ; le « trépassé »
fait agenouiller les gens un par un en appelant chacun
par son prénom (ce qui prouve une préparation élaborée),
débite des incantations bénéfiques à l’intention
de chaque prosterné, il faut jeter devant lui un peu
d’argent que ses acolytes ramassent.
Chacun d’eux possède un
long bâton dont il se sert pour écarter les fibres
voltigeantes de l'habit du décédé, car une personne
effleurée par l’une d’elles tomberait foudroyée
sur place ; prenant un peu de recul, je considère la
scène et me rend compte que même les aides croient
au truc, ils ne lâchent pas l’esprit des yeux et
remplissent leur office avec beaucoup de sérieux et
en faisant très attention de ne pas être eux-mêmes
touchés.
Chacun ayant donné son obole,
le cortège s’en va faire la manche sur le marché,
provoquant sur son passage des hurlements de terreur
des vendeuses.
Je vends ma voiture 450.000
CFA assez vite, le copain n’ayant pas eu de touche
sérieuse, nous décidons de partir sur Cotonou, réglons
les chambres du foyer, adieux à Johnny.
Au Bénin Palace, un jeune
français cherche à vendre sans résultat une Renault
"Prairie" plateau des années
50, moteur 2,4 litres, 11 Cv, 200.000 CFA (615 €),
je me dis que ce serait un bon moyen de remonter, cela
me reviendrait au prix d’un billet d’avion, (sans
les aléas de l’embarquement à Lagos), arrivé en
Dordogne, me resterait l’auto ; de plus, en cours
de route, je pourrais remonter les fusils de brousse
et le canon.
Après avoir examiné l’engin,
je l’achète sans marchander ; me retrouver acheteur
me fait une curieuse impression, le type me laisse l’assurance
qui est encore valable deux mois. Un autre me propose
une innovation assez surprenante remplaçant un cric
: c’est un sac de forte toile plastifiée de la grosseur
d’un sac de marin cylindrique, mais plus court qui
se gonfle par l’intermédiaire d’un tuyau à la
sortie d’échappement ; quand on est ensablé, il
faut le glisser sous la voiture, la pression des
gaz lève celle-ci. En guise de démonstration, le vendeur
le place sous une 404, demande au chauffeur d’accélérer
un peu, l’auto se retrouve les deux roues arrière
en l’air instantanément, un clapet débrayable empêche
les gaz de ressortir trop vite, si bien que, même le
moteur coupé, la voiture reste dans cette position
plusieurs minutes, j’achète.
Ayant vendu sa trapanelle,
le copain me demande si je peux le remonter, et combien
je lui prends, me souvenant du prix que chacun avait
déboursé au retour de Bamako, je lui dis 25.000 CFA
(77 €), il me réserve une place, un autre français,
barman, est partant au même tarif.
Le lendemain, départ vers
le Nord, je m’aperçois rapidement que mon oignon
consomme beaucoup d’essence. Pour amoindrir la consommation,
je bouche en partie le gicleur principal avec les petits
brins de cuivre d’un fil électrique, après plusieurs
tâtonnements, en enlevant et en remettant, j’arrive
à une consommation raisonnable tout en gardant des
chevaux sous le capot.
Arrivée à Tchaourou, je
cherche le petit canon, calamitas, il a disparu!!!!!
Nous dormons à Parakou, partons
tard dans la matinée car je compte m’arrêter au
camping de Kandi.
Là, j’attends le soir,
dis à mes covoituriers que j’ai besoin de leur aide,
leur explique succinctement le plan, nous allons à
la cahute, j’écarte les planches, les fusils sont
toujours là, je les passe un par un à mes aides, nous
les rapatrions sans problème dans la piaule, le lendemain
de bonne heure, je donne le signal de départ.
La nuit, nous croisons ou
doublons des charrettes montées sur des essieux
de vieilles autos, quand tout va bien, elles ont une
petite lanterne rouge à l’arrière, le type est toujours
couché et roupille sur les marchandises, laissant le
bourricot tailler la route vers le marché, je n’en
ai d’ailleurs jamais vu s’arrêter ou s’écarter
de la droite du chemin.
Niamey, je casse la croûte
chez une mama, un Nigérien me montre son bras gauchetordu et
couvert de profondes cicatrices, il me dit que c’est
tout ce qui lui reste d’une Prairie comme la mienne
avec laquelle il a fait trois tonneaux ; je récupère
divers souvenirs laissés chez le copain d’un des
frères garagistes chez qui je préparais mes voitures
en Dordogne.
La piste est défoncée par
les camions, 40 bornes après Tillabéri, une lame de
suspension avant casse, la voiture devient bancale,
puis le moulin indique une surchauffe anormale ; j’arrête,
lève le capot, les silentblocs de moteur ont cassé,
le ventilateur en remontant dans un cahot a frotté
sous la réserve d’eau du radiateur et l’a percée.
Les bidons d’eau prévus
pour la traversée du désert sont vides, je vois le
Niger refléter la lune dans la nuit, décide d’aller
y puiser de l’eau, l’un de mes passagers m’accompagne,
le troisième garde l’auto.
La lune est assez pleine pour
que les yeux, une fois habitués à l’obscurité,
nous voyions où nous allons, mais le fleuve est beaucoup
plus loin qu’il n’y paraissait, croisant un petit
campement Touareg de six tentes, je tape dans les mains
pour essayer de leur acheter de l’eau, seuls les
chèvres et des moutons dans leur enclos d’épineux
nous répondent, ce n’est pas rassurant du tout, surtout
que les Touaregs ont la défense rapide !
Arrivé au fleuve, je m'avance
dans la vase pour remplir le bidon à moitié, car,
vu le chemin de retour à faire, nous avons une bonne
suée en perspective.
A l’aller, nous apercevions
le fleuve pour nous diriger, mais il est moins aisé
de garder une direction avec le fleuve dans le dos!
Un peu sceptiques sur la direction à suivre, nous attendons
bouffés par les moustiques, puis, les phares d’une
voiture passant au loin sur la piste nous orientent.
Deux bonnes heures après
être partis, nous retrouvons la piste, on en a plein
les bottes ! Maintenant, nous ne savons pas si nous
devons aller à gauche ou à droite, j’opte pour la
droite, un demi-kilomètre après, nous réveillons
le copain.
Je remets parcimonieusement
de l’eau juste au dessus des tubulures de refroidissement
du radiateur, puis repars ; après plusieurs remises
à niveau, nous arrivons à Ayorou, dormir les yeux...
Le lendemain à Niamey, recherche
de silentblocs et d’un gus capable de réparer le
radiateur. Je trouve des silentblocs, ils sont un peu
hauts, ronds au lieu d’être rectangulaires, mais
l’esthétique n’est pas de mise ! Jouant du cric,
je lève le moteur et les mets en place, pendant ce
temps, un soudeur me retape le radiateur, en 2 heures,
les malheurs sont réparés.
Arrivés à Gao, nous allons
poser nos pénates chez Gerry, il paraît que les lames
de ressort se ressoudent à l’arc, pourquoi ne pas
essayer ?
Boubakar me conduit dans les
fonds de Gao chez l’homme de l’art ; il a l’air
très compétent, mais me prévient que c’est sans
garantie.
Je démonte le bloc de lame
de ressort, sort la pièce cassée, le ferronnier la
soude à l’aide d’un groupe électrogène mû par
un moteur de 404.
Gerry est sur son 31, et affûte
ses fourneaux, le Paris- Dakar passe bientôt à Gao.
J’achète un fût, y mets
200 litres d’essence, complète de deux jerrycans
de 20 litres chacun, de l’eau dans deux autres de
dix litres, et c’est parti !
Mon acquisition se comporte
mieux que je le pensais dans le sable mou, peu de temps
après, la lame de suspension recasse.
Mon sac à lever les voitures
fonctionne à merveille, nous nous rions des ensablements,
pour sortir la voiture, même enfoncée jusqu’à l’os,
il suffit de creuser de quoi glisser le sac plat, démarrer,
gonfler, l’avant ou l’arrière se lève instantanément
de 40 centimètres, il n’y a plus qu’à combler
avec du consistant sous les roues et l’affaire est
réglée ; béni soit l’inventeur de cette merveille
!!!!!
Un peu avant Tessalit, nous
croisons des motards du rallye qui m’arrêtent pour
demander de l’essence car ils se sont paumés et ont
peur de ne pas en avoir assez pour finir l’étape,
je leur en donne, mais je suis obligé de filtrer l’essence
à travers un chiffon car le fut acheté à Gao est
plein de merdes, ils trépignent et repartent après
n’avoir pris que quelques litres (qu’ils ne m’ont
jamais proposé de payer, soit dit en passant !).
Plus loin, un accident vient
de survenir, un Suisse dans une belle combinaison blanche
est étendu, d’après les premiers secours, il a les
vertèbres cervicales en miettes, le copilote a une clavicule
cassée, la voiture, en résine est explosée. Selon
le coéquipier, c’est un autre concurrent, qui, lors
d’un passage étroit leur a fait une queue de poisson.
Il y a plein de monde sur place, ils me font
rigoler à jouer les aventuriers alors qu’ils sont
assistés comme pas permis, quelle bande de clowns !
On s’arrache, nous croisons de loin en loin d’autres
concurrents.
40 bornes avant Borj-Moktar,
une superbe moto BMW est sur la béquille centrale,
une paire de gants posée sur la selle, personne autour.
Arrivée à Adrar quasiment
à sec d’essence, bonjour à Ramdann, je lui dis que
cette fois-ci, je remonte, impression fugitive qu’il
me croit un peu fou. Il se remet du passage de la compétition
et n’a pas grand-chose à manger, nous arrivons tout
de même à nous caler les gencives, puis repartons.
Nous passons la douane à
Figuig, faisons Melilla-Almeria ; en France, je largue
mes passagers dans les villes qui leur conviennent.
Arrivé tard dans la matinée
à Lalinde, j’entre, crade de poussière du Sahara
dans le Coulobre, bistrot de « la Grande » et
lui commande les œufs sur le plat qu’elle fait à
merveille, malgré l’air penché de mon os, les flics
ne m’ont jamais arrêté (hors barrages et frontières)
de Cotonou à chez moi.
_Onzième chapitre_
Je trouve une 404 berline
ancien modèle en très bon état, pas chère, j’en
fais l’acquisition car, ayant ratissé le secteur,
je n’en trouve pas de plus récente.
Dominique et Lien, descendant
en 504, nous décidons de voyager de concert.
A l’embarquement d’Alméria,
nous rencontrons des Français allant en Afrique noire
qui se joignent à nous.
En Algérie, nous vendons
des bouteilles de whisky et des pièces détachées
d’auto.
Gavés de dinars, nous allons
manger le soir dans un restaurant d’état pour touristes
dans lequel on peut boire du vin, nous prenons quasiment
une bouteille par personne, chacune d’elles, bien que possédant la même étiquette,
a un goût différent des autres, mais très bon ; nous
en sortons tard. Dominique connaissant une cascade,
nous décidons d’aller y faire un tour. Le fond de
l’air est frais, mais c’est trop tentant avant le
désert pour faire l’impasse ; pistant les alentours,
nous nous foutons tous à poil, passons sous la chute
d’eau et nous baignons rapidement.
Béchar, nous nous garons
sur une grande place, allons déjeuner, puis, cherchons
des clients chacun de notre côté pour larguer les
pièces qui restent.
Çà donne dur, nous nous
croisons à plusieurs reprises pour aller livrer.
Revenant à ma voiture, je
vois plein de flics autour de celle de Dominique, lui
et Lien serrés, je monte discrètement dans la mienne
et la gare dans une petite rue éloignée, puis, faisant
des détours, je vais chez chacun de leurs clients à
qui je conseille, s’ils ont du piston, de faire intervenir
rapidement afin d'étouffer l’affaire, car sinon,
ils vont subir une perquisition, visiblement, nous
avons tous été dénoncés.
En leur faisant réaliser
qu'ils sont mouilllés, je les oblige à sortir, s’ils
le peuvent, Lien et Dom du merdier, puis je leur dis
que çà pue pour moi dans le secteur et que j’attends
les potes à quelques bornes après la sortie sud de
la ville, l’un d’eux me dit «toi, tu connais les
ficelles! », tu parles, Charles, avec mes embrouilles
précédentes à la douane d’Adrar, je pourrais donner
des cours !
Je fais quelques kilomètres,
stationne en retrait de la route à droite, attends
trois bonnes heures, le soir tombe, je casse la croûte,
toujours personne, je mets un petit feu de position
latéral pour être visible, sors le sac de couchage
et commence à en écraser, peu de temps après ils
arrivent, suite aux interventions de leurs clients,
les flics les ont lâchés, après quelques congratulations,
on se casse.
Passage d’Adrar et du Tanezrouft
sans grosses difficultés, à Gao, réparant mes deux
roues de secours dans la cour de Gerry, je dis à Dominique
de réparer la sienne (il n’en a qu’une), il me
répond qu’il n’y a pas urgence, j’insiste, lui
proposant s’il la sort, de réparer sa chambre à
air, sans résultat.
Quelques jours plus tard,
nous quittons Gao, direction Niamey, un copain malien
me demande de descendre son cousin sur le Niger, pas
de problème, je fais un peu chauffeur de maître car
mon passager doit s’asseoir à l’arrière ; pour
innover, j’avais démonté le siège passager et mis
le fut de 200 litres à la place, ceci afin d’équilibrer
les poids lors de la traversée du Sahara.
La nuit, sur la piste, 40
bornes avant Tillaberi, Dominique s’arrête ; sa roue
arrière droite est à plat, il sort le cric, se
glisse sous la voiture pour le placer et se relève
comme un ressort en disant qu’il s’est couché sur
une épine, on regarde son dos à la lampe électrique,
rien, mais comme a l’air secoué, éclairant l'endroit
ou il s’est allongé, j’écarte les feuilles avec
la manivelle, apparaît un petit scorpion blanc-transparent
d’à peu près huit centimètres de long, après lui
avoir fait un sort, je le balance dans la brousse.
Le père Dom décline à vue
d’œil, et ce con qui n’a pas de roue de secours
....!!!!!
Je mets le cric en place,
sors la roue, démonte la chambre à air, en obture
le trou, la replace dans le pneu, repose la roue sur
la voiture, demande à mon passager de la gonfler avec
ma pompe à pied en même temps que je revisse les boulons
(10 minutes en tout).
Une fois que ceux-ci sont
à peu près bloqués, je dis à Lien que je vais partir
avec le boulet en éclaireur pour essayer de trouver
de quoi le secourir en ville, ils n’ont plus qu’à
gonfler suffisamment le pneu, sortir le cric, vérifier
le serrage des boulons, ils sont assez grands pour s'occuper
de çà, on se retrouvera plus tard en ville.
J’aide mon colis à monter
derrière et drope vers Tillabéri ; arrivé au barrage
d’entrée de la ville, un militaire me demande les
papiers, je lui oppose qu’il n'en est pas question,
que j’évacue un blessé par piqûre de scorpion,
il faut que je voie un médecin le plus vite possible.
Je dois être convaincant,
(j’entends mon Dominique râler qu’il « sent sa
vie qui s’en va », le connaissant, je me doute qu’il
en rajoute, mais c’est tout de même inquiétant),
ils me laissent passer.
Un môme propose de me conduire
au dispensaire, je lui dis de monter sur l’aile avant,
et nous voilà partis par les rues noires de Tillabéri.
Un peu plus tard, le gamin
me fait signe de tourner sur la gauche, je vois briller la petite
lumière d’une lampe à pétrole, nous sommes arrivés,
je donne une pièce à mon guide qui s’en va tout
content.
J’entre dans une grande
salle au milieu de laquelle se trouve une petite table
haute où sont posés des instruments nickelés, à
côté, un tabouret, personne à l’horizon.
J’appelle, une voix venant
des chiottes me demande ce qui se passe.
Je réponds que j’ai un
client scorpionnisé à réparer, on me dit, « installez-le
sur le tabouret ».
Je vais chercher Dom, il est
affalé, je dois passer son bras autour de mon cou pour
le sortir de la voiture, il n’est pas gras, mais plus
grand que moi et lourd l’animal ! Je l’engueule
un peu pour qu’il réagisse, il fait un petit effort,
nous arrivons ainsi dans la salle ; un grand black vêtu
d’une blouse et d’un bonnet d’un blanc immaculé,
finit de s’essuyer les mains à côté d'un tabouret
sur lequel je dépose le copain.
Nous nous saluons, puis, en
deux mots, je lui narre l’histoire, en même temps,
il relève la chemise de Dominique qui présente, au
milieu de son dos, à droite de la colonne vertébrale,
un énorme croissant violacé en relief, la peau est
grainée de chair de poule.
Le requinqueur du genre humain
n’a pas l’air étonné, moi, je suis impressionné,
le type prend une seringue posée sur la tablette à
instruments, et commence à pomper le liquide d’une
petite fiole.
Chose curieuse, il demande
à son patient où il a mal, alors que cela me paraît
évident ; Dominique mettant sa main dans le dos nous
désigne un endroit 10 centimètres plus bas que le
méchant croissant.
Le médecin se tourne vers
moi, et me demande « qu’est-ce qu’on fait ? »,
n’en sachant trop rien, je lui suggère d’injecter
une moitié où c’est pas beau, et l’autre où ça
fait mal.
Le praticien s’exécute,
le temps que le produit agisse, je lui fais part de
mon étonnement de l’avoir vu si fin prêt, il me
répond «quand il y a pleine lune, et du vent comme
ce soir, je sors une dose de vaccin du frigo, car les
scorpions surgissent de partout». Je le félicite pour
son expérience et du sérieux de son intervention.
Quelques minutes plus tard,
le moribond reprend goût à la vie, il faut un peu
l’aider pour qu’il se lève, mais il tient debout,
je demande comment le vaccin peut agir si vite, le spécialiste
répond qu’il comporte un analgésique.
Je demande à combien se monte
la prestation, c’est gratuit, je trouve tout cela
admirable ! Me disant que je ne peux partir comme un
chien, je lui donne un billet de 500 CFA en l’invitant
à boire une bière à la santé de Dominique dont il
s’est si bien occupé, il accepte le modeste billet
avec les mêmes gentillesse et simplicité dont il a
fait preuve depuis le début.
Après l’avoir remercié
chaleureusement, nous repartons ; dans la rue principale,
nous nous arrêtons à la hauteur de la place du marché
où les mamas officient pour rassasier les voyageurs
de passage ; le Dominique, ressuscité, a furieusement
faim et soif.
Mettant la voiture en vue le long de la rue
pour que les autres nous retrouvent facilement, nous
attaquons chacun un demi-poulet bicyclette avec du riz au gras
et bière.
Les mamas se plaignent de
la girafe du gouverneur ; il a acheté l’animal tout
jeune en brousse et l’a lâché sur le marché pour
qu’il se serve en tomates, salades et autres primeurs
sur les étalages, au début, çà faisait rire, mais,
la bête en a pris l’habitude, et, devenue
grande s’est mise à manger comme telle, le gouverneur
trouvant la combine pratique, la lâche tous les
matins pour qu’elle aille se sustenter sur le dos
des pauvres vendeuses de légumes qui font restauratrices
le soir et pas question de repousser la bestiole qui
est protégée par la police et une girafe, ça croque
dur......
Tout en finissant de casser
la croûte, je narre à Lien et mon passager le
rafistolage de Dom. Sur la fin du repas, mon passager,
se lâchant un peu, me confie qu’il est déserteur,
que son parent a pensé qu’il lui serait plus facile
de sortir du Mali dans une voiture de « touriste »,
je tords le nez, car ils m’ont mouillé dans leurs
histoires sans me prévenir.
Niamey, je largue mon insoumis.
Accompagné de Dominique, je vais rendre visite au Français
chez qui je laisse mes souvenirs africains, puis nous
retournons aux voitures, Lien s’est entre-temps fait
piquer les papiers et une partie du pognon qui étaient
dans une sacoche : Un môme s’est pointé en disant
négligemment « votre roue de secours est détachée
», Lien va à l’arrière, rien à signaler, revient,
plus de sacoche, elle a "bénéficié" d'une
variante de la roue arrière poinçonnée à laquelle
j’avais déjà eu droit, sans me faire taxer.
Vu comment Dominique a réagi
quand j’étais planté à Béchar lors de la descente
précédente, je ne prends pas trop de gants pour lui
dire qu’il m’est inutile d’attendre ses nouveaux
papiers, de plus, il lui reste un peu d’argent, après
de brefs adieux, je continue vers le Bénin.
La frontière béninoise passée, sur la piste,
la roue avant gauche crève, je m’emploie à la changer,
quand une bonne odeur de viande grillée me vient aux
narines ; cinq minutes plus tard, je trouve un type
accroupi devant un cratère creusé à côté de
la piste, il surveille un foyer autour duquel rissolent
à la verticale des brochettes de tripes tout à fait
appétissantes, je lui en prends trois et commence à
m'en régaler, voyant qu’elles sont fourrées, je
demande au Vatel du barbecue ce qu’il a mit dedans,
il me répond, me prenant visiblement pour un demeuré
: « Bah, c’est la merde, patron » ; après avoir
grignoté l’extérieur de mon repas, j’en balance
la farce.
Un peu avant Bembéréké,
je gaule deux caméléons.
À quelques bornes de Parakou,
un splendide
oiseau s'éclate
sur mon pare-brise, ses plumes ont de magnifiques reflets
bleus comme en ont les grands papillons exotiques.
Je fais halte chez celui que
je soupçonne d’avoir envoyé Nestor ad patres ; le
gardien, voyant l’oiseau bleu, me demande ce que j’en
fais, je réponds que seules les plumes m'intéressent,
nous passons un deal: il me met les plumes de côté
et garde le reste pour sa gamelle ; je choisis de dormir
sur la terrasse bien que ce soit la saison des pluies
; le matin, comme prévu, je me réveille à l’humide,
mais sous ces latitudes, ce n'est pas bien gênant.
La nouvelle expression africaine
du moment est « nous sommes conjoncturés ».
Le lendemain soir, après
avoir mangé chez les petites mamas de Kokoro, fatigué,
je décide de faire un roupillon ; après la ville,
m’écartant de la piste, je m'engage dans la végétation,
(pas très loin, car la forêt est vite impénétrable),
comme d’hab ; je m’arrête en position de départ
à l’arraché.
Je dors très mal, bien que
je fasse brûler un serpentin anti-moustiques, ceux-ci
viennent faire leurs prélèvements sans gains, de plus,
les singes et autres animaux font un boucan infernal,
une demi-heure après, je retourne à Kokoro, me retire
derrière les boutiques des mamas et en écrase comme
un sonneur.
Au matin, je vais chez les
petits marchands de café (en poudre) au lait (concentré) qui officient avec
gravité.
Une fois lesté (avec un N,
ça le ferait), je reprends ma route en me tâtant si
je fais un tour ou pas à Abomey ; après tout, même
si je n’y fais pas affaire, je verrai la bonne trogne
de Johnny.
Après avoir été le saluer,
je vais boire l’apéro à l’hôtel, il y a quatre
Français ; deux frères, dont l’un, rouge vif, est
venu voir comment ça se passe dans un pays marxiste-léniniste,
il a acheté toute la panoplie de petites broches à
l’effigie
de leaders communistes
(Staline, Lénine, Mao, et toute la clique...),
ainsi que divers formats du petit livre rouge venant
probablement de Chine, plus un couple, dont la
nana est passablement allumeuse, ils ont tous vendu
leurs voitures sur la piste et viennent visiter la capitale
du roi Béhanzin, nous buvons un coup, je fais colocataire
avec les frangins à l'hôtel.
Je rentre après avoir mangé
et beloté tard chez Johnny, sur un petit carreau de
la porte de l’hôtel, je vois une énorme mante religieuse,
je pense ne rien risquer en la prenant par le dos comme
les crabes, cette salope me détrompe immédiatement,
rotation de l’abdomen telle une tourelle de char d’assaut,
elle me plante une pince sous la peau de l’ongle du
pouce, surpris, je la jette par réflexe à terre sur
le ciment, sans que cela ait l’air de la gêner, puis
la balance au loin dans la végétation, j’avais qu’à
ne pas l’embêter !
Quelques jours plus tard,
le frère communiste s’en va en train visiter un autre
bled, je l’emmène avec son frangin à la gare de
Bohicon ; quand nous arrivons, il y a un patacaisse
d’enfer, des militaires partout. Une fois le voyageur parti,
nous nous attardons pour savoir ce qui s’est passé,
une petite fille a été trouvée la poitrine ouverte,
le cœur arraché : Un sorcier a promis à un bossu
de le soulager de son infirmité s’il lui apportait
un cœur humain, le contrefait a entraîné la fillette
dans l’un des fourrés qui touchent la gare et l’a
opérée à deux pas des parents qui attendaient le
convoi.
Le lendemain, je ripe les
galoches sur Cotonou.
Au Bénin-palace, il paraît
que le Point air vient d’ouvrir une ligne faisant
Ouagadougou-Lyon pour 1800 ff (275 €), puis Lyon –Paris
en car gratuit pour les intéressés, je sens que ce
sera mon nouveau mode de retour au pays !!
Les marchands vendent des
montres à quartz comme je n’en verrai que cinq ans
plus tard en France, elles font réveil et possèdent
un grand choix de sonneries, dont le chant du coq ou
la Marseillaise.
Un intermédiaire prétend
avoir un client dans un petit village de brousse à
une dizaine de bornes de Cotonou ; arrivés sur les
lieux, il y a répétition de concert vaudou, mon type
me drive dans une case un peu à l’écart de la place
où se tient l’orchestre, me dit que le chef du village
est l’acheteur potentiel, il faut que j’attende
là, car je ne dois pas assister à la prestation (de
métro). Il m’amène une Béninoise tiède (que je
paie) pour me faire patienter, j'attends dans un fauteuil
en tiges de feuilles de bananiers, la cérémonie bat
son plein, les chants, les tam-tams très puissants,
un sifflet à roulette déchirant ; très impressionnant,
j’en ai le poil qui se hérisse !!
Je reste ainsi une bonne plombe
; ma bière pliée depuis longtemps, mon entremetteur
revient me demander si je peux encore attendre, je lui
réponds qu’il n'en est pas question, j’en ai ras
le bol, que je rentre avec ou sans lui à
Cotonou, j’ai bien l’impression que le loustic m’a
prit pour taxi.
Tournant avec un copain français
dans les arrières de Cotonou pour appâter l’acheteur
d’auto, dans une gargote, je commande deux B.B ; près
de nous un allemand obèse plutôt crado est en pleine
consultation, il est muni d’un énorme bouquin de
médecine rédigé en allemand, dans lequel sont répertoriées
et décrites toutes les maladies, en marge, sont indiqués
les médicaments correspondants. Apparemment, il fait
des tournées régulières, les malades se pointent
tel jour à telle heure dans tel bistrot et racontent
leurs petites misères ; après avoir écouté les symptômes,
il consulte son bréviaire, rédige une ordonnance,
éponge un billet. Entre deux clients, on discute avec
le teuton ; après trois tournées de BB, celui-ci nous
confie qu’il n’est pas plus docteur que moi, ayant
acheté ce livre rédigé en allemand
sur un marché africain, il a commencé à rendre service
à droite et à gauche, puis, le bouche à oreille fonctionnant,
il a institué une tournée, maintenant, son affaire
roule toute seule.
Le lendemain, je vends ma
voiture à Porto-Novo ; revenu à Cotonou, le soir,
je vais manger chez un Français qui tient un restaurant
sympa assez classe près du bord de mer (sans en avoir
la vue), après avoir bu l’apéro avec des confrères,
nous allons manger dans l’arrière salle, il y a un
couple attablé, je ne sais pas si ce sont des bribes
de leur conversation entre-entendue d’une oreille
distraite, ou la description que m’en avait faite
son chevaucheur précédent, mais je suis subitement
persuadé que c’est la nana poursuivie par le furieux
à l’Opinel.
A Jonquet, je prends le Cotonou-Lomé
; deux jours auparavant, un taxi 404 plateau similaire
(19 personnes, plus les bagages) faisant cette ligne,
s’est planté de nuit dans un rouleau compresseur
que les ouvriers du chantier de réfection de la route
(rongée en permanence par la mer) avaient laissé en
plan sans signalisation après la débauche, résultat
: la moitié des passagers et le conducteur morts sur
le coup, et les autres en charpie. L’habitude africaine
pour signaler des obstacles sur la chaussée est de
couper des branchages et de les poser cinquante ou cent
mètres en avant, dans le cas présent, il ne devait
pas y avoir de végétation dans le coin...
Lomé, je déjeune de croupions
de dindes fumés, achète une statuette et deux
bracelets d’ivoire
dont l'un ,en ivoire rose (cette couleur étant probablement due à son entretien à l'huile de palme ); quelques heures après, je suis en partance en 404pour la frontière vers
Ouaga.
J’ai pris l’option 1ère classe (à l’avant), tout se passe bien à part
que ce con de chauffeur a dû tirer comme un fou toute
la journée car il s’assoupit, je m'en aperçois rapidement
et le secoue, je lui dis « passe-moi le volant »,
il ne veut rien savoir, et continue la route à roupiller
en conduisant, à la fin, il m'énerve trop, je le surveille
en permanence et lui mets des calottes derrière la
tronche à chaque fois qu’il pique du nez.
Dapaong, frontière, il est
tard, je casse une croûte dans un boui-boui, puis vais
roupiller aux alentours de l’endroit d’où partira
le lendemain un taxi vers Koupéla ou Ouaga, pas un
chat dehors ; bien sûr, pas d’éclairage urbain,
le coin est sinistre, j’étends ma natte par terre
et me glisse dans mon sac de couchage. Le lendemain
matin, ma lampe torche a disparu.
Arrivée à Ouagadougou, je
pose mes affaires au petit hôtel sympa dans lequel
nous étions descendus avec Eric lors de ma deuxième
descente, un taxi me mène aux bureaux du Point-Air,
y demande un Ouaga-Lyon, toutes les places sont prises,
je dois prendre un billet dont le numéro
donne priorité chronologique si des places se libèrent,
pour les autres, c’est remis à la semaine d'après,
bonjour l'appréhension !!!!!
J’ai de la chance, nous
arrivons de nuit à Lyon, je prends le train pour Bergerac.
_Douzième chapitre_
Une 404 break m’attendait,
désespérant de voir un jour le soleil africain, je
la prends par la poignée de portière et nous partons
ensemble vers le sud.
Arrivé à Adrar, repas chez
Ramdann, puis je vais faire les pleins, deux Français
type zonards m’abordent et me demandent si je peux
les emmener, réponse habituelle, 250 ff par tronche,
ils tordent le nez, apparemment, ils sont arrivés jusqu’ici
sans sortir une tune et me prennent pour le père Noël,
je leur explique que :
1° Les transporteurs sont
rares et plus chers que moi.
2° Je ne les étrangle pas
(j'ai payé 300 ff lors d'une remontée moins confortable
par cette piste), je peux quasiment demander ce que
je veux car c’est ça ou rester planté on ne sait
combien de temps.
3° Que c’est bien moins
cher que la SNCF.
4° Que 150 kilos de plus
dans la voiture n’arrangeront pas celle-ci.
5° Que leur équivalent en
poids d’essence me rapporterait le double à Gao.
Je leur suggère de réfléchir le temps que je mette en fût le jus
à régaler les carburateurs.
Cette bonne chose faite, je
retrouve mes loustics, ils me disent qu’ils ne peuvent
pas me payer tout de suite, car leur argent est enregistré
sur le carnet de devises, je leur réponds que ce n’est
pas un problème, ils me règleront à Gao, ils s'entreregardent,
je comprends qu’ils veulent me faire marron, ils sont
un peu jeunes......
En plein Tanezrouft, je demande
:
_Vous n’entendez rien ?
_ Non.
_ J’ai une roue crevée.
J’entends très distinctement de
l'air qui s'échappe à chaque tour de roue « pschit,
pschit, pschit, pschit ».
Il faut dire que je suis perpétuellement
sur le qui-vive, toujours un œil sur la température
d’eau et le voyant d’huile, un son inhabituel m’alerte
immédiatement et selon le type de crevaison, avec une
oreille affûtée, on peut entendre le bruit que fait
l’air en s’échappant d’un pneu crevé, je peux
ainsi, changer celui-ci avant qu’il ne soit complètement
à plat et ne s'écharpe.
Arrivé à Gao en fin d’après-midi, les
gosses autour du commissariat m’appellent par mon prénom,
Mamby est heureusement surpris et content de me voir
en bonne santé car le bruit court, que lors de
ma dernière descente, j’ai passé l’arme à gauche
; je laisse mon passeport à tamponner et les lascars
remplir leurs feuilles d’entrée, vais en les attendant,
m’en jeter une ou deux, peut-être trois à l’Atlantide.
Après les avoir récupérés,
nous arrivons chez Gerry, des touristes sont attablés
dans la cour, Gerry, lui aussi surpris de me revoir,
se lève de table, et, me désignant dit à des clients
: « vous n’avez qu’à lui demander !», un peu
interloqué, je demande ce qui se passe, il me désigne
un loustic au milieu de nanas, "monsieur affirme
qu’il est impossible de faire Adrar-Gao en deux jours",
je lui suggère de demander à mes passagers ; après
que nous nous soyons congratulés, je m’installe à
côté de Gerry, me mets au casse-croûte ; j’apprendrais
que le coco interpellé traverse en Land-Rover, qu’il
a joué les baroudeurs auprès de ses passagères pendant
les trois jours pleins de leur descente, ça lui casse
un peu son coup....
A la fin du repas, je demande
à mes deux passagers de me payer, ils s’exécutent
en tirant la tronche.
Le lendemain matin, je fais
connaissance d’autres petits groupes, la plupart sympas
et branleurs, dont un de chasseurs, ils sont venus de
France avec des fusils de gros calibre pour casser de
la pôvre bestiole de brousse.
Après le repas du soir, nous
allons tous boire un coup dans les bars de Gao, l'Oasis,
la Casa, le Twist-Bar, l'hôtel l'Amitié, nous finissons
dans la seule "boîte de nuit", le Désert,
les autres sont plus vite bourrés que moi car ils fument
du shit acheté au Maroc, ne fumant pas, et ne voulant
pas être de reste, je leur tape une boulette que je
mâche, cela devient comme du chewing-gum au goût très
fort, que je finis par avaler tout rond. Toute la soirée,
j’en ai des renvois, c’est dégueulasse ! Nous finissons
déchirés comme des cartables.
Le lendemain, pêche avec
Mamby et Gerry ; toujours aussi mauvais, j’en suis
de ma tournée.
Gerry se fait du souci pour
ses superbes sloughis à la poitrine "PamélAndersonnesque",
car la police jette un peu partout des boulettes empoisonnées
pour tuer les clébards errants qui vont dans le cimetière
déterrer et bouffer les morts la nuit. Le problo, est
que les chiens du copain vont se balader à leur gré
dans Gao, hélas, ils y passeront tous, car ces animaux
n’ayant jamais connu de laisse, ne la supporteraient
pas.
Quelques temps plus tard,
je file au Bénin faire adopter ma voiture moyennant
une modeste contribution.
Ayorou, c'est la Tabaski
(fête (au sens propre) du mouton), il y a un bordel
terrible, car se déroule en même temps le
grand
marché annuel aux bovins,
il y a des bestiaux partout, y compris au milieu de
la route, il faut avancer doucement, car ces magnifiques
animaux sont à moitié sauvages ; ceux qui ont les
cornes peintes en rouge ont au moins une mort humaine
à leur actif, mais, ces bêtes, ayant une grande valeur
marchande, ne sont pas abattues pour autant.
Avant Niamey, je vois des
allemands en rade sur le bord de la route, leur 504
refuse de fonctionner, elle a beaucoup de mal à démarrer
et quand elle le veut bien, s’arrête au bout de quelques
kilomètres, pour couronner le tout, c’est une Diesel
! Je me penche un peu sur le malheur, et voyant que
le gas-oil n’arrive pas bien, je leur demande s’il
y a longtemps qu’ils ont remplacé le filtre, ils
me répondent l’avoir changé à Tahoua (route de
Tam), et que ça n’a rien amélioré, je ne vois qu’une
chose : la crépine du réservoir doit être encrassée,
démontant le tuyau avant le filtre à gas-oil, je mets
une pompe à gonfler les pneus au bout, et leur demande
de l’activer à plusieurs reprises, puis remonte le
tout, pompe le gas-oil, la cacugne se met à tourner
du premier coup comme une horloge, après leur avoir
conseillé de nettoyer le réservoir à la première
occasion, on va arroser ça (à leurs frais car, comme régulièrement,
je suis quelque peu ruiné). C’est leur première
descente, et ils me demandent où il est le plus facile
de trouver un acheteur, je leur dis que j’ai l’habitude
de larguer mes oignons au Bénin, ils demandent à me
suivre, je n’y vois pas d’inconvénients s’ils
ne me ralentissent pas.
Après la frontière Béninoise,
nous allons boire une BB ; en face de la cahute, une
404 est basculée sur les portières, un berceau de
pneus en guise de protection, un mec ressoude l’échappement,
apparemment, c’est la technique locale pour réparer
cet organe.
Nous voyageons de concert
jusqu’à Parakou, j’arrive chez feu Nestor avec
un caméléon au revers de la chemise et sec (ff)
comme un coup de trique.
Les allemands ne m’ayant
pas lâché la grappe, je décide de les taper, ils
me passent un peu du l’arzent, je paie une tournée,
une des petites serveuses me désigne discrètement
un couple de jeunes Français au fond du restau et me
dit qu’ils n’ont pas mangé depuis deux jours, qu’ils
sont plantés et attendent un mandat de France.
Je vais leur demander si c’est
vrai, « Oui », je retape mes allemands, et leur paie
à becqueter.
Nous restons quelques temps
à Parakou pour essayer de larguer nos trognons respectifs,
les mômes reçoivent leur pognon et me remboursent,
du coup, ils doivent aller à Cotonou, je leur propose
de les transporter à l'oeil et leur tape de l’oseille
pour apurer ma dette auprès des teutons qui commencent
à me peser.
Le lendemain, nous nous arrachons
sur Cotonou, le père de la nana travaille à Sokoto,
au Nigeria, il est marié à une Ghanéenne qui compte
faire du trafic d’or venant de son pays, je leur dis
que le truc m’intéresse, s’ils cherchent un quatrième,
je suis partant, nous décidons de faire la prochaine
descente ensemble et de continuer sur Sokoto après
avoir vendu nos trapanelles, prévenu, le paternel pourra
préparer le terrain.
A Cotonou, nous échangeons
nos adresses pour que je puisse les rembourser, nous
promettons de nous tenir au courant de nos trouvailles
automobiles une fois revenus en France.
Au Bénin palace, quelques
copains et Basile sont heureux de me revoir, cette rumeur
que j’ai claboté s’est vraiment répandue tous
azimuts.
Un matin, je me fais agrafer
par deux flics car j’ai dépassé le temps accordé
pour dédouaner ou ressortir le véhicule du Bénin,
je n’ai pas une tune à leur filer pour me sortir
de leurs pattes, ils montent dans la voiture et m’ordonnent
de driver sur le commissariat pour confisquer l’auto,
je me débrouille pour passer devant chez Mohamed, un
copain Libanais, il tient la boutique de tissus au mètre
«Chic-choc» ; lorsque je suis à la hauteur de son
échoppe, j’arrête la voiture, sors les clés du
contact et dis aux flics « je reviens », me rue à
l’intérieur, je casse le coup à Mohamed, et lui
tape 3000 francs CFA pour régler l'affaire, soudain,
des gueulantes nous parviennent du dehors, c’est un
voleur qui est aux prises avec ses victimes et qui tente
de s’échapper (avant de se faire écharper), les
flics sortent presto de ma 404 pour l’interpeller,
il se débat comme un beau diable, voyant le tableau,
je dis « à tout à l’heure » à Mohamed, lui rends
son oseille, monte dans ma voiture, et m’arrache,
là, ça m’a frisé les moustaches !!
Après avoir vendu ma moulinette
à kilomètres, je passe à Jonquet, direction Lomé,
puis, dans la foulée, un Lomé-Dapaong, le soir venant,
le taximan s’aperçoit que les phares ne fonctionnent
pas, déjà que les routes sont dangereuses, là, ça
fait beaucoup ; épaulé par un étudiant en médecine
allant à Paris faire ses études, je persuade le chauffeur
de s’arrêter avant que nous prenions un camion dans
la tronche ; je coupe sous le capot un fil électrique
non essentiel au fonctionnement immédiat de la voiture,
fais une jonction directe de la batterie aux fusibles
qui alimentent les codes.
Après Dapaong, frontière
Togo/Haute-Volta, 7 heures du mat’, tout le monde
descend, le prochain taxi en partance pour Koupéla
est un petit Toyota, nous attendons toute la matinée
; à midi, deux places ne sont pas prises, je propose
un deal à l’étudiant, payer à nous deux l’une
des deux places libres au taxi driver, ce qui permettra
de partir, car l’avion s’en va vers 11 heures ce
soir, et que, comme c’est parti, ce connard va nous
le faire rater.
J’explique le coup au cocher
des chevaux-vapeur :
- « Nous te réglons une
place, tu trouveras toujours des gens à prendre le
long de la route pour compléter les deux places libres,
cette place payée jusqu’à Koupéla sera tout bénéfice
pour toi ».
Cette tête de cochon ne veut
rien savoir, quitte à nous faire attendre trois jours,
il veut partir voiture pleine !
Vers 12h30, une 504 plateau
se pointe, avant que son conducteur ne rentre dans la
maison devant laquelle il s’est arrêté, je le choppe,
lui explique en deux mots la situation et lui demande
s’il peut nous emmener, l’étudiant et moi, jusqu’à
la prochaine ville, nous proposons le tarif taxi-brousse,
il est d’accord, venu apporter quelque chose à sa mère, il n’en
a pas pour longtemps.
¾ d’heure plus tard, il
sort, le marché tient toujours, nous montons, les autres
passagers nous voyant, demandent s’ils peuvent venir
aussi, notre cocher n’y voit aucun inconvénient,
toute la fournée du taxi se retrouve à l'arrière
de la 504.
Je dis au chauffeur qu’il
aurait dû accepter notre proposition qui était plus
qu'honnête, que maintenant…etc….., l’insulte
africaine épouvantable à cette époque était « immmmmbécile
» avec un « m » très long et prononcé ; énervé
devant tant de bêtise, je conclus ma diatribe en le
traitant de la sorte et, la voiture démarrant,
l’étudiant reprend « immmbécile », un autre passager,
puis deux, puis trois, à la fin, tous les gens montés
avec nous, de plus en plus fort et en cœur :
« immmbécile, immmbécile, immmbécile, immmbécile,
immmbécile, immmbécile, immmbécile, immmbécile ».
Curieusement, le taximan disparaissant
à l’horizon me regarde l’air pas content du tout
! En attendant, tout le monde est mort de rire.....
Tenkodogo, notre guide nous
dépose, il ne veut pas d’argent, nous lui payons
une bière pour le remercier de nous avoir sortis de
cette embrouille, puis, nous prenons un taxi pour Ouagadougou
; attendant à un barrage, je regarde passer une charrette
avec des herbes dont les racines portent des bulbes,
ce sont des arachides, j’apprends ainsi que les cacahuètes
ne poussent pas sur les arbres !!!
Nous prenons nos billets,
ce n’est qu’une fois dans l’avion que nous pouvons
souffler, à une demi-heure près, nous rations l’appareil
à effacer les distances.
Arrivé en France, je profite
du voyage Lyon-Paris en car pour aller visiter ma famille,
deux jours plus tard, à Épinay, un copain de mon frère
ayant appris ma mort, lui présente ses condoléances.
_Treizième
chapitre_
Je trouve une 404 plateau
plutôt fatiguée, chère 4000 ff (615 €), alors je
me saigne car ce genre d’engin, assez rare, très fonctionnel, trouve
toujours preneur à bon prix en Afrique.
Les jeunots me rejoignent
en Dordogne, j’attendais une copine de Bordeaux pour
lui dire au revoir ; ne pouvant pas attendre deux heures,
ils se tirent, nous nous donnons rendez-vous à Adrar
chez Ramdann.
J’arrive un vendredi (jour
de repos) à la fin du ramadan chez Ramdann (elle est
bonne celle-là), les « copains » sont passés la
veille et ne m’ont pas attendu.
Ramdann est avec un pote à
lui qui chauffe le car Adrar-Oran, j’ai une bonbonne
de 5 litres de vin espagnol, de la bière, il me reste
du Ricard, nous attaquons l’apéro vers 11 heures
le matin, Ramdann boucle son estaminet.
Nous restons à table jusque
vers minuit, déchirés ; le copain de Ramdann me dit
qu’à Adrar il y a tout un réseau d’eau souterrain
avec des ouvertures en surface pour puiser, ces puits
s'appellent des foggaras, des poissons sans yeux y
vivent, mais, depuis que l’eau est distribuée en
canalisations par l’Etat on n’entretient plus ces
puits qui
commencent à se boucher, je trouve cela désolant,
nous nous proposons d’y aller faire un tour, mais
la soirée continuant, on passe à autre chose, nous
rigolons comme des bossus, le chèche
de Ramdann est tout de travers sur sa tête.
Le lendemain, je démarre
tard, allez donc savoir pourquoi !
La 404 plateau n’est pas
géniale pour passer dans le sable, les suspensions
arrière sont très raides, les roues arrière, ne portant
pas beaucoup, patinent facilement. De plus, la cabine,
très petite, ne laisse pas circuler l’air
Quelques
dizaines de kilomètres après Anèfis, je vois dans
le rétro l’horizon s'obscurcir rapidement, c’est
une tempête
de sable comme
je n’en ai jamais connu : Extrêmement compact, on
dirait qu’un château fort immense avance dans la
même direction que la mienne, mais plus vite que moi,
j’essaie d’accélérer, peine perdue, je vois des
murailles de sable me rejoindre, puis grignoter l’arrière
de la voiture qui disparaît dans le rétro ; d’un
seul coup, obscurité complète, je stoppe en souplesse,
dans la cabine, il fait plus noir que de nuit, pour
connaître l'ampleur du phénomène, suivre ce lien, ou celui-ci.
Je ne vois pas ma
main devant mes yeux, chaleur étouffante instantanée
! Je tire le frein à main, enclenche la première,
sors de l’auto avec mon sac de couchage, le passe
tête-bêche pour faire filtre à air, me couche devant
la voiture, et roupille comme un loir ; quand je me
réveille, couvert de sable, je ne sais
pas combien de temps a passé, (à vue de nez deux
ou trois heures), la tempête est finie.
Une centaine de bornes avant
Gao, les bielles commencent à claquer, j’essaie de
ne pas trop tirer sur la bête, mais j’arrive l’embiellage
dans le sac.
Passage au commissariat, puis
je vais chez Gerry.
Le lendemain, Sadou l’aveugle,
déjà au courant de mes avatars, passe me voir ; il
a un client à 1.000.000 de francs maliens (10.000 ff,
500.000 CFA) nets pour moi, il a la réputation d’avoir
négocié des affaires sans que les services économiques
n’aient fait d’embrouilles, je dis banco, une heure
plus tard, l’affaire est pliée, je suis payé à
peu près moitié en CFA, moitié en francs maliens.
Le soir, Gerry me montre une DS 19
qui stationne dans sa cour depuis déjà un bon moment, il écarte une ouverture pratiquée dans
le siège arrière, en sort de l’herbe avec laquelle il se roule un joint comack
; des gens de passage lui ont demandé de garder cette caisse bourrée de drogue,
les proprios devaient revenir pour la remonter en France, à mon avis, ils se
sont dégonflés.
Le lendemain matin, je passe
au commissariat déclarer que je vais vers le Niger
sans m’étendre davantage sur mon moyen de transport
(j’aurais dû ressortir du Mali avec mon véhicule),
Gerry me droppe au barrage de sortie de la ville dans
une 4L
4x4 récupérée
du Paris-Dakar, quelques temps après, un camion moyennant
quelques menus z'argents me voyage jusqu’à Niamey.
Au matin, je vais prendre
un petit déjeuner à l’une des tables dressées sur
le trottoir. Je m’assois à côté d’un client qui
est en train d’exécuter un vigoureux tatouillage,
après avoir passé ma commande, je m’enquiers de
l'intérêt de cette puissante manipulation, le type
m’explique que quand on prend du café en poudre,
du sucre, qu’on humecte le tout d’un tout petit
peu d’eau chaude et qu’on en exécute le mixage,
cela donne un café digne des meilleures machines Italiennes.
Un peu sceptique, je demande
s’il peut, moyennant une tournée de ma part me concocter
sa spécialité, il ne se le fait pas dire deux fois,
demande, sérieux comme un pape au tavernier les
ingrédients, prend deux cuillerées de café soluble
(le plus ordinaire qui soit), deux sucres, quelques
gouttes d’eau chaude, et se remet en action, quelques
minutes plus tard, il me présente le résultat, ça
donne une épaisse émulsion marron clair, puis, religieusement,
il verse doucement sur le côté du verre de l’eau
très chaude sans touiller, me le tend, je goûte, extraordinaire
! Ce maniement a complètement changé le goût du produit,
ça frise l'expresso italien, je remercie le garçon
qui est en train de s’en refaire un, règle le tout
et me casse à la poste acheter des timbres pour expédier
des cartes postales à la Mama et aux copains.
Nouvelle embrouille, le guichetier
précise que si je veux poster une carte, le message
ne doit pas comporter plus de 5 mots, adresse non comprise,
je lui demande pourquoi, il me répond que ce sont de
nouvelles consignes, un point, c'est tout... Après
avoir acheté des appareils à faire voyager les cartes postales,
je vais négocier quelques paysages cartonnés aux petites
charrettes qui siégent autour de la poste.
J’ai inventé une formule
dont je suis assez content : je calcule le nombre de
cartes dont j’ai besoin, en fais deux tas ; sur les
courriers destinés aux personnes qui se connaissent,
je rédige des formules différentes sur des cartes
différentes ; pour le second lot, je choisis plusieurs
exemplaires de la plus belle des cartes que je trouve,
recopie autant de fois le même message, cela simplifie
bien la tâche et fait autant plaisir!
Après avoir rempli mes devoirs
épistolaires, je vais expédier ma prose ; dans la
poste, me vient une courante qui me tord les boyaux,
je demande à un préposé si je peux profiter du matériel
sanitaire de l’établissement, il m’indique une
porte derrière les guichets, je m’y rends illico,
je suis presque rendu aux gogues, qu’un balayeur
me demande ce que je fais là, je lui réponds que je
dois me rendre d’urgence aux cagouinces, ce connard
lève son balai pour m’en mettre un coup sur la tronche,
instantanément, je vois rouge, je le chope par les
revers de sa veste, le soulève, et le colle au mur,
fumasse, je ne sens pas son poids, un postier arrive,
demande ce qui se passe, je lui résume l’affaire,
il engueule l’autre comme du poisson pourri, je lâche
le crétin et file aux chiottes.
Si vous avez un mal de ventre,
quelqu’en
soit la cause et la partie concernée et pas de médicaments sous
la main, je vais vous indiquer la façon africaine de
vous soulager : vous prenez une double dose d’anisette
pure à 45° que vous buvez cul sec, c’est radical
!!!!!!
Je vais visiter le zoo de
la ville, des artisans d’art y ont un espace pour
présenter leurs métiers et vendre leurs productions.
Les animaux sont assez communs à tous les zoos hormis
des bœufs
Karouni aux cornes énormes et creuses
qui leur permettent, en mettant la tête en arrière, de
garder celle-ci au-dessus de l’eau pour respirer durant
les traversées des rivières ; dans la partie musée
se trouve un fossile
de crocodile
d’une longueur extraordinaire.
Bien que n’ayant pas revu
mes futurs associés, je décide d’aller au Nigéria
voir où en est la situation, continue ma descente jusqu’à
Cotonou, vais boire un pot au Bénin palace, après
avoir demandé un visa, je passe à Jonquet changer
des nairas ; deux jours plus tard
je prends le taxi-brousse vers Lagos, puis Lagos-Ilorin,
attendant le taxi Ilorin-Kontagora, je prends une bière,
je ne l’ai pas finie que le taxi, plein, s’impatiente,
je tends ma bouteille à peine entamée à la pourvoyeuse
de boissons fraîches qui me dit de la garder et de
rendre la consigne à sa collègue de la prochaine halte,
je la remercie.
Le taxi est une 504 familiale, huit
passagers plus chauffeur, il pleut à verse, nous empruntons une très longue descente, dans le ravin
en contrebas, des semi-remorques gisent, complètement éclatés,
un virage, des voitures sont bloquées au milieu de
la route, notre chauffeur, les yeux exorbités bloque
les freins, le véhicule part comme une savonnette en
travers de la route, un passager derrière moi gueule
à pleins poumons quelque chose au conducteur, je saisis
« brake » (freins), ce dernier lâche la pédale et
réussit à rattraper l’embardée, on se regarde tous
avec l’impression de revenir de l’enfer, à un cheveu
près c’était le carton, je lève le pouce vers le
conseiller technique pour lui signifier que j’ai apprécié
son intervention. À Cotonou, un Béninois m'a raconté
que le sport des camionneurs Nigérian est de mettre
au point mort dans les longues descentes et de
débouler le plus vite possible en hurlant à pleins
poumons : "Ghana, Ghana"....!!!
Arrivé à Kontagora, je rends
la bouteille consignée à la mama qui me fut indiquée
à Ilorin et lui demande où je peux dormir car on ne
circule pas de nuit au Nigeria, ça braque trop, sans
pour autant prendre un virage ! La brave femme m’indique
un petit établissement en rez-de-chaussée, j’y loue
une pièce aux murs de béton brut, de deux mètres
sur trois dont le mobilier se résume à un lit de fer,
toutes les portes des piaules donnent sur une cour intérieure
sans système d'éclairage, aucun signe de présence
humaine.
Après avoir acheté un peu
de croque, la nuit tombant, je retourne à ma turne,
ferme à clé la porte d'acier munie d’un guichet
grillagé sans carreaux ; deux ou trois heures plus
tard, je suis réveillé par des grattements à hauteur
de la serrure, quelqu’un essaie d’entrer et c’est
sûrement pas le Père Noël, je gueule un bon coup
à travers l’embrasure, ma voix résonne sinistrement
dans la cour sombre.
Je vérifie que la clé est
toujours engagée dans la serrure, la bloque en
travers, empêchant ainsi son crochetage, pousse
le plumard contre la porte. Toute la nuit, je suis réveillé
par les tentatives d’intrusion, je braille régulièrement
pour avoir la paix pendant une heure ; c’est
pénible, surtout que mes gueulantes ne font venir personne,
si les braqueurs avaient été plus virulents, ils auraient
pu tranquillement me faire la peau après avoir
cassé la porte, sans que nul n'intervienne.
Le lendemain, fin d’après-midi,
j’arrive à Sokoto, trouver la maison du seul Français
de l’agglomération n’est pas un prodige; quand
les « copains » me voient, ils sont abasourdis, visiblement,
ils tirent la tronche ! Coincés, ils me présentent
au papa.
Le surlendemain, départ pour
le Ghana dans le taxi d’un vague « frère » de la
femme du paternel, elle emmène du matos probablement
volé pour monter un salon de coiffure. Ils s’arrêtent
en cours de route chez plusieurs marchands pour faire
établir des factures bidons afin de passer aux douanes
les différents matériels, mais on leur demande trop
cher, leur histoire tourne en eau de boudin. Plus je
les vois au boulot, moins j’ai envie de bosser avec
de pareils bras cassés !!
Finalement, la belledoche
reste à Lagos pour ses « affaires », nous partons
vers le Bénin en taxi-brousse ; à la frontière nigériane,
je passe tranquille, pour les « copains », ça coince,
je me retourne, le douanier, tiré à quatre épingles
leur dit « dash me », la copine me traduit qu’il
veut leur taper du pognon. Elle pratique un anglais
parfait à ceci près que, l’ayant appris au Nigeria,
elle le parle «petit nègre», l’effet est saisissant
! Je demande combien il veut, elle répond une somme
équivalente à un peu moins d'un euro, les copains
se fendent, les passeports réapparaissent instantanément.
Il est assez déstabilisant de voir un douanier à l’uniforme
impeccable, dans une guitoune super clean, planquer
les papiers afin de taper froidement de l’oseille.
Il faut dire que le Nigeria
est considéré comme l’un des pays le plus craignos
du monde, si une personne est soupçonnée de vol sur
un marché, ça hurle de partout, les braves gens mettent
deux pneus autour du con cerné (et consterné), l'imbibent
de cinq litres d’essence et foutent le feu au colis.
Arrivés à Cotonou, il est
évident que nous n’avons rien à faire ensemble,
je les largue.
Je vais au Togo me renseigner
sur le prix de l’or en provenance du Ghana, après
avoir loué une paillote pas trop cher à la sortie
de Lomé sur la route de Cotonou, je vais voir les hadji*,
qui ont chacun leur place à deux pas de la frontière
Ghana et attendent le client orifié à longueur de
journée sans impatience.
Je branche un vieux bonhomme
en lui disant que je suis acheteur, nous restons trois
jours sans voir un gramme se pointer. N’ayant pas
de matériel pour tester l’or, je fais deux ou trois
bijoutiers à Lomé pour me procurer une pierre de touche
et l’acide idoine*, aucun ne peut ou veut me
procurer les objets, je retourne à Cotonou, où je
trouve le tout pour 5000 CFA (15€) avec un petit cours
à l'appui.
A Lomé, mon hadj n’a toujours
pas vu de vendeur. Cassant la croûte dans un bouiboui,
je lie connaissance avec des Algériens qui commencent
à descendre en Afrique noire, apparemment, les visas
se débloquent en Algérie. On en vient à discuter
business, je leur dis que je veux faire dans l’or
ghanéen, ils sont intéressés, on se promet de se
tenir au courant. Je retourne voir mon contact.
Au bout de trois autres jours
sans résultats, je commence à douter sérieusement
que l’on puisse faire des affaires, je demande alors
à mon type combien il vendrait le gramme d’or s’il
lui en arrivait, il me répond 4.000 CFA (80 ff), je
fais le calcul : le lingot de 1 Kg estampillé par la
Banque de France se négocie officiellement entre 70.000
et 80.000 francs (12.250 €) dans une banque française, je comprends
que j’ai perdu mon temps.
Je retourne à l’hôtel
où logent les arabes pour leur indiquer le résultat
de ma quête, j’y retrouve al-adji Bou Setta (Bou
Setta car il a six doigts à chaque main), c’est le
plus sympa, je lui confie ma déconvenue, nous cassons
la croûte tous ensemble, ils sont sur une sombre histoire
de mercure rouge dont j’ai déjà eu des échos, sans
savoir si ce produit existe ou pas et si c'est le cas,
s’il sert à faire de la fausse monnaie, des sacrifices
plus ou moins vaudou ou des transmutations
alchimiques.
Pensant ne pas continuer
dans la voie aurifère, je leur donne mon matos
acheté à Cotonou en leur expliquant comment s’en
servir.
Le lendemain, je trace sur
Ouagadougou, deux jours d’attente avant le départ
de l’avion ; déjeunant à côté d’un Voltaïque,
nous discutons de choses et d’autres, quand vient
sur le tapis un sujet qui m’intéresse ; il connaît
une maison hantée, m’explique les phénomènes qui
s’y passent, et comment y aller, le repas fini, je
file voir l’évènement. Une fois sur place, je n’ai
pas de mal pour trouver la maison en cause, il y a un
attroupement, les manifestations ont dû commencer il
y a quelques temps déjà, car il n’y a plus d’herbe
alentour, la maison est gardée par deux militaires
en armes ; y allant au flanc, je demande à la soldatesque
si je peux entrer, autorisation accordée. Tout est
cassé à l’intérieur, une sainte vierge en plâtre
n’a pas été épargnée (les esprits ne respectent
rien !), dans le jardin, les canaris* sont bousillés,
je sors et discute avec un jeune qui habite la maison
juste derrière. Il a l’air très au courant du déroulement
des incidents, pour pouvoir en parler tranquillement,
je l’invite dans une cabane où l’on vend le produit
brassé qui fait de la mousse. Les faits ont commencé
dans la maison d’en face, un peu en diagonale, puis
se sont déplacés dans celle-ci, des projections de
pierres ont cassé systématiquement tout ce qui pouvait
l’être, les gens ont été obligés de quitter leur
domicile, puis retour au calme, je suis frustré d’être
arrivé après coup ! Je demande à mon interlocuteur
s’il ne se passe plus rien, il me répond que non,
devant mon air désappointé, il me dit que par contre,
chez lui se déroule quotidiennement une manifestation
peu ordinaire, à partir de 16 heures, de petits cailloux
invisibles descendent le long du toit ; il est
15 heures, je demande si je peux y assister, il me répond
que ce sera avec plaisir, j'achète deux bières
puis nous allons.
Après avoir fait le demi-tour
du pâté de maisons, nous entrons dans une cour, mon
hôte va chercher dans la demeure une petite table et
deux tabourets, nous attendons, discutant et sirotant,
à 16 heures pile, rien, 5 minutes passent, je me dis
que je me suis fais mener en bateau quand j’entends
rouler un petit objet sur la tôle ondulée, je me lève, me dirige
vers le bord du toit, pour mieux voir car je ne distingue
pas ce qui dégringole ; plus de bruit et rien ne tombe
!!!!!
J’assiste ainsi à plus d’une
vingtaine de descentes, ce qu’il y a d’extraordinaire,
c’est qu’à l’écoute (audition binaurale), on situe à quelques centimètres
près la progression des objets le long du toit (d’après
les sons irréguliers, ils ne sont pas ronds), lorsqu’ils
arrivent au bord (qui est presque à hauteur des yeux),
plus rien et la cour, en terre battue, parfaitement balayée,
ne laisse aucune chance à un objet tombé de passer
inaperçu, une supercherie consistant à gratter la
tôle ondulée (comme les vaches) n’est pas possible
car le dessous du toit est à vue. Je me place en face
d’une dégoulinade (qui est assez lente), encore rien,
c’est hallucinant!!! Puis les coulées se font de
plus en plus rares et finissent comme elles sont venues,
j’en reste comme deux ronds de flan, j’envoie un
môme recharger les consignes pour arroser mon premier
contact avec ce que je pense être le paranormal, comme
plus rien n’est prévu au programme, je remercie de
la visite et ripe les galoches, Sud-Radio
relate c't'affaire.
Avion Ouagadougou-Lyon, train
Lyon-Bergerac, micheline Bergerac-Couze et Saint Front.
_Quatorzième
chapitre_
Je trouve une 404 ancien modèle
en bon état.
L’huile du moteur est propre,
je ne fais pas la vidange, prends quelques outils, une
roue de secours supplémentaire et pour vendre, un moteur
que j’avais enlevé d’une 404 précédente à cause
d’une soupape cramée, plus un fut de 200 litres.
Pour mes déplacements en
France, j’ai une 404 Diesel, afin d’éviter de payer
une assurance en France, puis une autre au Mali, je
peins les numéros de la plaque d’immatriculation
de ma 404 Diesel sur la voiture que je vais descendre.
Je prends de la peinture noire et blanche afin de repeindre
les numéros originaux avant le Niger puis le Bénin
qui n’exigent pas d’assurance pour les « touristes
».
En Algérie, à Foum-el-Kheneg, un
oued d’une quinzaine de mètres de large coupe la
route, deux scrapers bossent sur le site. Je fais signe
aux zigs de m’aider à traverser, un scraper vient
se positionner en marche arrière devant moi, le conducteur
attache un câble gros comme mon poignet avec une manille
du même calibre à l’arrière de son engin, me passe
l’autre bout avec une attache plus petite que je fixe
dans la patte de remorquage avant de mon auto ;
je me dis que si quelque chose bloque la voiture, le
conducteur m’arrachera tout l’avant sans même s’en
rendre compte.
Sur son conseil, je protège
l’échappement et le Delco avec des sacs en plastique
ficelés. Il me demande si je suis prêt, bien que pas
très convaincu, je lève le pouce ; démarrage en trombe,
entrée dans la patouille, la voiture devient légère
d’un coup, commence par flotter, à prendre l’eau
par tous les orifices baset à dériver dans le sens
du courant, heureusement, la traversée est très rapide,
arrivé, j’ai quand même les mollets qui baignent
et les fesses mouillées, quand j’ouvre la portière,
une bonne quantité de flotte s’évacue.
Je remercie les scrapistes
d’une demi-bouteille de Ricard, enlève les sacs en
plastique, la voiture démarre sans se faire prier.
Borj Moktar,Tessalit, 30 ou
40 bornes avant Aguelhok, un autre oued coupe la piste,
mais au Mali, pas de passeurs, 8 à 9 mètres
à traverser et aucun détour possible !
Il n’y a pas à tortiller,
il faut passer, vu la rapidité du courant, cela ne
se calmera pas de sitôt.
Je recule d’une trentaine
de mètres, prends mon élan, passe la seconde, à
fond d'icelle, j’entre dans la flotte, une vague géante
de chaque côté, je passe en aquaplaning, l’avant
de la voiture fait un mètre sur la rive sur un ou deux
cylindres et cale, les roues arrière restent dans l’eau,
mais le plus dur est fait !
J’ouvre le capot, dessous,
c’est les grandes eaux, le moteur est complètement
noyé, ce n’est pas grave car le taux d’humidité
du secteur est proche de zéro, je découpe des bandes
dans un chiffon (les petites marionnettes), avec un
tournevis, je les enfile dans les puits à bougies pour
absorber l’eau, j’ouvre et sèche le Delco au maximum,
attends une demi-heure, capot ouvert.
Je remonte le tout, donne
un coup de démarreur, la voiture bredouille, puis les
cylindres partent les uns après les autres.
Il y a de la flotte partout,
l'Adrar des Iforas est noyé, aux principaux points
submergés, la piste passe par des surélévations,
j'ai une pensée émue pour les légionnaires qui ont
dû les construire sous un cagnard de plomb ; arrivé
à Aguelhok, je fais viser mon passeport, il y a trois
camions englués de boue et pas mal de monde, ils ont
eu de gros problèmes d’enlisements dus aux inondations,
un Algérien sur l’un de ses deux camions me demande
si j’ai du matériel à vendre, je lui réponds :
« un moteur de 404 dont une soupape est à changer,
j’en veux 2000 ff », il gueule aux petits pois, je
lui dis qu’à Gao, je ne manquerai pas de clients,
il m’en propose 1000 ff, je l’envoie chez plumeau,
il n’est pas content du tout, surtout que la conversation
se déroule devant tout les gens de son convoi, et qu’il
veut faire le malin à mes frais, c’est raté.
L’autre camionneur, un Peul
ayant assisté aux échanges me dit discrètement de
l’attendre à la sortie du village.
La sortie d'Aguelhok est inondée
sur 300 ou 400 mètres, afin de pouvoir traverser ce tronçon,
je desserre la courroie de ventilateur, car sinon, elle
entraînerait l'eau et noierait le moteur, puis j'y
vais en première.
Il y a deux problèmes, le
premier : est que l'on ne voit pas où l'on roule, le
second : quand on desserre la courroie dynamo/ventilo-pompe
à eau, celle-ci ne fait plus circuler l’eau de refroidissement
du moteur, qui chauffe très rapidement.
J'entre dans l'eau doucement
en prenant comme repère la piste émergée au loin,
si je me souviens bien elle est droite sur ce tronçon
; je roule en restant en première accélérée pour
ne pas caler sur une grosse pierre et de peur que l'eau
n’étouffe le moteur en entrant dans le pot d'échappement,
vu les glouglous de canot automobile qu'il me fait,
il est sous la ligne de flottaison, je fais mon petit
bonhomme de chemin en cahotant, je suis à moitié du
parcours que l'aiguille de température est plus haute
qu'elle n'a jamais été, je continue l’œil dessus,
plutôt crispé ; finalement, j'arrive sur le sec, aussitôt
je descends de la voiture sans arrêter le moteur, lève
le capot, la flotte de refroidissement sort à gros
bouillon par le bouchon de radiateur, je retends la
courroie de ventilo et attends que la température baisse,
peu de temps après tout redevient normal, je complète
le niveau d'eau, et attends en laissant tourner le moulin.
Le Peul s’est dépêché
d’arriver le premier, il descend de son camion, et
laissant son monde, me demande s’il peut faire un
bout de route avec moi, je réponds qu’il n’y a
pas de problème, aussitôt qu’il est assis, je démarre,
les deux autres camions arrivent plein pot.
Mon passager dit s’appeler
Agali et être intéressé par le moteur, mais si je
peux lui faire un prix, il serait content, je lui fais
un rabais de 300 ff, qui lui convient, il me paiera
à Anéfis, on se serre la main pour sceller l’accord.
Il me demande si je peux lui
prêter mes lunettes de soleil, une fois que celles-ci
acalifourchonnent son nez, il monte sur le siège passager,
passe la tête par le toit ouvrant et tel un périscope
des sables, me guide pour contourner les passages profondément
engloutis, nous sommes en éclaireur, son camion et
ceux de l’Algérien suivent.
Nous parvenons à Anéfis
sans encombres, avant que nous n’arrivions au poste
de police, à la demande d'Agali, je m’arrête au
coin d’une ruelle, ses graisseurs déchargent le moteur,
les camions de l’Algérien s’arrêtent à ma hauteur,
il me demande pourquoi le moteur est par terre, je lui
réponds que je l’ai vendu à Agali ; pourquoi ai-je
soudain l’impression que la fumée lui sort par les
trous de nez ?
Il n’est pas content…du…tout,
et a l’air époustouflé que j’aie pu faire affaire
sans son divin consentement.
Je lui récapitule l’histoire,
je demandais 2000 ff, il ne voulait pas donner plus
de 1000 ff, ce qui ne me convenait pas, j’ai traité
avec Agali, l’affaire est conclue, on ne revient pas
dessus ; les gens de son convoi sont atterrés que je
puisse lui parler ainsi ; je lui dis que de toutes façons,
je n’ai pas de compte à lui rendre, au milieu d’éructations
diverses, il se met à me traiter de « chien de chrétien
», l’expression délicieusement moyenâgeuse me ravit,
je l’envoie chier en restant sur mes gardes car il
écume de rage, et avec ce genre de taré, il convient
toujours de se méfier.......
Là dessus, mon acheteur revient,
me paie (j’apprendrai plus tard qu’il est chef d’une
tribu Peule), l’autre enclume décarre.
Je pointe au poste de police,
puis récupère mon guide, quelques kilomètres plus
loin, il me demande de le déposer, me rend mes lunettes,
descend, se penchant à la fenêtre passager, il me
dit que si un jour j’ai besoin de quoi que ce soit,
je passe le voir dans son village qu’il me montre
au loin à droite de la piste, il me dépannera toujours
; son camion attend derrière, nous nous serrons la
main avec chaleur, vraiment sympa le père Agali!
Quarante kilomètres avant
Gao, je m’arrête prospecter le site préhistorique
qui a été rincé par la pluie, ramasse quelques tessons
de poteries,
morceaux de haches cassées et un grattoir,
soudain, j’aperçois un bout de pointe de lance de
silex taillée en feuille de laurier à moitié enfouie,
je vais voir de plus près, en priant qu’elle soit
entière, je la tire d’un coup sec, comme au Poker,
elle
est intacte,
quel pied!!!!!!! !
Je passe au commissariat de
police signaler mon arrivée à Mamby ; Boubakar me
dit que Gerry a déménagé dans un nouveau camping, je lui demande de m’y
conduire.
Dès que je l’ai salué,
lou Gerry me fait visiter ses installations, luxe suprême,
il a fait un coin douche dont je profite avec un plaisir
sans mélange, le seau de flotte, même quand on a le
coup de main, est un peu léger pour se délester de la poussière
de la piste. Il faut tout de même utiliser l’eau
avec parcimonie, car c’est un camion citerne (ce n’est
pas si brillant) qui va pomper l’eau au Niger (le
fleuve) afin de recharger le réservoir de la douche
et ce service est loin d’être gratuit.
Puis nous buvons une bière rendue
fraîche grâce au frigo à pétrole (qu’à Gao on
fait fonctionner au kérosène), un chouette type nous
rejoint dans la soirée, Rose, la cinquantaine, il a
installé, depuis longtemps, une fabrique de sodas qu’il
parfume avec des arômes qu’il fait venir d’Europe,
les capsules neuves étant rares, il rachète aux gosses
celles qui ont déjà servi, les redresse et les réutilise
pour boucher ses bouteilles ; quand il ne lui reste
pas assez d’arôme chimique pour faire une série
complète, il mélange les reliquats, c’est souvent
surprenant !
Je reste plusieurs jours à
Gao, presque personne au camping de Gerry, nous faisons
quelques parties de pêche.
Un gros (surtout par le tour
de taille) garagiste nommé Ousmane passe chez Gerry
et me demande combien je vends ma 404, je lui réponds
950.000 f Maliens, il m’en propose une autre «nouveau
modèle, trois compteurs» pour 400.000 f maliens, nous
allons chez lui, il me montre une pôôôvre chose bleu-vert
pâle mat, visiblement recouverte de la mauvaise
peinture algérienne qui rend un aspect «peau d'orange»,
ayant passé 10 ans sans voir le goudron à part celui
de l'huile du moteur qui apparemment n'a jamais été
vidangé, je pense que rien que pour rigoler, ça vaut
le coup d’essayer de faire une passe sur cette voiture
; quand elle tourne, les bielles jouent des castagnettes,
mais je pense que c’est retapable. Je demande qu’il
change crémaillère car la direction a un jeu
d’un autre monde, les phares, enfin ; qu’il lui
redonne un air de jeunesse, je passerai la prendre sous
huitaine.
Le soir, à la fraîche, je
fais part de ce plan à Gerry, lorsque nous entendons
un fracas terrible dans la cour où est garée ma voiture,
nous y allons, rien…….. J’ouvre ma portière pour
en avoir le cœur net, mon fût de 200 litres est écrasé
par le milieu et comporte maintenant trois
côtés au lieu d'être cylindrique. Après avoir réfléchi,
je trouve l'explication du phénomène : le vide créé
par le carburant prélevé par le tuyau alimentant la
pompe à essence est comblé par les vapeurs engendrées
par les cahots et la chaleur de la journée, mais la
fraîcheur du soir a provoqué le refroidissement
des vapeurs qui, en redevenant essence ont provoqué
un tel vide que la pression atmosphérique a écrasé
le fut ; je file le tonneau à Gerry, car à Gao, tout
se récupère.
Le lendemain, je ripe sur
Niamey, une fois sorti du Mali, je m’arrête dans
le no man’s land entre les deux frontières, sors
mon mathos, commence par repeindre les plaques d’immatriculation
en noir, laisse sécher quelques instants en sirotant
un jus de houblon, cette bonne chose faite, les plaques
sont quasiment sèches, je commence à repeindre les
anciens numéros, m’appliquant, cela me prend quelques
temps ; soudain, le silence est rompu par un énorme
bêlement juste derrière moi qui me fait sauter en
l’air ; concentré sur mon boulot, je n’avais pas
entendu arriver un petit pâtre et son troupeau qui
me reluquaient sans faire de bruit, on se dit bonjour
de la main et je retourne à ma prestation graphique.
Ceci fait, je sors du chauffage
la vraie carte grise de la voiture où elle était planquée,
et cache au même endroit les papiers du véhicule resté
en France.
J’attends encore un peu
en cassant la croûte, puis humidifie les plaques et
les salis avec de la terre pour
que les numéros ne fassent pas trop neuf ; miracle,
j’entre au Niger avec une immatriculation différente
de celle avec laquelle je suis sorti du Mali.
Niamey, Malanville, je m’arrête
à Parakou, prends l’apéro avec des Français. Au
Bénin pour que la maison ne passe pas pour radine,
il faut « faire pleurer » : le dosage des alcools
se faisant avec de petites répliques de choppes à
bière ayant contenu des pruneaux à l'Armagnac, «
faire pleurer » consiste, quand la dose est pleine
au dessus du verre du client, à continuer de vider
la bouteille, inutile de préciser que l'on encourage
vigoureusement la pratique et les serveuses, bonnes
filles que l’on fait rigoler, ne font plus attention
à ce qui a pleuré, après 6 ou 7 tournées, on est
faits comme des rats.
Bohicon, je m'arrête boire
une Bonne Béninoise au restau surplombant la route
venant du Nord et allant à Cotonou, deux lascars un
peu louches me branchent, ils disent connaître en brousse
des villageois qui cherchent à acheter en commun une
voiture à 500.000 f C.F.A pour emmener les fruits et
légumes au marché, ils veulent 50.000 pour eux, banco.
Nous emmanchons la route d’Abomey,
quelques kilomètres avant la ville, nous tournons à
gauche sur une piste encadrée de brousse épaisse,
une dizaine de bornes plus tard, nous arrivons dans
un village où les habitants portent des vêtements
conçus sur place, ils vivent visiblement en autarcie,
les toits des maisons sont en végétaux alors que partout
ailleurs sévit la tôle ondulée, je demande aux intermédiaires
ce que je viens faire ici, les types me disent de ne
pas m’en faire.
Mes VRP partent
chercher le chef, une ribambelle de gamins s’approchent,
d’abord timides, ils me parlent doucement la langue
du coin sans crier, ils ne connaissent pas le vigoureux
« Yovo, yovo, bonsoir, ça va bien, merci ».
Peu de temps après, mes loustics
reviennent, me demandent de les suivre ; ils me présentent
le chef du village qui ne parle que son idiome, petit
vieux très doux, nous nous serrons les mains, le chef
me conduit dans une grande case sombre, sort d’un
coffre en bois une cassette en fer et me fait signe
de prendre l’argent pour la voiture, puis il me laisse
seul et décontenancé.
M’asseyant sur un tabouret
bas, et posant la cassette sur une petite table, je
commence à compter les billets ; en Afrique, pour simplifier
le comptage de l’argent, on fait des tas de dix billets
dont le dixième rabattu par le travers sur les neufs
autres permet de faciliter la comptabilité.
Je commence à recompter le
tout, les pincées ne comportent que 6 à 8 billets,
me demandant si c’est une embrouille, j’appelle
le chef, et, par le truchement de mes accompagnateurs,
j’essaie de lui faire comprendre que les paquets ne
sont pas réglementaires, il a l’air de s’en foutre
comme de l’an quarante !
Laissant tomber, je retourne
au turbin ; autre problème, il n’y a pratiquement
que des billets de 500 et 1000 francs C.F.A soit <
de 2 et 4 €.
Vidant la cassette sur la
petite table, je pars à la pêche des quelques billets
de 5000 f. C.F.A, les mets de côté. Puis reprenant
les billets de 1000 je fais des paquets conformes, les
billets ayant changé de mains des centaines de fois,
sont dans un état de dégradation avancé, crasseux
et froissés, je prépare 450.000 f. CFA pour moi, et
50.000 f. CFA pour mes indicateurs, refais des tas corrects
pour le pépé-chef, laisse le tout sur la table, l’appelle,
lui montre ce que je prends, sans préciser qu’une
partie est pour mes guides, lui demande si c’est bien
ce qui était convenu, il me fait confiance les yeux
fermés, à croire que les Français du Dahomey laissèrent
une bonne impression, car depuis, on dirait que le temps
s’est arrêté !
Après des adieux, mes deux
termédiaires me raccompanent à Bohicon,
nous montons au restaurant où l'affaire a commencé,
je paie une tournée de Béninoise, les rince comme
convenu et cinq minutes plus tard, je suis dans un taxi-brousse
qui part vers le Nord.
Labbezanga, frontière nigéro-malienne,
attendant à la douane un transport qui m’avancerait
sur Gao, je casse la croûte dans un petit
restaurant tout en planches au bord de la route, je
demande une écuelle pour mettre mes os de poulet, le
maître de céans me regarde l’air ahuri et me répond
en désignant la fenêtre « tu jettes loin ! », je
jette loin, des chiens viennent aussitôt faire le ménage.
Un grand et mince Touareg
(tautologie) mange à côté de moi, il a pris un poulet
entier, ce qui n’est pas un exploit pantagruélique
car les poulets bicyclette (appelés ainsi car ils sont
toujours en train de courir à fond la caisse) ont la
taille d’un gros pigeon monté sur échasses, ils
ont les os extrêmement durs, fins et pointus, tels
les gibiers français quand ils ne sont pas dégénérés
(à ce propos, en Afrique, n’essayez pas de casser
un œuf dur de poulet bicyclette sur la tête du voisin,
vous lui feriez la bosse du siècle !!!) _Pour en revenir
au Touareg, il dévore sa volaille en totalité, c'est-à-dire
qu’il détache une cuisse, la mâche, l’os compris,
s’ensuit un bruit de concasseur, quand il a fini,
il ne reste rien pour jeter loin, çà, ça s’appelle
manger un poulet ou je ne m'y connais pas
!!!!!!
En fin d’après-midi, un
Berliet
délabré
dont la caisse a été élargie et rallongée passe,
la plaque d’immatriculation, bien que de travers
et dans un état déplorable, est manifestement malienne,
je fais de vigoureux signes au chauffeur qui arrête
son engin dans d’épouvantables grincements de freins
et de suspensions, je lui demande s’il va vers Gao,
il me répond que c’est son terminus, hosanna ! Nous
tombons d’accord sur le prix de mon passage : 10.000
f. maliens (15 €), je règle ma croisière, après
avoir jeté mon sac en haut du chargement, j’escalade
les ridelles, la cargaison est constitué de grands
sacs d’ignames, en écartant quelques-uns, je me fais
un creux, nous repartons à l’allure malienne qui
ne risque pas l’excès de vitesse.
La nuit tombe, avec elle,
une légère fraîcheur, je sors mon sac de couchage,
m’allonge dessus, je contemple les étoiles si nettes,
il fait doux, mon plan marche bien, je suis riche, pas
pressé ; je m’endors bercé par le tangage et les
multiples grincements du camion, dans un état proche
de la félicité.
Nous arrivons le lendemain
soir, je passe saluer Mamby, puis vais poser mes pénates
chez Gerry.
Le lendemain matin, je retourne
discuter avec le père Ousmane, je le trouve dans sa
cour, affalé dans un fauteuil défoncé ; bien sûr,
il n’a rien fait sur la voiture, sans lever son gros
cul, il me dit de prendre ce dont j'ai besoin
en pièces détachées dans son bordel ; au moment de
faire les papiers, il me demande à pouvoir garder
la carte grise malienne dont les droits de douanes sont
acquittés (ce qui lui permettra d’en malienniser
une autre d’un coup de peinture sur les plaques),
s’il me trouve une carte grise française ça ne pose
pas de problème (pour tout dire, ça m’arrange, car je suppose que
les voitures maliennes n’ont pas la cote).
Je repars de chez lui avec
mon nouveau carrosse, les ailes arrières sont de guingois
par rapport au reste de la voiture, mais les Africains
ne s’arrêtent pas à si peu de chose !!
Je commence par changer la
crémaillère de direction, puis ayant fait tourner
le moteur, je me rends compte qu'il ne pourra pas tenir
jusqu'à Niamey, il claque trop, je décide une autopsie
: le tomber et l'ouvrir n'est pas une opération nouvelle
pour moi, quand je vois la tête du vilebrequin, mon
optimisme naturel en prend un coup, je n’ai jamais
vu un carnage pareil, la pièce est profondément rayée,
et il n'y a pas besoin de pied à coulisse pour s'apercevoir
qu'elle est ovalisée au dernier degré ; il faut la
faire rectifier, changer les coussinets de bielles par
de plus épais, les segments etc..., je ne pourrai réaliser
ça qu’à Niamey. Comme je ne peux remonter les coussinets
sans rattraper un minimum de jeux, je découpe des cales
dans des boîtes de conserves en laissant un trou pour
laisser passer l'huile vers les hauts de cylindres,
pose celles-ci derrière les coussinets après avoir
en limé les bords de façon à en diminuer le diamètre,
en serrant, tout se met en place, je referme le moteur,
verse dans le carter de l'huile algérienne (de bonne
réputation à condition de faire la vidange tous les
cinq cents kilomètres), avec un peu de chance je peux
parvenir à Niamey.
Je me laisse vivre encore
une petite semaine chez le père Jerry, l'après-midi
nous allons à la pêche, de temps à autre l'ami Mamby
nous accompagne, nous parions la bière (sauf Mamby
qui doit être musulman), j’en suis chaque fois de
ma tournée.
Après mes adieux à tout
le monde, je ripe les galoches vers Niamey.
Un passeur de voitures rencontré
à Cotonou décide de partir avec moi, ce qui m'arrange,
car si le moteur lâche en route, c'est toujours mieux
d'être deux ; la piste est défoncée comme jamais
par les camions du fait des pluies, je suis obligé
de solliciter le moteur plus que de raison, mais il
tient le coup, Niamey, je me gare de nuit directement
devant l'entrée du garage chez qui je fais réparer
habituellement les échappements ou autres organes lacérés
par les traversées de désert.
Mon coéquipier, s’inquiétant
de l'ampleur des travaux, ne veut pas s’attarder,
nous nous donnons rendez-vous au Bénin palace.
Le garagiste me réveille
à huit heures du matin, nous discutons avec mon miraculeur
d'autos de ce qu’il veut m’engourdir pour : sortir
le moteur, le mettre en pièces, et quand je l'aurai
retapé, le remettre en place, nous tombons d'accord
sur 12.000 C.F.A (18,5 €), aussitôt, les mécanos
attaquent la bête.
Je vais casser la croûte
à la table qu'une mama a dressé de l'autre côté
de la rue, elle a fait des choux farcis délicieux que
j'accompagne de riz au gras et de vin rouge ; cette
cuisinière d’élite insiste pour me faire
goûter sa « sauce gombo* », je n’ai jamais pu me
résoudre à mettre ce condiment dans mes plats, car,
gluant et filandreux, il ressemble fortement à de la
morve, après avoir tâté du bout des lèvres, je suis
converti, c’est excellent, et, d’après les Africains,
plein de vitamines, à l’avenir, je vérifierai si
ces sauces y sont.
Après avoir pris un café
pour pousser le tout, je suis en forme pour attaquer
le morceau.
À 11 heures 30, l'intérieur
de mon moteur dans un carton, je me rends en taxi chez
« Niger-Soudan », la boîte de rectification d'une
grande partie de tout l'ouest africain, dix minutes
plus tard, je suis dans les bureaux de l’entreprise,
demande à la secrétaire combien il faut de temps pour
rectifier le vilebrequin, elle me répond que c’est
l’affaire du tourneur ; je vais dans l'atelier où
officie le personnage, il est affairé sur un gigantesque
tour, j'attends qu'il relève la tête pour lui poser
la question, il me répond qu'il pourra commencer quand
il aura expédié les dix mètres de pièces qui sont
alignées par terre, je demande si deux mille francs
C.F.A dans sa fouille peuvent faire activer le mouvement,
il appuie aussi sec sur un bouton de la machine qui
s'arrête, sort la pièce en cours, la remplace par
mon vilebrequin et se met en devoir de lui refaire une
santé ; une demi-heure après, nous examinons le résultat,
ce n'est pas brillant, le métal ayant été arraché
sur une forte épaisseur, à la dernière cote de rectification
possible, il manque encore des zones d'acier sur les
manetons et tourillons. Les bagues d’axes de pistons
sont complètement ovalisées.
Comme il n'a plus de temps
à me consacrer, je les sors moi-même, mets en place
des neuves, et les alèse assez serrées, car les axes
que je ne change pas, ont du creux à l’endroit de
portée, cela terminé, je cigle les deux mille francs
C.F.A promis, le remercie et retourne voir la secrétaire
qui est revenue de son casse-croûte ; j’achète un
jeu de segments, les coussinets de bielles dernière
cote correspondant à la rectification du vilebrequin,
quand je demande les joints il y a tout, sauf le joint
de culasse, c'est gênant, mais avec un peu de chance,
le vieux conviendra.
Taxi, je pose mes pièces
au garage, les mécanos ont du mal à croire que tout
à été fait en si peu de temps, ils ne doivent pas
souvent arroser le tourneur ! Je m'accorde une petite
demi-heure pour casser une graine arrosée en face,
puis je reviens gonflé à bloc. Le soir à huit heures
je repars vers Cotonou ; douze heures pour retaper un
moteur aux bielles coulées, je vais pouvoir m’inscrire
aux 24 heures du Mans de la 404!
Hélas, au fil des kilomètres
le moteur, se remet à claquer, pourtant l'indicateur
de pression d'huile n'est pas dans le rouge, à Parakou
je loue un coin de cour et redémonte mon engin, rien
de visible, je ne comprends pas ! D’autant plus qu'une
fois en place, il ne claque plus durant quelques temps,
y aurait-il un fantôme Vaudou dans mon moulin ?
Je retrouve à Cotonou le
copain de l'équipée sauvage Gao-Niamey, ayant vendu
sa 404, 600.000 francs C.F.A = 1830€, il n'a pas perdu
son temps, il faut dire qu'elle était de toute beauté.
Mon moteur reclaque, j’ai
peur de tout casser, démontage, remontage, je ne trouve
toujours pas la cause de mon tracas !
Buvant un coup au Bénin palace
avec deux Français, je leur parle d'un projet que je
mijote depuis quelques temps, aller acheter des diamants
au Ghana, ils me disent qu'ils iraient bien goûter
l'herbe ghanéenne, mon coéquipier de Gao y est déjà
allé et y retournerait bien aussi, çà ne me plaît
pas trop car il est radin comme un pou, lorsque c’est
son tour de payer une tournée, il a toujours autre
chose à faire, mais je n’ai pas le cœur à le rembarrer.
Je branche un black qui touche
un peu à tout, si je l’embarque gratos, il se propose
de me guider chez des vendeurs de diams, ça marche.
Le bruit court qu'il faut
prendre des bons d'essence à la frontière car tout
est rationné au Ghana, j'achète de l'huile alimentaire
et des œufs, du sel, de la moutarde car j'ai bien l'intention
de me faire une cure de langoustes qui sont, paraît-il,
abondantes en bord de mer.
Quand je demande au copain
où acheter les bons d'essence, il m’affirme que ce
sont des racontars, O.K.
Nous partons un beau matin
tous les cinq, à la frontière Togo-Ghana nous changeons
au marché noir des C.F.A contre des cedis treize fois
moins cher que le cours officiel, c'est une affaire
qui part sur les chapeaux de roues ! Je prends beaucoup
de cédis, en planque les neuf dixièmes, ainsi que
mes CFA restant
dans le chauffage à côté de la carte grise
de ma voiture française.
Au passage de la douane, on
nous tamponne tous les objets, savons compris.
Aussitôt passé la frontière,
la route est défoncée, les stations service carrément
abandonnées, on se croirait dans un pays en guerre,
je renifle mal le coup de l'essence, d'autant plus que,
vu le cours du cedi, je n'ai pas fait le plein à Lomé!
Quand nous arrivons à Sogakofe,
quelques stations services sont ouvertes, je m'arrête
à l'une d'elles et demande le plein, le pompiste me
répond « no problem, yours tickets, sir » je fais
celui qui ne comprends pas bien l'anglais (ce qui n'est
pas tout à fait inexact ) et remonte dans la voiture,
j’engueule copieusement mon informateur puis cogite
sur la manière d’en sortir, les autres ne voyant
pas de solution, je leur dis : "je vais vous montrer",
ce faisant, je m'arrête à une station de taxis-brousse,
vais voir le premier chauffeur venu et lui demande combien
vaut l'essence, il me donne un prix très voisin de
celui que j'avais vu affiché sur la pompe, je lui demande
de lui en acheter, il me répond que ce n'est pas possible
à cause du rationnement, je lui propose le double,
il sort de son coffre un jerrican et le vide dans mon
réservoir ; me retournant vers Madame Soleil, je lui
dis de raquer, si c'est moi qui règle, il se retrouve
à pied, (il avait changé le minimum pour ne pas trop
dépenser son bon l'arzent), je le regarde mettre son
sang par terre et nous repartons lestés d'à peu près
vingt cinq litres d'essence de mieux. Nous rechargerons
une autre fois de cette façon au long de la route,
mais en partageant les frais.
Le soir, nous nous arrêtons
pour dîner ; les lucioles clignotent alors qu'en Côte-d'Ivoire
juste à côté, elles ont une lumière fixe ; au cours
du repas je m’engueule avec le black qui devait me
présenter un vendeur de diams, il veut que je le rapproche
des fournisseurs sans que je les rencontre, acheter
pour moi et s'en mettre une bonne pincée dans la fouille
au passage, et bien sûr, garder les
plus belles pièces, il pense qu'en faisant le forcing
il m'imposera son point de vue ; un facteur qu'il n'a
pas pris en compte est que mon grand-père était breton
et que j’en ai hérité d’une sacré tête de cochon,
je lui rappelle ce dont nous avions convenu : je lui
offre l'aller-retour gratos pour son business, bouffe
qu'on prise, moyennant quoi, il me branche avec les
mecs, (ce qui de mon point de vue est correct), mais
visiblement, le bougre est devenu gourmand,
et me prend pour une pomme à l'eau, je le sèche illico
en disant que ce sera comme prévu ou pas du tout, il
se tire, disant qu’il va dormir chez des amis.
Après un restaurant bien
arrosé, les passagers achètent de l’herbe et se
roulent des pétards façon autochtones, c'est-à-dire
énormes et sans tabac.
A côté, nous trouvons un
hôtel ; à la réception, embrouille : le cerbère
nous demande de payer et de donner les passeports, mes
passagers, faits comme des rats étalent leurs liasses
de billets en s'esclaffant grassement, moi ne fumant
jamais, j'ai l'esprit un peu plus clair, je vois tout
de suite la tronche du mec s'allonger, augurant mal
de la suite, je récupère mon passeport et me casse
dans la voiture, les laissant patauger dans leur merde,
je regarde de loin évoluer la situation, ils sont décomposés
car le cerbère demande les feuilles de change et menace
d'appeler la police ; finalement, le pipelet, (correct
soit dit en passant) qui connaît parfaitement le cour
du cedis au marché noir, multiplie le prix de la turne
par treize, délivre un reçu, consternation dans les
rangs!
Ils reviennent prendre leurs
affaires, moi, je dors dans la bagnole.
Le lendemain, je trouve
un mot sur le pare-brise m'informant que mon intronisateur
en diams me laisse tomber, le billet est rédigé en
un français irréprochable avec un " quant à
moi " dont le « t », m’éblouit.
Deux jumeaux, que j’ai connus
au Bénin palace, construisent un voilier à Elmina
, je me dis que, faute de guide chez les diam’s boys,
ils pourront peut-être me tuyauter.
En chemin, nous nous arrêtons
devant un magnifique paysage, une anse que nous surplombons
d'une cinquantaine de mètres, quelques anciens sont
déjà là, contemplant le panorama, assis sur un énorme
canon 18ème qui sert de banc depuis des
générations, je n'en crois pas mes yeux, il mesure
plus de trois mètres de long et doit peser plus de
3 tonnes ; nous assistons au départ d'une gigantesque
pirogue maniée par une vingtaine
de baraqués partant
à la pêche ; ils la portent du sable sec au bord de
l'eau sans efforts apparents ; au signal, car il y a
une grosse vague à franchir, ils la poussent à la
baille, sautent dedans et pagaient avec tant de conviction
qu'elle fait un bond en avant sous chaque impulsion
parfaitement synchronisée des rames, l’embarcation
s'enfonce à chaque poussée au ras de l'eau.
Dans l'après-midi, nous
arrivons à Elmina, au centre de la ville, il y a une
maison fétiche, d’un étage aux volets clos, dont
la terrasse est extraordinairement décorée de personnages
peints encadrant un vaisseau à voiles style 18 ème
siècle, un homme à la proue regarde dans une paire
de jumelles, le tout, haut en couleurs, on
peut dire que ça en jette ! Au coin des rues, se trouvent
de magnifiques vieilles boîtes à lettres datant visiblement
de la colonisation anglaise.
Laissant un gus dans la
voiture pour la garder, je pars à la recherche des
jumeaux, je n'ai pas de mal à trouver leur chantier,
l’un des deux est au boulot, un énorme pétard à
la bouche, ce n'est pas celui que je rencontre le plus
souvent au Q.G qu'est le Bénin palace, mais
on a déjà bu quelques coups ensemble ; bonjour, présentations,
il nous invite à visiter son chantier, je lui dis que
l'on ne peut pas s’attarder car un copain garde la
voiture à cause d’une vitre qui ne remonte pas, il
me répond qu’il n’y a aucun risque de vol. Revenus
à l’auto, comme je n'ai rien de très précieux dans
mon sac, je tente l'expérience de le laisser en vue,
nous tassons les autres valises dans le coffre arrière
que je ferme à clé.
Le bateau est bien avancé,
c’est un voilier, à vue de nez il jaugera une petite
dizaine de tonneaux, le chantier dure depuis deux ans,
il faut dire que l'herbe ghanéenne rend les siestes
bien longues! Au cours du C.F.A / cedis, je suggère qu’il
aurait mieux valu acheter un bateau, ça n’accroche
pas, construire est un truc sympa, ça les regarde.......
Au passage, je lui demande
s'il connaît quelqu’un qui fait dans le diam', il
me répond que non, je suis un peu étonné, mais il
ne peut ( ou ne veut) pas me renseigner, ce n'est pas
en insistant que je lui soutirerais une information
car c’est peut-être leur business sous-marin ; je
demande où louer une baraque pour une semaine, ça,
il connaît et m’indique un endroit où m’adresser,
nous retournons à la voiture, effectivement, malgré
la vitre ouverte, personne n'a touché à mon sac.
Nous nous pointons à
l’adresse indiquée, et, pour un prix insignifiant,
louons une piaule face à la mer ; après notre installation,
je demande au proprio de la turne s’il connaît un
pêcheur de langoustes, il promet de m’en envoyer
un. Quelques temps plus tard, celui-ci se présente,
je lui demande s'il peut me fournir des langoustes cuites,
de quelle taille et à quel prix ; pour l'équivalent
de 50 centimes d'€ pièce (merci Mr.
Blackchange), il peut me fournir des langoustes d'une
quarantaine de centimètres, je lui en commande dix à
renouveler tous les jours jusqu'à notre départ.
Le lendemain, il est là,
quelques pièces n’ont pas toutes la taille, mais
je ne lui en veux pas, après avoir réglé les crustacés,
je demande s'il connaît quelqu'un pouvant me vendre
de l'alcool de palme, il promet de m'envoyer
le spécialiste du coin.
Ces bonnes choses faites,
je retourne voir le copain sur son chantier, blancs
et noirs sont déjà à la fumette, il me dit qu'il
faut absolument que j'aille voir le fort portugais qui
protégeait le secteur à partir du quinzième siècle
; j'ai l'estomac dans les talons, je retourne à la
cabane, me fais une mayonnaise de derrière les fagots,
avec mes colocataires, nous cassons les dix langoustes
; tout cela donnant faim, nous allons chercher un petit
restaurant. Pas terrible, il n'y a que du poisson accompagné d'igname, la
sauce est tellement épicée que lorsqu’elle dépasse
des lèvres, elle brûle la peau du visage, de plus,
pour pousser le tout il n'y a que des boissons gazeuses
dégueulasses à deux parfums épouvantablement
chères.
Nous allons visiter le
fort qui vaut la peine d’en monter la
pente abrupte
; il est en parfait
état de conservation,
on y entre par un petit
pont-levis
surplombant les douves dans lesquelles ont été jetées
des pierres tombales brisées ; je descends pour les
voir de près, le granit n’a aucunement été altéré
par les ans, le soleil et les embruns d'eau salée,
la plupart, datant des 15 et 16 ème
siècles, portent des noms portugais. Gravures
anciennes , Vues Google Earth.
À l'époque, l'entrée
n'était pas payante et hormis quelques pékins éparses,
pas chat dans les lieux, nous pénétrons dans la cour,
puis montons sur les remparts, les
canons d'époque sont toujours
là, mais pointés vers le ciel, posés, moitié sur
les créneaux, moitié par terre, les affûts d’origine
étant pourris depuis longtemps, l'endroit est gigantesque.
Diaporama de photos anciennes.
Nous passons quelques jours
tranquilles, tous les soirs, un vieux passe m'apporter
ma bouteille d’un peu moins d’un litre d'alcool
de palme, tous deux, assis sur le tronc couché
d’un cocotier, nous nous la repassons, (en silence
car il ne parle pas anglais et moi,
pas le Ghanéen) jusqu’à épuisement du flacon,
en contemplant les somptueux couchers de soleil sur
la mer.
Me promenant sur une plage
avec l'arrière petit-fils de Noé, je suis étonné
de la multitude d'étrons constellant le sable, il me
répond que c'est le chiotte du coin, effectivement,
nous parvenons à la hauteur d'un type accroupi en plein
office, il nous salue de la main avec un grand sourire
et un tel naturel, que cette condition, tellement humaine
ne gêne personne.
Le lendemain, sur une autre
plage (peu parsemée de déjections, car éloignée
des habitations), sur laquelle se prélassent des autochtones,
passe un camelot, une petite caisse peinte de couleurs
vives, tenue autour du cou par une lanière tel un marchand
de glaces en France, mais lui, vend de l'herbe en rouleaux
de papier bible de six centimètres de diamètre sur
vingt de long, pour utiliser, no problèmo : vous ouvrez,
faites un tas triangulaire de l’herbe sur le papier,
vous roulez le tout, léchez le bord pour coller, vous
vous retrouvez avec un pétard impressionnant, type
cône de glace en Europe, vous allumez le gros bout…….et.....roulez
petits bolides.....!!!! Bien sûr, pas de tabac, produit
hors de prix en ces lieux.
Quatre jours de ce régime,
je me dis qu'il faut que je me remue le popotin si je
veux réaliser mon plan diams ; prenant le taureau par
les cornes, je vais me balader en ville, m’arrêtant
au marché, je vois un type habillé en chemise et pantalon
à contrario des autres gens vêtus à l’indigène,
je me dis qu'il doit parler anglais, je l'aborde sous
prétexte de lui demander s'il sait où l'on peut acheter
de la lessive, (denrée contingentée, rarissime, vendue
sous le manteau), ce sera mon test pour embrayer sur
le but de mon voyage ; il me guide dans l’arrière
d’une petite boutique en bois, je l'étudie pendant
qu'il traite l'affaire, il a l'air de prendre soin de
mes intérêts.
La transaction faite, je lui
propose d'aller boire un coup à côté pour continuer
à discuter, ce que nous faisons devant une bouteille
d'alcool de palme, puis, je me dis que c'est maintenant
ou jamais, je lui déballe l'affaire, pas plus étonné
que ça, il me dit que je tombe bien car il a un cousin
qui est mineur au nord, sur la route de Koumassi.
Il m’explique en deux mots comment s'y
prendre, car il faut passer deux barrages de l'armée.
D’abord, laisser ma voiture près du marché, puis
prendre le taxi-brousse ; j'ai décidé de lui faire
confiance, alors allons-y ; je commence par aller seul
dans un coin tranquille pour sortir tous les cedis planqués
dans le chauffage avec ma carte grise française et
mes CFA restants, cela fait, nous allons à la station de transports
en commun, montons à l'arrière d'une 404 plateau déjà
bourrée qui ne tarde pas à démarrer vers
le nord, nous roulons un bon moment en brousse, de temps
à autre je vois d'énormes pirogues sur le côté de
la route attendant leur transfert vers la mer ; soudain,
mon guide me dit que c’est le moment de passer sous
le banc, il parle rapidement aux mamas qui s’écartent
et me cachent sous leurs boubous, je deviens invisible,
la voiture s'arrête, petite palabre, nous repartons,
mon guide me dit de ne pas bouger, deux kilomètres
plus loin rebelote, puis mon coach m’avertit que je
peux réapparaître, je remercie à la ronde, visiblement
l'épisode a amusé tout le monde, une demi-heure après,
arrêt, nous sommes les seuls à descendre, un signe
de la main pour adieux, on me répond de même avec
bonhommie et des sourires jusqu'aux oreilles.
Nous allons devoir attendre
dans une case dotée d’une table et de deux bancs,
ouverte à tous, qui est un peu en retrait de la piste
dans la végétation, car les mineurs ne sont pas encore
revenus du boulot.
Une heure passe, un car s'arrête,
un type en descend, mon mentor le branche, me fait signe
de les rejoindre ; le quidam sort, sans se faire prier,
une petite bouteille de verre, avec un diamant baignant
dans un liquide translucide ; n'en ayant jamais vu,
je suis étonné par la grosseur du morceau, il fait
plus d'un centimètre de haut, en forme de
cube-losange, les faces légèrement arrondies et striées,
je lui demande combien il en veut, il me donne un prix
que je divise par deux pour entamer la discussion comme
l'on fait en Afrique francophone ; il me fait non de
la tête, pas fâché, un autre bus arrive, il monte
sans que j'aie eu le temps de faire une autre proposition,
nous retournons dans la petite case pour attendre, car,
si un véhicule de l'armée passait par-là je me ferais
embarquer illico pour trafic ; au bout d'un long moment,
les mineurs, prévenus commencent à se pointer, je
me suis assis sur un banc, la table devant moi ; chacun
d’eux me propose un petit lot de diamants dans un
papier plié d’une façon spécifique ; ils sont beaucoup
plus petits (+ ou - la taille d’une tête d’allumettes)
que celui que j'ai vu en premier, de toutes formes,
toutes couleurs, n’en ayant jamais vu auparavant,
ils pourraient me refiler des éclats de pare-brise,
je n'y verrais que du feu, au début je fais des contre-propositions
trop basses et les mecs repartent sans insister, pas
contrariés, les Ghanéens sont vraiment cools ! Puis
je prends le rythme, je baisse un peu le prix proposé,
empoche le lot et paie le vendeur en ponctionnant mon
tas de billets posés sur la table.
De temps à autre me vient
l'idée qu'ils pourraient me faire la peau et me dépouiller,
je suis tout seul, et personne ne sait que je suis là.
Les transactions se sont faites
relativement vite, le dernier mineur passé, j'ai claqué
une très grande partie de mes cedis.
Nous disons au revoir à tout
le monde, sur un signe, un taxi-brousse s’arrête,
nous montons dedans, curieusement, mon guide me dit
que ce n’est pas la peine de se cacher pour le retour,
que lorsque nous franchirons les barrages, si l’on
me demande quelque chose, je déclare que je viens du
nord ; ça passe comme une lettre à la poste. A Esiam,
nous montons dans une vieille camionnette anglaise entièrement
refaite en bois, sans vitres, absolument magnifique
; les gens me sourient. Le soir, nous sommes de retour
au marché d'Elmina, je demande à mon compère combien
je lui dois pour ses services, il me faut insister ;
il me dit un prix, mais il ne me reste plus de quoi
lui régler la totalité de ce qui m'est demandé, je
lui donne tout les cédis qui me restent, il me donne
son adresse pour que je lui dise bonjour si je repasse
par chez lui, c'est vraiment un brave type, j’ai été
enchanté de le connaître, on se serre la main.
De retour à la piaule, je
suis accueilli par un nuage de fumée d'herbe, je montre
ma pêche, notre prédécesseur au Ghana me dit en avoir
acheté lors de son dernier voyage, mais beaucoup plus
petits que les miens, je biche comme un pou, il
n'empêche que le souvenir du premier vu dans la petite
bouteille, me reste en travers du gosier.
Maintenant que j'ai fait mon
coup, je ne pense plus qu'à gicler ; reste le problème
de l'essence, j'en parle à une demie partie de
la paire de jumeaux, qui m’informe : « ici, il n'y
a que du mélange pour moteur hors bord à 5% d'huile
deux temps », je dis que cela ira très bien ; demandant
la participation de mes passagers j'en achète 40 litres
puis nous reprenons la route direction Lomé.
Au moment de traverser la
frontière, mes passagers flippent, ils ont peur
que le black qui était avec nous à l’aller nous
ait balancés ; j'essaie de les raisonner : «s'il l’a
fait, il a grillé son business», peine perdue...
Il fait noir et lourd, la voiture s'insinue dans
une foule bigarrée, je m’arrête cent mètres avant
la douane, ils partent à pied.
UJe laisse passer une demi-heure,
ensuite, je tente le drop et passe comme une lettre
à la poste, je les récupère après la frontière,
nous dormons à Lomé où ils décident de rester, le
lendemain je suis de retour à Cotonou, il faut que
je redémonte mon moteur qui claque à nouveau depuis
un bon moment. Je pratique l’opération dans une petite
cour à côté du Bénin palace, je lui ressors les
tripes, constate de nouveau que les axes de pistons
n'ont pas plus de jeu que çà, les bielles pas davantage,
je dois être comme Gliani (maudit) !!!
Au Q.G, je trinque avec un
Français trop curieux, rouquin, légèrement barbu,
il traîne là sans raisons apparentes n'ayant rien
à vendre, pas de boulot, enfin, ce n'est pas mes oignons...!
Devant une bière, nous discutons de mon problème,
il me demande si j'ai vérifié les rampes de culbuteurs,
effectivement la chose ne m'était pas venue à l'esprit,
je lui avoue mon scepticisme tout en me disant que cela
fait trois fois que j’étripe ce putain de moulin
sans trouver l’origine du bruit inquiétant ; à tout
hasard, je vais essayer. Une fois les culbuteurs isolés,
je vois que le type avait raison, les bagues en sont
usées au dernier carat, ce que je n'ai pas pu voir,
car rampes et culbus se sortent d’un bloc ; lors des
remontages précédents, je faisais les réglages, tout
allait bien, puis en fonctionnant, l'ovalisation regagnait
et les claquements avec.
J'achète le bout d’occase
5000 francs C.F.A (15€) au patron de la cour,
pendant sa mise en place, passe un marchand folklo en
habits chamarrés avec une large ceinture rouge dotée
de crochets auxquels sont suspendus des gourdes et de
petits gobelets de laiton (comme on dit à l’Est),
il a les yeux complètement injectés de sang, l’assistance
me suggère de payer un coup, toujours curieux de spécialités
autochtones, j’arrose tout le petit monde qui fait
cul sec, vient mon tour, je fais de même, trichloréthylène
!!!!!! Impossible d’en recracher une goutte, car j’ai
tout expédié dans le fond suivant la pratique locale,
je peux dire que le trichloréthylène n’est pas ma
tasse de thé !!!!!!
Pour en revenir aux pièces
détachées de 404, il est étonnant de constater que
Peugeot ait pu se faire supplanter aussi rapidement
en Afrique par les constructeurs japonais, la maison
était Peugeot était enracinée depuis des décennies,
les Africains connaissaient et aimaient cette mécanique
simple et robuste, après, on s'étonne de l'état dans
lequel se retrouve notre pays (et ce n'est que le début...!!!!!!).
La nouvelle rampe installée,
tout redevient normal, les boules !
Enfin, je saurai qu'un joint
de culasse peut être démonté et remonté plusieurs
fois, sans inconvénients.
De retour au Q.G, je paie
la tournée pour éponger le trichlo et remercier mon
tuyauteur, puis m’occupe de larguer mon os ; le hic
est que des types ont dû se faire poisser à vendre
des voitures volées, car, pendant mon séjour au Ghana,
est passée une directive selon laquelle toute voiture
vendue doit subir une inspection au commissariat de
police qui vérifiera les numéros de châssis, carte
grise, etc......
On ne peut pas dire que cela
arrange mes bidons ! Je me sens plutôt à l’étroit
dans mes baskets avec la carte grise dont aucun numéro
ne correspond à ceux de la caisse à fourguer !!!!!
Le lendemain matin, de bonne
heure, j'informe les intermédiaires que je vends la
voiture 400.000 C.F.A ce qui est peu cher pour un nouveau
modèle, aussitôt ils me disent avoir un acheteur,
que je la mette de côté, c’est d'accord, je reviens
à 11 heures du matin. Un copain Libanais, ami de Mohamed,
louant une grande maison, m'avait proposé gratos une
de ses piaules libres, ce qui ne se refuse pas, je retourne
chez le pote, lui dis que je vais vendre la voiture
et partir directement sur le Togo ; on se dit au revoir.
Je plie mes bagages, les laisse
sur place. Maintenant il s'agit de jouer fin, car la
prison au Bénin, c'est pas la joie : Doudou qui a eu
une embrouille peu de temps auparavant en est ressortit
avec des taches blanches partout et m’a décrit l’endroit
: une pièce avec une tôle ondulée sur le toit, peu
haute pour que l'on ne puisse pas se tenir debout et
tellement bondée que personne ne peut s'allonger, une
sortie d’une demi-heure par jour pour s'abreuver et
se laver en moins d’une minute car il n'y a qu'un
robinet pour tout le monde. A ce moment, j’ai déjà
un pied dedans.
Il faut que je joue ma partition
au millimètre ! J'arrive à la terrasse du Bénin palace
à midi dix en disant que je m'excuse, mais j'ai un
client pour la voiture, consternation du client et des
intermédiaires qui voient la commission leur passer
sous le nez ; ils cherchent à me faire changer d'avis,
j'écoute leurs arguments tout en regardant discrètement
ma montre, car je me suis renseigné, le commissariat
ferme à midi et demi, à midi vingt, succombant finalement
à leurs raisons, je prends les billets en chipotant,
leur disant que nous devons aller au commissariat ensemble,
il est fermé ? Ah bon, nous irons après le repas ;
je laisse les papiers et les clés de la voiture à
son nouveau propriétaire.
Je demande au garçon avec
ostentation de m’apporter le plat du jour dans la
salle climatisée ; le client s'arrache avec son nouvel
engin, les intermédiaires vont dans un coin s'écharper
pour la commission que je leur ai donnée, je vais aux
toilettes comme si j'allais me laver les mains, et déguerpis
par la cour de l'hôtel qui donne sur le côté, Basile
ne va pas être content, mais je n'ai pas le choix.
Aussitôt, je vais prendre
mes fringues, Jonquet, taxi-brousse direction Lomé
; passée la douane togolaise, je respire (j’apprendrai
lors de ma descente suivante que les intermédiaires
et le client m’avaient poursuivis et que j’avais
franchi la douane Togolaise sous leurs yeux) !
A Lomé, le prochain taxi
pour Dapaong est une 404 plateau, j’attends tout l’après
midi avant qu’il ne soit plein, et prêt à partir.
Quand tout le monde a payé
son écot, le propriétaire laisse au conducteur de
l’argent pour l’essence (le chauffeur part avec
l’essence calculée au plus juste et doit trouver
son salaire et le montant du carburant sur les places
du retour), nous montons dans l’auto, le moteur part,
pas moyen de passer la première. Le patron a l’air
de trouver ça normal, il dit aux passagers de descendre,
au chauffeur d’enclencher la vitesse, tout le monde
revient à bord, la voiture démarre ; j’augure mal
des 750 kilomètres à venir.
Nous roulons toute la nuit,
aux arrêts, avant de remonter dans l’auto, les gens
attendent désormais que le chauffeur ait passé la
première, après, tout va bien ; le problème est que
le châssis de la voiture doit être cassé, la voiture
surchargée, il plie, de ce fait, il est impossible
de passer la première.
Après Sokodé, la route grimpe,
le taxi, dont le moteur est fatigué, refuse de monter
en seconde, le chauffeur se met à faire patiner l’embrayage
pour avancer, ça commence à sentir le cramé, je lui
dis d’arrêter, car s’il fume l’embrayage, le
voyage dans ce véhicule est fini, il faudra en trouver
un autre, et repayer la course, on n’est pas sorti
de l’auberge !
Je gueule par l’ouverture
permettant de parler au chauffeur, le bougre ne veut
rien savoir ! y passant carrément la tête, je finis
par lui éructer dans les oreilles «arrêtes, tu vas
bousiller l’embrayage», il finit par consentir à
stopper en pleine montée.
Tout le monde descendu, impossible
de passer la vitesse, je dis au chauffeur que je vais
l’aider à l’enclencher à la main par en dessous, demande
un chiffon et me glisse sous la caisse vers les tringles
de vitesses, à deux, nous parvenons à l’engager
; par hasard, mes yeux se posent sur l’arbre de transmission,
la canalisation de freins qui court sur sa longueur
a été coupée, il devait y avoir une fuite de liquide
aux freins arrières, pour résoudre le problème, un
petit malin a sectionné et replié le tuyau pour qu’il
n’y ait plus de fuite ; la voiture, 19 personnes et
une demie tonne de fret ne sont arrêtées que par les
freins avant.
Tout ce petit monde remonte
dans la voiture, et nous parvenons à Dapaong sans plus
d’incident.
Changement de taxi à Koupéla,
puis Ouagadougou, je vais direct chez « Point-Air »
prendre mon billet, en sortant, je retrouve un mec vu
au Bénin palace, un peu spécial, français, maigre,
grand front dégarni, des idées délirantes, mais pas
méchant, il garde l’appartement d’un compatriote,
si je veux dormir chez lui, il y a un deuxième lit
pour moi dans la piaule, je dis banco, nous passons
le reste de la soirée à manger et boire de la bière,
puis nous allons dormir.
Nos deux lits se font face,
vers trois heures du matin, je suis réveillé par un
cri, suivi d’un rire démoniaque, le type est assis
dans son pieu, et pousse des hurlements qui me font
dresser les cheveux sur la tête (à l’époque, j’en
avais), j’ai le cœur en vrac ! J’allume ma lampe
électrique, il a les yeux révulsés, c’est affreux
! Puis, il retombe en arrière d’un bloc, la crise
est finie, j’ai un peu de mal à rendormir (coquetterie
linguistique).
Le lendemain matin, nous allons
prendre le petit déjeuner dans une gargote, je lui
demande s’il a bien dormi, il me regarde d’un air
étonné, « oui, pourquoi ? » Je ne lui dis rien,
après tout, ça n’a pas l’air de le déranger,
autant ne pas l’inquiéter.
L’avion est à l’heure,
Lyon.....
C’était une époque géniale,
je pouvais partir tranquille avec 2000 francs (300 euros),
aller de France au Bénin avec seulement mon passeport,
pas besoin de visas, dans des voitures coûtant trois
francs six sous, je rencontrais des gens sympas, nos
cuites étaient bercées par Bob Marley et consort (comme
on dit en Afrique), des fois, ça coinçait un peu,
mais en général, l’affaire s’arrangeait tranquillement.
Quand on voit qu'en une quarantaine
d'années tout ce climat tranquille et serein a complètement
basculé, cela augure mal de l'avenir.....
Je referai d’autres voyages
avec des Berliet, puis une 504, mais ces histoires sont
moins drôles, une autre fois peut-être…
_Glossaire_
_ Abomey : Fut la capitale
du Dahomey, dernier roi : Béhanzin
_ Agouti : Mammifère rongeur
de la taille d’un lièvre et haut sur pattes
_ Atlantide : Hôtel le plus
classe de Gao, le seul qui avait l’électricité à
cette époque.
_ Banko : Briques de limon
du fleuve mélangé à de la paille, des copeaux de
bois ou n'importe quel végétal, du limon encore en
guise de ciment et vous avez une maison fraîche et
relativement solide dont la terrasse-toit est faite
de troncs de palmiers fendus.
_ Béhanzin : 1844-1906, dernier
roi du Dahomey, fils de Gléglé.
_ Bisse (prononciation africaine
pour biche, (antilope)).
_ Canaris : grosses poteries
poreuses mi-enterrées, la porosité du matériau permet
une évaporation qui tient l’eau contenue fraîche.
_ En 1978, 100 francs C.F.A
= 2 francs Français = 0,304898 €uros.
_ Cora : Instrument de musique
doté les multiples cordes, et dont la caisse de résonance
est une calebasse.
_ Cramcrams : Sortes de boulettes
végétales munies de crochets piquants.
_ Fech-fech : Sable pulvérulent.
_ Francs 1978 : 100 francs
maliens = 1 franc français ; 50 francs CFA = 1 franc
français = 0,1524€.
_ Gombo : Fruit d’une plante
des régions tropicales ressemblant à un cornichon
anguleux, condiment.
_ Guerba : Peau de chèvre
servant d’outre, on vide la viande et les os par le
cou et les pattes, puis, on traite la peau avec des
herbes, la peau étant légèrement perméable, l’évaporation
fait que l’eau reste fraîche.
_ Hadj (hadji au pluriel)
: Sage ou notable musulman, initialement, un hadj est
une personne qui s’est rendue en pèlerinage à la
Mecque.
_ Igname : Plante ressemblant
à une grosse betterave à vache, à chair blanche,
se cuisine comme la pomme de terre.
_ Mathieu
Kérékou, né le 2 septembre 1933 à Kouarfa (Bénin),
non loin de Natitingou, et mort le 14 octobre 2015 à
Cotonou.
_ Latérite : Terre ocre rouge
régulièrement utilisé pour ses propriétés mécaniques
à la confection de pistes.
_ Mama-Benz : Appelées ainsi
par les Africains parce que grandes, riches, solides,
très enveloppées, d’où le parallèle avec Mercedes-Benz
( ce sont des businesswomen averties).
_ Markouba : « herbe à moutons
», 6 à 7 kms de sable mou ponctués de mottes d’herbes
très dures.
_ Naira : monnaie du Nigéria
_ Pierre de touche : Pierre
de jaspe noir servant à tester les métaux de bijouterie
au « touchau », on frotte le métal pour laisser une
trace, ensuite on le teste aux acides différemment
dosés comme l’eau régale (1/3 d’acide nitrique,
2/3 d’acide chlorhydrique) pour déterminer le nombre
de carats composant le métal.
_ 6X6 : Les voitures ou camions
ayant plus de 2 roues motrices sont indiquées par le
nombre de roues total suivi de « X », puis du nombre
de roues motrices, ex : 6X4=2 roues libres+4 roues motrices,
dans le cas qui nous occupe, les 6 roues sont motrices.
_ Takoubas : Epées tamashek
plates à bout rond très tranchantes.
_ Tamashek : Touareg Malien.
Quelques rudiments de Tamashek : Keltina
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_Dépôt au SNAC n°
3-5077 du 10/10/2003
_Dépôt à la SGDL
n° 2004.10.0053 du 06/01/2004
_International
Standard Book Number (ISBN) : 978-2-7466-4166-2
_Dépôt
au SACD :
_Titre
de l'oeuvre : Yovo, yovo, bonsoir
_Numéro
de dépôt 000042481
_Fichier
déposé : yovo, yovo, bonsoir.7z
_Catégorie :
Audiovisuel
Empreinte
numérique SHA1 c4241a91bd46a732a6819daaf73d2b03d550f01
_1er
enregistrement chez Copyright dépôt.com
http://www.copyrightdepot.com/rep30/00034393.htm
_2ème
enregistrement chez Copyright dépôt.com
http://www.copyrightdepot.com/cd49/00052622.htm
_3ème
enregistrement chez Copyright dépôt.com
http://www.copyrightdepot.com/cd50/00052750.htm
Publication livresque :
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Narphivès
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